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Bande dessinée -> Revues, essais & documents |
| collectif Black (n°1) Vertige Graphic Coconino Press 2004 / 15 € - 98.25 ffr. / 240 pages ISBN : 2-84999-000-0 FORMAT : 17 x 24 cm
Semestriel - Hiver 2004 Imprimer
Profitant de létat de bonne santé générale du marché de la bande dessinée, les revues et magazines traitant du neuvième art (re)commencent à occuper une place importante à côté des traditionnels albums. Premier numéro en France, Black est pourtant une fausse nouveauté. Cette revue épaisse et luxueuse existe depuis trois ans en Italie, où elle est régulièrement éditée par Coconino Press.
Sous-titrée "le retour des avant-gardes soft", Black sinscrit dans une ligne éditoriale proche de celle de LAssociation et de sa revue Lapin. En plus noir et moins ludique. Les auteurs retenus ici sont portés par une même volonté de faire une bande dessinée différente, audacieuse, parfois obscure et exigeante, mais toujours pertinente et prenant des chemins de traverse encore peu fréquentés. Pour ce premier opus, la distribution est prestigieuse : à côté de figures reconnues comme David B., Baru, Yoshihiro Tatsumi ou encore François Ayroles, on y trouve quelques découvertes réellement séduisantes, tel Suehiro Maruo qui plonge son lecteur dans un récit cauchemardesque au charme sulfureux. Et puis encore Sergio Ponchione (drôle dhistoire mélangeant pataphysique, Murnau et le Journal de Mickey
), Javier Olivares, Mara Cerri ou Gipi qui, chacun à leur manière, mettent forme un graphisme personnel au service dun récit parfois décousu et étrange, mais toujours poétique et marquant.
Envolées les planches autobiographiques et autres pages arrachées à quelque journal intime, la bande dessinée internationale représentée ici (avec une place importante occupée par lItalie) est avant tout onirique et expressionniste. Il y est question de petites fables fantastiques, de visions graphiques délirantes, dambiances nocturnes désincarnées, de quotidien dérangé. On y parle de momie échappée du Louvre qui se retrouve chez Barnum, dun Homoblicus, "maître de tout ce qui est oblique",ou dun cadavre sans tête qui bouge encore et vient chercher ce qui lui manque. À lexception de Tatsumi et de Baru (qui signe la plus longue histoire de tout le recueil), le ton général de la revue est placé sous le signe dune certaine fantaisie morbide, drôle, déprimante ou dérangeante selon les cas, mais toujours inventive et singulière.
Forcément inégale (on restera sceptique devant un article traitant du cinéma de Sergio Leone au milieu de toutes ces pages qui lorgnent plus franchement du côté de chez Fritz Lang), la qualité de ce collectif reste tout de même excellente et permettra une fois de plus de se rendre compte à quel point le champ daction de la bande dessinée est vaste, et non entièrement exploré. À ce titre, il faut courir lire la passionnante conversation avec David Mazzucchelli au sujet de la création artistique et du grand écart réalisable entre une production mainstream et une uvre plus personnelle.
"Nous avons besoin de nouvelles références, y compris monstrueuses ou cubistes (
)", écrit Igort (5 est le Numéro Parfait, Fats Waller) dans sa préface. Cette revue pleine à craquer dhistoires courtes, de nouvelles graphiques et dimages fortes semble pouvoir satisfaire ces envies, et saura sans nul doute séduire lamateur en quête dune bande dessinée nouvelle et étonnante.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 12/03/2004 ) Imprimer | | |
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