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| Miguelanxo Prado Nostalgies de Belo Horizonte Casterman 2005 / 19.50 € - 127.73 ffr. / 88 pages ISBN : 2-203-35923-4 FORMAT : 23,5 x 31,4 cm Imprimer
Casterman poursuit la publication de ces carnets de voyages confiés à des grands noms de la bande dessinée. Après Nicolas de Crécy, Jacques Ferrandez et Emmanuel Lepage, cest donc Miguelanxo Prado qui se voit maître duvre dun nouvel opus. La ville choisie par lauteur espagnol est lexotique et lointaine Belo Horizonte dont le nom recèle déjà nombre de promesses dévasion. Loriginalité de Prado face au périlleux exercice du carnet de voyages est de se créer un double qui fera le voyage à sa place. Le périple brésilien ne sera pas que touristique mais déploiera un beau récit, plein de mystère et de poésie.
Dans cette grande ville brésilienne débarque donc le narrateur, un ingénieur technique des Mines fraîchement muté. Celui-ci entretient depuis toujours une vraie passion pour les pierres précieuses, et cest dans cette cité encore inconnue pour lui quil compte bien se rapprocher du monde souterrain (dans tous les sens du terme) des trafiquants de gemmes. Sa rencontre avec un mystérieux interlocuteur va accélérer son entrée dans le métier, et lamener à traverser la ville de part en part, des marchés au cimetière en passant par quelque étrange musée.
En décrivant précisément son parcours dans Belo Horizonte, le narrateur accomplit sa tâche de rapporteur : il dresse un plan fidèle et méthodique de la ville, permettant ainsi au livre de remplir pleinement son rôle premier de carnet. Les aquarelles qui font face au texte illustrent parfaitement le récit, et présentent des endroits clés de la ville comme des lieux plus confidentiels. Dans ses dessins, Prado fait preuve dun joli talent daquarelliste quon ne lui connaissait pas : lumineuses et colorées, chacune de ses illustrations est un bel exemple de maîtrise. La qualité de limpression permet dautre part dapprécier pleinement les effets de grain du papier, et le jeu avec le blanc.
« Je me sentais comme un personnage de Hitchcock », déclare le narrateur en milieu de récit. Cette traversée de la ville baignée de soleil, ces musées et cimetières traversés, cet arbre gigantesque sur lequel on sarrête, cette femme blonde et mystérieuse que lon suit discrètement : lhommage à Vertigo est plus que marqué et le récit ne se gêne pas pour entretenir des similitudes avec le chef-duvre dAlfred Hitchcock. Cest sans doute ce qui fait toute la force de ce carnet très réussi. Avec cette intrigue serrée et pleine de mystères, Prado joue de lapparente simplicité du dispositif : ce qui nétait quune simple vue dun café devient ainsi à la lecture du texte le lieu mortifère propices aux rencontres fantomatiques. Et puis, curieusement pour une ville de trois millions dhabitants, Belo Horizonte reste souvent désertée, comme plongée dans une longue sieste pour échapper au soleil qui tape. Dès lors, cest labsence même du narrateur, son invisibilité et son anonymat qui font de lui le dernier fantôme de la pièce : celui qui voit tout mais qui reste inconnu jusquà la fin. Le sous-titre de lalbum, « Quand jétais un autre » prend alors tout son sens : cest à Belo Horizonte que résonne encore la voix des morts.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 19/06/2005 ) Imprimer
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