L'actualité du livre Jeudi 28 mars 2024
  
 
     
Le Livre
Bande dessinée  ->  
Comics
Manga
Historique
Réaliste
Fantastique
Science-fiction
Policier - Thriller
Aventure
Humour
Adaptation
Jeunesse
Les grands classiques
Chroniques - Autobiographie
Revues, essais & documents
Entretiens
Illustrations, graphisme et dessins d’humour
Autre

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Histoire & Sciences sociales
Beaux arts / Beaux livres
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Bande dessinée  ->  Humour  
 

Lucky Luke pour les Nuls
Laurent Gerra    Achdé   L’Homme de Washington - Les Aventures de Lucky Luke, d’après Morris (tome 3)
Dargaud 2008 /  9.25 € - 60.59 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2884-71239-2
FORMAT : 23x30 cm
Imprimer

Nous sommes en 1876, année d’élections aux États-Unis d’Amérique. Face au démocrate Samuel Tilden, l’intègre Rutherford B. Hayes a été désigné pour représenter le camp républicain. Malheureusement, un certain Perry Camby, fils à papa texan soutenu par les lobbies pétroliers (ça vous rappelle quelqu’un ?), est prêt à tout – et surtout au pire – pour évincer le candidat légitime.
Malgré les menaces qui pèsent sur sa sécurité, Hayes se lance dans une grande tournée électorale à travers l’Ouest américain. Le Sénat charge Lucky Luke d’assurer sa protection...

Il faut bien reconnaître une qualité à Laurent Gerra et Achdé : depuis qu’ils ont repris en main la destinée du personnage de Morris, chacune de leurs histoires repose sur une idée meilleure que la précédente. Après avoir envoyé Lucky Luke au Québec (« La Belle Province »), puis inventé un prétexte amusant pour marier les Dalton (« La Corde au cou »), ils font du cow-boy solitaire le garde du corps de « L’Homme de Washington » ; c’est-à-dire le futur président des États-Unis.
Ce point de départ est astucieux : le thème de la vie politique au Far West n’avait jamais été abordé par Morris et ses scénaristes, alors qu’il a tout à fait sa place dans la série. Achdé et Gerra ont également fait le bon choix en s’intéressant à Rutherford B. Hayes. Retenu par l’Histoire comme un président progressiste et honnête (donc digne de la protection de Lucky Luke !), ce personnage est en outre associé à une anecdote amusante : issu d’une famille de brasseurs de whisky, il épousa une fervente buveuse de limonade qui fit interdire l’alcool à la Maison Blanche...

Hélas, tel un politicien fraîchement élu, l’album ne tient aucunement ses promesses. Le scénario, qu’ont co-écrit Gerra et Achdé, n’est rien de plus qu’une compilation d’idées et de péripéties chipées dans les épisodes précédents.
Comme c’était déjà le cas depuis « La Belle Province », certains gags (pour ne pas dire la plupart) sont repris verbatim des albums de Goscinny : citons par exemple le concert d’invectives auquel se livrent les très distingués sénateurs (« Les Collines noires »), ou bien les affiches collées sur le flanc des vaches (« L’Évasion des Dalton »). De même, chaque séquence renvoie plus ou moins directement à une (ou plusieurs) aventure(s) passée(s). Jolly Jumper lui-même finit par s’en étonner, alors qu’il traverse une vignette tout simplement décalquée dans « La Diligence » : « J’ai l’impression bizarre d’avoir déjà vécu ça ! ». Par ailleurs, l’intrigue de « L’Homme de Washington » est un croisement entre celles du « Grand Duc » (Lucky Luke escorte un « pied-tendre » à travers l’Ouest sauvage) et de « La Caravane » (un groupe d’individus, parmi lesquels un traître, parcourt un itinéraire semé d’embûches).
Bien sûr, le « road movie » est une sous-catégorie à part entière dans la série : « La Caravane », « La Diligence », « Le Fil qui chante », « Sarah Bernhardt », « La Fiancée de Lucky Luke », sont autant de variations sur un schéma similaire, reprenant les mêmes poncifs (la présence d’un saboteur, la traversée du désert, l’attaque des Indiens) ; « L’Homme de Washington » s’inscrit logiquement dans cette continuité. Cependant, Goscinny et ses successeurs avaient su réinventer la recette à chaque utilisation, et donner à chaque album son identité propre, notamment en s’appuyant sur un fil conducteur toujours différent et suffisamment fort. Ici, Gerra et Achdé se contentent de cataloguer les passages obligés ; ils oublient en chemin de bâtir une intrigue solide et de traiter correctement leur sujet.
Au « déjà-lu », le dessinateur superpose le « déjà-vu ». Au détour des pages, les fidèles de la série reconnaitront telle ou telle figure connue (le « Chasseur de primes » Elliot Belt et le joueur de poker de « La Diligence », apparaissent fugitivement), ou moins connue (un desperado déjà croisé dans « L’Escorte » ; l’imprimeur de « Billy the Kid » ; le banquier mexicain de « Tortillas pour les Dalton »... la liste est encore longue). Qu’elles soient ou non destinées à être remarquées par le lecteur, on ne voit pas bien l’intérêt de ces nombreuses citations.

L’humour, comme toujours avec Gerra, est au ras des pâquerettes. L’humoriste multiplie les calembours faciles, croyant sans doute que cela le rapproche de Goscinny (à tort, puisque le génial scénariste réservait cette facette de son talent à Astérix et Iznogoud, mais passons). L’unique running-gag de l’album (Hayes essaie de boire de l’alcool en cachette de sa femme, mais les circonstances l’en empêchent), quoique bien trouvé, est remarquablement mal exploité et tombe à plat systématiquement. Tout est lourd, trop appuyé ; ainsi, cette scène où un personnage d’origine germanique, nommé Berlin, constate que le mur de son jardin vient d’être détruit. « Gross malheur ! Mon mur est tombé », se lamente l’infortuné Teuton. « Calme-toi, Berlin », lui rétorque son voisin. Au cas où certains lecteurs, à ce stade du dialogue, n’auraient pas bien saisi l’allusion, la suite vient tout éclaircir : « Le mur de Berlin est tombé ». Si les BD avaient du son, on aurait été bon pour les rires enregistrés. Peut-être est-ce là ce que Gerra et son complice considèrent comme un double niveau de lecture ?
L’album regorge de ces clins d’œil grossiers, dont le plus notable est la présence parfaitement inutile de George W. Bush. Le goût de Morris pour les caricatures leur servant d’alibi, Achdé et Gerra peuvent s’en donner à cœur joie. Mais là où le créateur de Lucky Luke se contentait de confier certains rôles (écrits par le scénariste sans intention particulière en ce sens) à des acteurs connus (David Niven en professeur de bonnes manières, Michel Simon en imbécile sympathique...), Achdé et Gerra mettent les pieds dans le plat, sans aucune subtilité, en donnant à chaque célébrité son propre rôle : Bush joue Bush, les acteurs des Mystères de l’Ouest jouent les personnages des Mystères de l’Ouest, Marc-Olivier Fogiel joue un journaliste people... Quel manque d’imagination ! On n’est plus dans le jeu des caricatures, mais dans celui des références, infiniment plus lourd ; surtout à forte dose.

« L’Homme de Washington » est un devoir d’élèves appliqués mais médiocres. Achdé et Gerra semblent croire que la recette de Lucky Luke se limite à quelques gimmicks : un personnage historique, une scène de saloon, une attaque d’indiens, des caricatures de célébrités, et une vignette à fond rouge de temps en temps. Or, il manque à cette liste les ingrédients les plus importants : l’intelligence, la finesse, l’élégance du trait... En l’absence de ces qualités, les nouvelles aventures de Lucky Luke ne pourront satisfaire qu’un public bien peu exigeant.


Michaël Bareyt
( Mis en ligne le 02/02/2009 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • La Belle Province
       de Achdé , Laurent Gerra
  • Lucky Luke, Le Prophète
       de Morris , Patrick Nordmann
  • Lucky Luke, tome 40
       de Morris , De Groot
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd