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Bande dessinée -> Humour |
| Fabrice Tarrin Maki (tome 1) - Un lémurien en colo Dupuis 2010 / 10.95 € - 71.72 ffr. / 48 pages ISBN : 978-2-8001-4469-6 FORMAT : 24x29 cm Imprimer
Connaissez-vous le lémurien, ce petit primate au pelage blanc et aux grands yeux tristes ? Les lecteurs de Fabrice Tarrin, en tous cas, le connaissent bien : cest sous cette apparence que lauteur se représente dans les histoires autobiographiques quil publie sur son blog depuis maintenant 3 ans.
Parallèlement au Journal intime dun lémurien (du nom de la version papier du blog en question, publiée chez Delcourt), Tarrin a imaginé pour le magazine Spirou une version enfant de son personnage, rebaptisé Maki pour loccasion. Cette fois, il ne sagit pas dautobiographie stricte, mais dauto-fiction, librement inspirée des souvenirs denfance de lauteur.
« Un lémurien en colo » est la première aventure de Maki à connaître une version album, mais cest en réalité la seconde diffusée dans Spirou. La précédente, « Un coeur de Lémurien », devrait être publiée dans un prochain tome, numéroté 0. (Vous suivez ?)
Pour tous les enfants, la colonie de vacances, cest loccasion rêvée de prendre un bol dair à la campagne, de se défouler dans les activités sportives, de rigoler avec les copains et de draguer les filles. Non ? Non. Pour Maki, colonie est surtout synonyme de mauvais souvenirs : cest horrible, la colo ! Pour échapper au supplice, le gamin décide donc de fuguer ; cest-à-dire de se cacher sous son lit jusquà ce quil soit trop tard pour partir.
Une heure plus tard, son plan ayant lamentablement échoué, notre petit lémurien se retrouve dans le car, direction lArdèche. Et fait la connaissance de ses nouveaux camarades : un binoclard timide et pleurnichard, une jolie petite gazelle, trois racailles du neuf-trois... Sans oublier le moniteur baba-cool et le chauffeur pas commode.
Au vu de ce résumé, un lecteur peu familier de luvre de Tarrin pourrait croire avoir affaire à une aimable comédie familiale, légère et consensuelle. De fait, Maki emprunte bel et bien les passages obligés, péripéties classiques du récit de colo dans lesquelles chacun pourra projeter son propre vécu : les gosses malades en car, les randos interminables, les papouilles sous la tente et les affrontements avec les petits caïds. Mais Tarrin ne se contente pas daligner les anecdotes inoffensives, avec force clins dil et coups de coude complices : pour sadresser au lectorat de Spirou, lauteur du Journal intime dun lémurien na nullement sacrifié sa personnalité sur lautel du « tous publics ». Mine de rien, la vision de lenfance (et de la vie en général) que véhicule Maki est dune férocité qui renvoie dos à dos le gentillet Cédric et le soi-disant transgressif Petit Spirou (au point quil semble presque anachronique de lire ces trois séries ensemble dans le même magazine). Tarrin, disciple de Yann et adepte du comique grinçant, nhésite pas à aborder des thèmes très durs (le suicide, la maltraitance denfants, les sectes...) avec lapparente désinvolture qui caractérise son humour. Dès les premières pages, nous découvrons la cellule familiale de Maki : sa mère, adepte de la « Sōka Gakkai », récite à longueur de journées des mantras bouddhistes supposés lui apporter la paix intérieure ; son beau-père est manifestement du genre à distribuer des baffes plutôt que des câlins... Cet environnement peu épanouissant, où toute communication semble impossible, résume bien lunivers du lémurien : dans Maki comme sur le blog, les rapports humains sont toujours irrémédiablement faussés, comme brouillés par un quiproquo permanent. Cest à la fois tragique et dune drôlerie irrésistible ; car il y a chez Tarrin un tel naturel, une telle évidence dans labsurde, quon ne peut finalement quen rire.
Le talent dobservation de lauteur lui permet de brosser quelques beaux portraits, comme Daniel le mono (alter ego de Fred Neidhardt), tellement odieux quil en devient sympathique, et surtout les 3 lascars du 93, criants de vérité dans leurs attitudes comme dans leur langage. La transformation du personnage dHippo, qui passe de petit caïd de banlieue à cur dartichaut, réserve quelques séquences hilarantes.
En quelques coups de pinceau nerveux, Tarrin parvient à camper une attitude, un décor, avec une justesse épatante. La pratique du blog a permis au dessinateur de faire évoluer son trait (déjà parfaitement maîtrisé) vers encore plus defficacité et dexpressivité. En sessayant à la fois à la bande dessinée animalière et à lautobiographie, le dessinateur du « Tombeau des Champignac », quon a souvent qualifié de fils spirituel de Franquin et de Didier Conrad, a quitté lombre de ses maîtres pour développer son style propre. En outre, il a démontré quil nest pas seulement un virtuose du dessin, mais bien un auteur complet avec lequel il faudra désormais compter.
Michaël Bareyt ( Mis en ligne le 09/03/2010 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Le Tombeau des Champignac de Yann , Fabrice Tarrin Nestor et Polux de Fabrice Tarrin , Fred Neidhardt , O'Groj Violine, tome 1 de Fabrice Tarrin , Didier Tronchet
Ailleurs sur le web :Le Tarrin blog | | |
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