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Bande dessinée -> Humour |
| Diego Aranega Jochen Gerner 100 000 milliwatts (tome 1) - Printemps Delcourt - Shampooing 2007 / 9.80 € - 64.19 ffr. / 48 pages ISBN : 978-2-7560-0635-2 FORMAT : 22,5x29,7 cm Imprimer
Keith et Kurt sont deux rock-stars en devenir. Pour linstant, le groupe nest quun duo et la guitare de Keith a disparu. Mais déjà le nom de trouvé, « Toxic death of the darkside of the bloody crow », et la formation a même un genre de prédilection, le « métal-néo-gothic ». Reste à composer et savoir jouer
bagatelle donc.
Autre détail singulier, Keith et Kurt sont deux insectes, des petits machins invisibles ou presque, mais qui rêvent de faire péter les orties avec leur ampli de 100 000 watts. Keith est le leader du groupe, intransigeant et rebelle jusquau bout des mandibules. Kurt est plus sensible, un peu simplet aussi, et très gourmand (mais qui ne se laisserait pas aller entre deux répétitions à dévorer un joli petit grillon?
). Pour les deux compagnons rockeurs, chaque nouvelle journée est donc loccasion de faire avancer ces projets, de réfléchir à un look de star, danticiper le succès qui va forcément leur tomber dessus et de dénicher un contrat juteux
Ces gags en une page autour dune idée originale et dun univers particulier ont déjà le mérite de sortir lhumour de lurbain quotidien pour un retour à la terre attrayant. Deux cancrelats qui rêvent denflammer les stades et vendre leurs albums à une légion de fourmis, le postulat est suffisamment absurde pour éveiller lattention. Avec son style graphique si particulier, Jochen Gerner élabore un terrain de jeu fait de ronces barbelées et de pierres grises blockhaus. La nature ici est loin dêtre idyllique, mais plutôt terne et piquante. Avec les trames en gros points qui envahissent chaque fond de vignette, le décorum prend un caractère techniquement froid et la gamme de couleurs terreuses et grisâtres amplifie ce systématisme austère. Bref, lherbe est plus verte ailleurs et Gerner fabrique ici un microcosmos immédiatement singulier, séduisant par son schématisme ordonné, son gaufrier implacable et ses cadrages réduits à deux échelles: un plan moyen et un plan large où les insectes ne sont plus que des points insignifiants au milieu dun réseau inextricable de feuilles et de rocaille.
Dommage dès lors que les gags en eux-mêmes nalignent pas la même originalité et la même pertinence. La forme dépasse le fond, et malgré une suite de situations amusantes, ces péripéties de deux losers ne convainquent jamais entièrement. Lhumour table ici sur deux registres à la fois; à savoir la nature propre et identifiée des insectes en tant quinsectes (on mange des sauterelles, on répète dans la ruche) mais aussi, à dautres endroits, un complet évincement du contexte fait de la paire de rockeurs malheureux une simple caricature de deux copains un peu nigauds. Empêtré dans cette contradiction qui aurait pu être charmante, lalbum semble perpétuellement hésiter sur le bon ton à adopter et un décalage sinstaure entre dune part la cohérence et la singularité du dessin, et dautre part le flou artistique et pour tout dire la banalité des gags. En espérant que la prochaine saison fasse de cet univers graphiquement très riche un lieu un peu plus vigoureusement habité.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 24/07/2007 ) Imprimer
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