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Bande dessinée -> Illustrations, graphisme et dessins d’humour |
| Ever Meulen Verve Editions de l'An 2 2006 / 37 € - 242.35 ffr. / 207 pages ISBN : 2-84856-053-3 FORMAT : 22,5 x 28 cm Imprimer
Illustrateur internationalement reconnu, travaillant notamment pour The New Yorker et lhebdomadaire flamand Humo, Eddy Vermeulen, dit Ever Meulen, publie aujourdhui ce superbe ouvrage, rétrospective de ses dix-sept dernières années de travail, de 1988 à 2005. Les dessins ont été sélectionnés par lauteur lui-même, qui sest aussi chargé de soigneusement maquetter le tout. Affiches, couvertures, timbres, pochettes de disque, motifs pour vitraux, esquisses
le génie graphique dEver Meulen sexprime dans tous les formats et ce recueil, rempli à ras bord dimages, montre comment lillustrateur belge cherche sans cesse à se renouveler - thématiquement et graphiquement tout en imprimant à chacune de ses uvres une patte unique et immédiatement reconnaissable. Ces vingt dernières années, le trait de Meulen a clairement évolué, traquant dorénavant la stylisation extrême des formes et une plus grande simplification de la ligne. Cest donc cette période faste qui se dévoile ici, au sein dun ouvrage en tout point remarquable, du choix des dessins jusquà limpression finale (sur trois papiers différents !).
Chaque dessin de Meulen est une petite fête, un feu dartifice graphique où beaucoup déléments rentrent en jeu, chacun participant dune manière ou dune autre à ce divertissement pictural fourmillant didées. Il y a toujours quelque chose à voir en plus. Un simple regard ne suffit pas à épuiser ces dessins qui recèlent en eux de nombreux détails, images gigognes qui semboîtent et se répondent les unes les autres. Au premier abord pourtant, un dessin de Meulen reste dune clarté absolue. Usant de la ligne claire avec brio, ses motifs et personnages sont immédiatement appréhendés, et le décor qui les contient est sans hésitation reconnu. Mais si le fantôme de Hergé et de Jacobs planent derrière toute luvre de Meulen, ils ne sont pas les seul à hanter lartiste qui fait sévader cette ligne claire vers des contrées moins paisibles et quelque peu plus agitées. Meulen privilégie les diagonales et délaisse les horizontales trop sages, les plans sinclinent, et dessus glissent les multiples points de fuite. Il y a du cubisme derrière cette stylisation constante des silhouettes. Et cet amour des formes géométriques et des angles pointus compose peu à peu, dans une drôle dinteraction, un nouveau lieu de vie graphique, un endroit foisonnant et mouvementé. Comme une composition de jazz qui serait transposée sur papier : autour dun thème principal, les improvisations se multiplient et désarçonnent un temps le spectateur avant de le laisser finalement retomber sur ses pieds, et retrouver le fil principal qui mène la partition.
Meulen samuse des mondes qui ne peuvent normalement cohabiter, comme chez Magritte, cité directement dans quelques dessins, ou même M.C. Escher. Avec ce dernier, Meulen partage le goût des figures impossibles et des transformations étonnantes : un bras devient branche, une table est le haut dun escalier, le plafond est aussi le sol
Et surtout, Meulen, comme Escher, réfléchit sur la représentation en trois dimensions sur une surface plane. Pour cela, il fausse les perspectives, les plans se chevauchent et se contredisent, le fond devient le devant, les lignes de fuite se contredisent. Perte des repères qui ne se découvre que lorsque le spectateur commence à scruter limage de plus près, comme pour mieux le captiver après lavoir attirer.
Car tout ce travail se fait bel et bien dans un même esprit facétieux. Les images de Meulen ne sont pas des pièges diaboliques qui enfermeraient le spectateur, mais bel et bien des jeux se déroulant dans un univers léger, coloré et toujours joyeux. On y chante et on y danse souvent. Les personnages semblent de perpétuels grands distraits qui évoluent au centre dun monde absurde et déraisonnable avec une constante tranquillité. Et si lhumour est constamment présent, il nest jamais méchant ou moqueur, mais rempli de tendresse et dun gentil amusement. Cest une poésie douce et plaisante qui anime les dessins dEver Meulen, et chaque page de cet ouvrage est une parfaite démonstration de léquilibre parfaitement tenu entre espièglerie et réflexion profonde sur la représentation du monde.
Le livre comprend en outre un avant-propos dArt Spiegelman (Ever Meulen a participé à Raw ainsi quà Little Lit), un texte de Thierry Groensteen qui revient sur quelques thèmes et « trucs » chers à Meulen (la surface, le cadre dans le cadre, et ces fameuses images à tiroirs), et enfin un article très éclairant de Bart De Keyser sur lesthétique même de Meulen.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 13/02/2006 ) Imprimer | | |
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