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Voyage au bout de la guerre
Entretien avec David B. - Auteur de La Lecture des ruines

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Parutions.com : Vous êtes vous beaucoup documenté pour bâtir votre album ? Est-il basé sur des faits réels ?

David B. : J’ai effectivement consulté énormément d’ouvrages sur la Grande Guerre, essentiellement des mémoires de poilus et des témoignages, assez peu d’ouvrages scientifiques. Car mon but n’était pas d’écrire et dessiner un ouvrage historique, mais plutôt philosophique, ou poétique. Je voulais parler de la guerre en général, pas d’une guerre en particulier, et des croyances, des superstitions qui sont liées à ce genre d’événements. C’est pourquoi il n’y aucune correspondance avec la réalité dans le livre, à part l’évocation de la bataille d’Ypres à la fin.

Parutions.com : Pourquoi avoir choisi spécialement la Guerre de 1914 pour appuyer un propos plus général ?

David B. : Il y a d’abord une raison toute personnelle : mon grand-père a participé à cette guerre. Mais, au-delà, il y a aussi un autre aspect. La Grande Guerre n’est pas encore une guerre idéologique. En ce sens, il s’agit encore d’une guerre du XIXe siècle, même si elle se déroule avec des armes et une technologie du XXe. Choisir ce cadre-là m’a permis d’occulter le côté plus politique que peut revêtir par exemple la Seconde Guerre mondiale, pour me concentrer davantage sur l’aspect humain.

Le choix de la couleur découle également de ce parti-pris. Je l’ai voulue très contrastée, pour qu’elle évoque la guerre, le feu, la souffrance des hommes. Je voulais qu’elle soit différente de ce que l’on trouve habituellement en bande dessinée. C’est pour cela que je l’ai confiée à quelqu’un qui n’avait jamais travaillé pour la BD. Et je dois dire que Tomasine est allée exactement dans le sens que je souhaitais.

Parutions.com : La tonalité lunaire et surréaliste de La Lecture des ruines détonne avec la réalité crue de la guerre. Quel est le sens de ce décalage ?

David B. : Je ne voulais pas réaliser un livre à proprement parler réaliste. D’abord parce que Tardi l’avait déjà fait, et avec quel talent, dans C’était la guerre des tranchées. Ensuite parce que je suis beaucoup plus à l’aise dans le monde de l’imaginaire, des croyances, des superstitions. C’est, à mon sens, ce qui permet de retrouver le mieux l’humain. Ainsi, lors de la phase de recherche qui a précédé la réalisation du livre, je me suis aperçu que les superstitions des soldats tournaient systématiquement autour d’un seul thème : la mort. Il cherchaient partout des signes pour savoir s’ils allaient mourir ou pas. Contrairement aux temps de paix qui permettent aux croyances d’investir tous les champs de la vie - on en a par exemple de nombreuses liées aux moissons -, les périodes de guerre appauvrissent le champs des croyances, qui est pourtant par définition riche et varié. L’imaginaire de l’homme plongé dans la guerre se rétrécit, jusqu’à n’être plus réduit qu’à un thème, omniprésent : la mort.

L’ingénieur Hellequin, avec toutes ces inventions loufoques et sa théorie de la "lecture des ruines", représente une sorte de résistance à ce délitement de l’imaginaire. C’est un homme que la guerre a rendu fou, et cette folie le conduit à justifier ses constructions intellectuelles de manière scientifique, alors qu’elles sont le reflet d’un imaginaire abîmé. Il est, en quelque sorte, mon porte-parole. Il me permet de donner mon opinion parce qu’il développe le même type de protection que moi face au malheur. Cela suivant le même schéma que dans L’Ascension du Haut-Mal, mon récit autobiographique, dans lequel je me bâtissais un imaginaire pour réagir à la maladie de mon frère.

Parutions.com : Vos dialogues évoquent Ionesco, dans cette absence de communication entre les êtres. C’est aussi, selon vous, une des caractéristiques de la guerre ?

David B. : Oui, je crois que dans la guerre la communication par la parole, pacifique, laisse la place à une communication par les obus et les balles. Une communication qui n’en est pas une, en fait. Dans mon album, même si je n’ai pas explicitement pensé à Ionesco, j’ai voulu exprimer cette incapacité à dialoguer. Chacun des personnages est comme enfermé dans une bulle, suit le fil de son discours sans écouter les autres - mis à part, à la fin, Mina et Van Meer.

Parutions.com : Etes-vous heureux d’être sélectionné pour le festival d’Angoulême ?

David B. : Je suis content, mais je n’ai pas réalisé l’album pour cela. Ce qui m’intéresse, c’est le livre avant tout, l’émotion qu’il suscite, sa portée intérieure. En fait, j’ai déjà eu un certain nombre de prix, ce qui m’a permis de relativiser ce genre de récompense. Un prix, c’est toujours un compromis. Des personnes d’opinions diverses se mettent d’accord et ce consensus gratifie souvent des albums qui sont, en réalité, moyens. C’est une sorte de nivellement par le bas. Donc, sauf exception, ce n’est jamais le meilleur titre qui est récompensé.


Propos recueillis par Thomas Bronnec le 16 janvier 2002
( Mis en ligne le 24/01/2002 )
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       de David B.
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