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Penser l'argent
Georg Simmel   La philosophie de l'argent
PUF - Quadrige 1999 /  18.02 € - 118.03 ffr. / 670 pages
ISBN : 2-13-049940-6
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<i>La philosophie de l'argent, comme le titre le laisse entendre, n'est pas un ouvrage spécifiquement économique. Son approche est interdisciplinaire. Philosophie, sociologie, histoire, psychologie, économie, esthétique même, sont tour à tour appelées pour expliquer un même phénomène : l'argent.

On ne s'étonnera pas, connaissant les affinités kantiennes de l'auteur, de voir son livre composé de deux parties : l'une analytique, l'autre synthétique. Dans la première partie, Georg Simmel analyse les conditions psychologiques et sociologiques qui rendent possibles la création de la monnaie. Il en étudie l'impact sur la vie individuelle. Dans la seconde moitié de l'ouvrage, Georg Simmel se penche sur les conséquences macro-sociales induites par l'existence de la monnaie.

Que le fondement de l'échange soit social est une affirmation qui n'étonne plus personne après les progrès des différentes sciences sociales et historiques. Là où Georg Simmel est véritablement innovant, c'est dans le sens qu'il donne à l'argent. En effet, l'argent intervient dans l'échange pour "objectiver" la valeur qu'un individu donne à un objet. Il est l'élément concret qui rend compte d'une appréciation personnelle. Or le prix est connu de tous. L'argent rend donc compte à la fois du désir de l'individu (puisqu'il montre ce qu'il est prêt à sacrifier pour obtenir l'objet), mais également d'un caractère objectif (le prix étant connu de tous).

Très vite, on saisit que l'argent est avant tout symbolique et qu'il faut distinguer deux aspects dans sa valeur : d'une part, la substance qui la supporte, comme le métal précieux, et qui possède une valeur intrinsèque. D'autre part, "une valeur fonction" qui nous permet d'accepter une monnaie complètement conventionnelle, comme le papier ou les coquillages.

L'argent est donc l'outil qui comble le fossé entre le désir de l'individu et sa satisfaction par un objet extérieur. Mais, en mesurant tout, il devient donc l'outil universel, le "moyen absolu". Et c'est là qu'un glissement fatal peut s'opèrer : de moyen absolu, l'argent devient fin absolue. Il engendre avarice et cupidité, mais aussi indifférence, puisqu'avec l'argent, tout devient comparable et donc sans intérêt...

Quelles sont les principales conséquences de l'introduction de la monnaie dans la société ? Tout d'abord, elle permet à chacun de se libérer de certains rapports de dépendance. Par exemple, lorsque le paysan paie son loyer en argent et non plus en grains, il acquiert une certaine forme d'indépendance. Le seigneur, lui même, est plus libre : il n'est plus obligé d'écouler cette production ou de la consommer, il achète directement ce qu'il désire. L'argent permet également l'émergence de l'Etat moderne. En effet, si la monnaie n'existait pas, chacun devrait se concentrer sur l'obtention de sa nourriture quotidienne par la production directe ou le troc. Georg Simmel souligne notamment qu'il n'y aurait pas de fonctionnaires sans l'existence de l'argent.

L'omniprésence de l'argent encourage également les hommes à tout calculer, à tout comparer. C'est ainsi que la culture se retrouve englobée dans les rapports monétaires. Là où il n'y avait que le beau et l'échange de sensations, apparaît le calcul et la valeur d'échange. On ne compare plus les objets mais leur prix. Ce n'est pas le moindre paradoxe de l'argent.

La place que mérite ce livre a longtemps été minimisée par la domination de la sociologie de Durkheim qui reprochait à Georg Simmel son goût du détail, de l'analyse de l'anecdote. Certes, c'est un ouvrage extrêmement touffu - la rigueur kantienne n'est pas omniprésente - mais d'une richesse rare si on dépasse certaines longueurs trop analytiques. Cet écrit est aussi pertinent par les grandes idées que nous avons présentées ici que par la finesse des analyses de la vie courante. Un livre à lire donc, pour qui possède quelque endurance.


Cyril Colléatte
( Mis en ligne le 14/08/2001 )
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