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Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| Oppien d'Apamée Flavius Arrien L'Art de la chasse Les Belles Lettres - La roue à livres 2009 / 27 € - 176.85 ffr. / 153 pages ISBN : 978-2-251-33955-9 FORMAT : 13,5cm x 21cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
La collection «La Roue à Livres» des Belles Lettres édite en un seul court volume deux uvres dauteurs différents consacrées au même sujet : lart de la chasse.
En effet, Arrien et Oppien dApamée ont tous deux écrit une Cynégétique, cest-à-dire un ouvrage sur la chasse au moyen des chiens, en prose pour le premier, en vers pour le second. Ils imitent en cela une uvre de Xénophon dAthènes, écrite au début du IVe siècle av. J.-C., qui vise à vanter les bienfaits de la chasse et à en exalter les valeurs aristocratiques. Cette activité constitue en effet une sorte dinitiation à la guerre ; elle vise dabord à former lhonnête homme, pour quil devienne un bon citoyen (et surtout un bon citoyen-soldat).
La chasse ancienne a aussi une valeur symbolique. Arrien et Oppien, tout comme Xénophon avant eux, sattardent sur la valeur religieuse de la chasse : chasser, cest honorer Artémis, en pratiquant son activité favorite et en lui offrant les prémices de la chasse. La tragédie se plaît également à évoquer des scènes de chasse, comme dans les Bacchantes dEuripide où le roi Penthée est victime dune véritable curée, ou Hippolyte, dont le héros sadonne à une dévotion exclusive pour Artémis qui le mène à sa perte. La mythologie accorde une large place aux scènes de chasse, comme celle du sanglier de Calydon, ou celle au cours de laquelle Ulysse reçut la blessure qui permit à sa nourrice de le reconnaître. La chasse occupe encore une place de choix dans le vocabulaire de la cour amoureuse : léromène est souvent décrit comme la proie de léraste, et de nombreux vases attiques nous présentent des amants séchangeant des animaux sauvages comme des lièvres ou des cerfs. Limage de la chasse est aussi employée par les philosophes socratiques, notamment dans le débat qui les oppose aux sophistes sur la façon dont les uns et les autres recherchent des disciples.
Le premier auteur, Arrien, est né vers 86 ap. J.-C. à Nicomédie, en Bithynie. Écrivain, il eut aussi une activité politique et fut lun des familiers de lempereur Hadrien qui le nomma légat de Cappadoce en 131. Vers la fin de sa vie, il devint archonte dAthènes. Il fut également un disciple du philosophe stoïcien Epictète. Son uvre littéraire est variée, mais il sinspire de Xénophon dAthènes, dont il emprunte le titre de deux ouvrages : lAnabase (celle dArrien est consacrée à lépopée dAlexandre le Grand) et la Cynégétique. Dans cette dernière uvre, il complète les lacunes quil croit déceler dans lessai de Xénophon.
DOppien, nous ne connaissons que peu de choses, si ce nest quil est citoyen de la ville dApamée de Syrie. Les manuscrits le confondent parfois avec Oppien de Cilicie, qui a écrit au IIe siècle ap. J.-C. un ouvrage en vers sur la pêche, lHalieutique. Lauteur de la Cynégétique, dont le nom nest probablement pas Oppien, a lui aussi écrit en hexamètres, entre 212 et 217 ap. J.-C. si lon en juge daprès sa dédicace à Caracalla.
Malgré un sujet semblable, les différences entre les deux uvres sont importantes. Les descriptions dArrien sont sobres et souvent empreintes de tendresse, comme dans un passage où lauteur regrette la mise à mort des animaux chassés. Au contraire, chez Oppien, lanimal est toujours dangereux, souvent étrange, comme il se devait à une époque où la nature sauvage était un milieu hostile et angoissant que lon devait maîtriser et pacifier. Sauf dans de brefs passages, son poème est bien éloigné dune description idyllique des espaces naturels.
La traduction, fondée sur les textes de référence des éditions Teubner, est due à Louis LAllier, professeur de littérature grecque à lUniversité Laurentienne, qui travaille notamment sur luvre de Xénophon et la perception du monde animal en Grèce ancienne. Cest également lui qui a rédigé lintroduction et les notes. On trouve à la fin du livre une courte bibliographie et un index des noms danimaux. On peut regretter labsence dun index des noms propres, permettant de retrouver facilement, par exemple, les occurrences de divinités comme Artémis, Pan, Chiron, les Nymphes , ou de lieux comme la Crète, lArcadie ou lArménie «célèbre pour ses archers» , voire de peuples comme les Celtes, dont les chiens de chasse étaient renommés. Il convient en tout cas de saluer cette traduction qui rend plus facilement accessible à un public francophone ces textes peu connus. En effet, on ne disposait guère que de lédition ancienne (1908) de Pierre Boudreaux chez Honoré Champion ; et encore celle-ci ne concernait-elle que le seul Oppien dApamée.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 13/10/2009 ) Imprimer | | |
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