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Vies privées, vies publiques
Pauline Schmitt Pantel   Hommes illustres - Moeurs et politique à Athènes au Ve siècle
Aubier - Historique 2009 /  23 € - 150.65 ffr. / 265 pages
ISBN : 978-2-7007-0400-6
FORMAT : 13,5cm x 22cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne et d’un DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et ancien professeur d’histoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Inter-universitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne.
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Pauline Schmitt Pantel est en France l’une des pionnières de l’histoire des femmes, puis du genre, dans le domaine de l’Antiquité. Elle a ainsi dirigé le premier volume de l’Histoire des femmes en Occident édité par Georges Duby et Michelle Perrot (Plon, 1991). Elle vient aussi de nous offrir un recueil d’articles, Aithra et Pandora (L’Harmattan, 2009) consacré aux rapports entre femmes, genre et cité dans la Grèce antique. Dans un autre livre également paru cette année, elle s’intéresse plus particulièrement aux hommes, et non des moindres, puisqu’il s’agit des «grands hommes» de la politique athénienne au Ve siècle av. J.-C. : Aristide, Thémistocle, Cimon, Périclès, Nicias et Alcibiade. Elle n’oublie pas pour autant les femmes de leur entourage, notamment Aspasie, compagne de Périclès, et Timandra, courtisane qui partagea la vie d’Alcibiade.

Le livre s’ouvre d’ailleurs sur les débuts dans la vie politique d’Alcibiade, à travers un extrait de Plutarque racontant ses premiers pas à l’Assemblée. Acclamé par ses compatriotes à l’occasion d’une contribution volontaire faite à la cité, il laisse échapper une caille que les Athéniens, subjugués par sa beauté, s’efforcent de lui rapporter pour lui plaire. Pauline Schmitt Pantel souligne que «ce texte lie en effet de la façon la plus explicite séduction politique et séduction érotique» (p.9).

Loin de se circonscrire à une histoire institutionnelle (comme l’approche d’un Mogens H. Hansen et du Polis Center de Copenhague), l’auteure intègre dans son approche du politique tout ce qui concerne la construction de la citoyenneté, et qui relèverait parfois pour nous des mœurs et de la vie privée. Mais la distinction entre public et privé n’est peut-être pas aussi opérante que dans nos sociétés contemporaines… Ainsi, pour comprendre la vie politique à Athènes au Ve siècle av. J.-C., il faut aussi prendre en compte la «petite histoire» et les anecdotes qui ont souvent été négligées par les historiens uniquement préoccupés, pendant longtemps, de la grande histoire – les événements militaires comme les différents épisodes des guerres Médiques et la guerre du Péloponnèse, les discours à l’assemblée, les propositions de lois, ou les conflits avec d’autres leaders pour l’exercice du pouvoir. Étudier les différentes facettes du lien entre mœurs et politique dans la cité athénienne est le sujet de l’ouvrage. Dans les récits des historiens grecs, les manières de vivre des citoyens sont intimement mêlées aux gestes de leur vie publique.

Six portraits d’«hommes illustres» sont particulièrement étudiés : Aristide, Thémistocle, Cimon, Périclès, Nicias et Alcibiade. Les vingt premières années du Ve siècle av. J.-C. voient l’émergence de deux personnalités de premier plan : Aristide (540-468), ami de Clisthène, et Thémistocle (515-450). Les textes les présentent comme opposés par leur tempérament et leurs options politiques. Ils jouent un rôle important pendant les guerres Médiques : Aristide est stratège lors de la bataille de Marathon, en même temps que Miltiade ; Thémistocle propose d’utiliser les revenus des mines du Laurion à la construction d’une flotte et, surtout, il décide les Athéniens à abandonner la ville en 480 pour livrer bataille sur mer près de l’île de Salamine. Tous deux sont plus tard ostracisés. Aristide est ensuite rapidement rappelé d’exil et prend part à la vie politique athénienne, jusqu’à sa mort, conservant la réputation d’un homme modéré et sage. Au contraire, Thémistocle n’est pas rappelé à Athènes ; il finit même sa vie comme conseiller du Grand Roi de Perse.

Un second couple de rivaux est celui formé par Cimon (510-449) et Périclès (490-429. La tradition se plaît à voir dans le premier le représentant d’une aristocratie conservatrice, et dans le second – héritier d’Ephialte – le tenant d’un plus grand accès du peuple au pouvoir politique. Cimon est le fils de Miltiade. Il débute comme stratège en 478. Il est très actif dans la ligue de Délos et remporte des victoires sur les Perses (Eurymédon, 468) et les Thasiens (463). Il meurt pendant le siège de Kition à Chypre. Périclès a quant à lui dominé la vie politique athénienne pendant deux décennies. Il s’oppose d’abord à Cimon puis à Thucydide. On lui attribue la création du misthos (indemnité versée aux citoyens qui consacrent leur temps au service de la cité). Périclès est aussi l’initiateur de la réforme des conditions d’accès à la citoyenneté en 451, selon laquelle tout citoyen doit être né de père athénien et de mère fille d’Athénien. Réélu chaque année stratège de 443 à 431, il joue un rôle dans le déclenchement de la guerre du Péloponnèse, prononce l’éloge des Athéniens morts au combat pendant la première année des hostilités, définit la stratégie de repli d’Athènes dans ses murs, et meurt de l’épidémie qui s’ensuit en 429.

Nicias (avant 469-413), plusieurs fois stratège pendant la guerre du Péloponnèse, s’oppose au jusqu’au-boutisme de Cléon et donne son nom à la paix de 421. Il s’oppose à Alcibiade, déconseillant l’expédition de Sicile à laquelle il est finalement obligé de participer en tant que stratège. Il se fait prendre au piège par les Syracusains et meurt durant la retraite de son armée. Alcibiade (450-404) est d’abord un beau jeune homme, pupille de Périclès et disciple de Socrate. Il est à l’origine de la désastreuse expédition de Sicile, mais déserte le camp athénien pour échapper à une convocation devant un tribunal pour accusation de sacrilège. Il se réfugie à Sparte, puis en Lydie. Il rentre à Athènes en 407, mais est de nouveau contraint à s’enfuir avant de mourir assassiné en Phrygie par un satrape perse.

Pour traiter des liens entre mœurs et politique à partir de ces personnalités, Pauline Schmitt Pantel privilégie comme source les écrits de Plutarque – essentiellement les Vies –, bien que cet auteur grec de l’époque impériale (Ier-IIe siècles ap. J.-C.) soit bien loin d’être un contemporain des figures politiques athéniennes du Ve siècle. Elle s’en justifie en expliquant que Plutarque a une véritable démarche d’historien, qu’il utilise des sources plus anciennes – y compris du Ve siècle –, et qu’il apparaît donc comme une source fiable, également pour l’étude des mœurs, même s’il faut être attentif au contexte intellectuel de l’écriture de son œuvre. Reconnaître le travail de reconstruction propre à Plutarque ne doit pas conduire à lui attribuer l’invention de tout ce qui n’est pas pur événement politique, malgré une certaine tendance en ce sens chez de nombreux chercheurs, selon Pauline Schmitt Pantel.

L’auteure étudie successivement dans neuf chapitres la jeunesse et l’entrée dans la vie publique, l’usage des richesses, la sociabilité, l’attitude face au pouvoir, les manifestations de la piété, la construction du genre et les relations amoureuses (avec un chapitre supplémentaire mettant l’accent sur Aspasie et Timandra), les événements tragiques et la mort. Le dernier chapitre est plus spécialement consacré à Plutarque biographe et historien. On s’éloigne alors d’un propos centré sur une analyse comparative des mœurs de nos six héros, pour s’intéresser de manière fine au contexte et aux buts poursuivis par Plutarque. En conclusion, Pauline Schmitt Pantel rappelle que les individus sont au cœur des sources grecques : en faisant le récit de l’histoire des cités, les auteurs anciens ont souvent projeté au premier plan les hommes illustres. L’historienne contemporaine marche ainsi sur les traces de ses glorieux prédécesseurs.


Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 05/01/2010 )
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