|
Histoire & Sciences sociales -> Antiquité & préhistoire |
| |
Botanique, magie, astrologie, médecine | | | Guy Ducourthial Flore magique et astrologie de l'Antiquité Belin - L'antiquité au présent 2003 / 29.90 € - 195.85 ffr. / 652 pages ISBN : 2-7011-3286-X FORMAT : 16x22 cm
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne (mémoire sur Les représentations du féminin dans les poèmes dHésiode) et dun DEA de Sciences des Religions à lEcole Pratique des Hautes Etudes (mémoire sur Les Nymphes dans la Périégèse de la Grèce de Pausanias). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia, il est actuellement professeur dhistoire-géographie. Imprimer
Botanique, magie, astrologie et médecine se trouvaient intimement liées dans lAntiquité, et sassociaient même, aux premiers siècles de notre ère, dans un système cohérent, bien que fort éloigné de nos conceptions scientifiques. Cest à cette unification de lhétéroclite, cette synthèse de lirrationnel concernant des savoirs qui relèvent aujourdhui des sciences naturelles que sest intéressé Guy Ducourthial.
Docteur du Muséum National dHistoire Naturelle, lauteur a déjà publié en 1996 chez Pardès un ouvrage sur La Pomme. Il nous livre ici, dans la prestigieuse collection «LAntiquité au présent» de Belin, dirigée par Yan Thomas, un ouvrage dense et érudit qui reprend des éléments de sa thèse intitulée Recherches sur les relations entre plantes non-cultivées, magie et astrologie dans lAntiquité grecque, soutenue en 1993.
Louvrage est préfacé par Danielle Gourevitch, qui souligne son aspect novateur et particulièrement utile. En effet, Guy Ducourthial sest abondamment appuyé sur des auteurs classiques et respectés, comme Théophraste, Dioscoride, Hippocrate, Galien ou Pline lAncien ; mais il na pas négligé des textes plus confidentiels, mal édités, voire inédits, dont il est pour certains dentre eux le premier à proposer une traduction. Il a rassemblé des passages, fragments et opuscules très spécifiques, souvent difficiles à dater, difficiles à comprendre, plus encore difficiles à traduire.
La lecture est facilitée par la présence dune liste des plantes (avec parfois le nom grec ou latin, car les identifications ne sont pas toujours assurées) indiquant leurs principales vertus selon les auteurs anciens, et de deux index (noms de plantes, auteurs et uvres), ainsi que de nombreux tableaux récapitulatifs. La bibliographie, particulièrement riche, est présentée de manière thématique.
Les différents textes analysés révèlent lapproche originale du monde végétal proposée par les magiciens et les astrologues. Elle se distingue en effet de celle des philosophes, des naturalistes ou des médecins, même si elle intègre certaines conceptions propres aux uns ou aux autres et fait plus ou moins explicitement référence à un savoir botanique commun qui sétait progressivement constitué avant eux, les anciens Grecs sétant toujours montrés sensibles à lexceptionnelle richesse de leur environnement végétal. Lanalyse permet de dégager les principaux aspects dune botanique magique fondée pour une large part sur une conception de lorganisation du cosmos dont les différents composants entretiennent des relations de sympathie ou dantipathie. Plusieurs de ces textes sont particulièrement consacrés à une botanique astrologique. Elaborée probablement à partir du IIe siècle avant J.-C., elle sintégrait dans un système qui se voulait rigoureux et logique, dont lambition était dexpliquer le fonctionnement de lunivers et de prévoir la destinée des éléments qui le composent. Ainsi, les plantes, comme les êtres humains, étaient sensées subir linfluence des planètes et des constellations du zodiaque. Cette conception a inspiré de nombreux ouvrages ultérieurs, mais aussi de très nombreuses croyances populaires qui se sont perpétuées dans nos campagnes jusquau début du XXe siècle.
La première partie de louvrage sintéresse aux différentes approches de la connaissance des plantes chez les anciens Grecs (puis chez les Romains). Cest loccasion dune présentation des sources littéraires émanant des philosophes, des naturalistes ou des médecins, sans parler des nombreux textes, anonymes, qui laissent à penser quils étaient luvre de magiciens ou dastrologues.
La deuxième partie dégage les principaux aspects de la botanique magique, cest-à-dire de toute connaissance ou utilisation des plantes «dont la finalité est de produire, par des procédés occultes particuliers, des phénomènes inexplicables ou qui semblent lêtre ou encore des effets que lon pourrait croire impossibles à obtenir par les pratiques courantes, tant ils paraissent sortir du cours ordinaire de la nature» (p.104). Bien que lAntiquité ne nous ait légué aucun ouvrage détaillé sur ce sujet, de nombreux textes ou fragments évoquent les propriétés magiques de certaines plantes (depuis le môlu de lOdyssée) et les dispositions à prendre pour les récolter ou les utiliser, afin dobtenir des effets particuliers dont on ne saurait bénéficier en recourant aux pratiques habituelles. Ces effets sont au reste variés : protection contre les maladies ou les maléfices, aphrodisiaques (ou anaphrodisiaques !), choix du sexe dun enfant, etc
La troisième partie met en évidence les spécificités de la botanique astrologique, quelle soit planétaire ou zodiacale. Lastrologie grecque sest constituée dans le courant de lépoque hellénistique, sinspirant de celles qui ont été développées au Moyen Orient et en Egypte. Linterdépendance des diverses échelles du cosmos se manifestait par des «chaînes» verticales reliant ensemble une divinité, un astre, une pierre, un animal, une plante et une partie du corps humain. Ainsi, à linstar des Chaldéens, les Grecs associèrent une de leurs principales divinités à chacune des planètes. La médecine astrologique avait pour base la mise en relation des astres avec certaines parties du corps (variables selon les auteurs
), et avec certaines plantes qui entraient dans la composition de remèdes plus ou moins complexes. Il est malaisé didentifier ces plantes avec certitude, mais lon sait que lhéliotrope ou la chicorée sauvage étaient associés au Soleil, la pivoine à la Lune et lasphodèle à Saturne. Une autre «école dherboristes» semble avoir privilégié les rapports des plantes (et des parties du corps humain) avec les signes du zodiaque. Toutefois, la plupart des plantes ne semblent pas avoir été sélectionnées uniquement pour leur aptitude à guérir les affections propres aux organes placés sous linfluence des signes zodiacaux. Elles ont également été choisies en fonction des caractères attribués par les astrologues aux planètes domiciliées dans chaque signe du zodiaque. En outre, lefficacité dune plante zodiacale était réputée dautant plus grande quelle poussait dans une région placée sous le même signe quelle (chacune des parties du monde étant également sous linfluence de lun des douze signes). Les astrologues attribuaient aussi chaque jour de lannée et chaque heure du jour à un signe du zodiaque, ce qui revêtait une grande importance pour la récolte des plantes sauvages.
Nous sommes donc en présence dun système complexe ayant sa propre cohérence, dont cet ouvrage sattache surtout à présenter les indications botaniques. Ce domaine pourrait faire lobjet de recherches plus approfondies : jusque là les études sétaient surtout cantonnées à lanalyse de la «flore mythologique», et peu à la «flore magique et astrologique» ou à la «flore des rites», cette dernière nayant pas encore fait lobjet dun recensement systématique.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 03/03/2004 ) Imprimer | | |
|
|
|
|