L'actualité du livre Vendredi 29 mars 2024
  
 
     
Le Livre
Histoire & Sciences sociales  ->  
Biographie
Science Politique
Sociologie / Economie
Historiographie
Témoignages et Sources Historiques
Géopolitique
Antiquité & préhistoire
Moyen-Age
Période Moderne
Période Contemporaine
Temps Présent
Histoire Générale
Poches
Dossiers thématiques
Entretiens
Portraits

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Histoire & Sciences sociales  ->  Antiquité & préhistoire  
 

Plaisirs, distractions, délassements – ou débauche ?
Jean-Noël Robert   Les Plaisirs à Rome
Les Belles Lettres - Realia 2005 /  21 € - 137.55 ffr. / 246 pages
ISBN : 2-251-33819-5
FORMAT : 14,5cm x 22,5cm

3e édition revue et corrigée.

L'auteur du compte rendu: Michel Blonski, agrégé d'Histoire, travaille en doctorat sous la direction du professeur François Hinard, à l'université de Paris IV, sur les problèmes du rapport au corps dans la civilisation romaine.

Imprimer

Dans cette agréable réédition d’un ouvrage paru en 1983, J.-N. Robert nous convie à explorer la civilisation romaine à travers les différents types de plaisirs et de divertissements qu’elle a pu connaître et faire fleurir. L’auteur cherche à nous les faire connaître en suivant plusieurs perspectives. D’abord, en rappelant judicieusement le fait des évolutions internes à leur univers, qu’on ne saurait considérer comme immobile et identique pendant plusieurs siècles.

Ensuite – et c’est peut-être l’axe fondamental du livre – en abordant, comme outil permanent d’analyse, l’opposition entre «plaisir» et «morale» romaine traditionnelle. Point à creuser en effet : comment une civilisation, qui aimait à se décrire comme sobre et rude, a-t-elle réussi, quand même, à varier et multiplier ses occasions de divertissement ? Cette tension, cette problématique, guident l’ensemble des évocations retenues dans cet ouvrage.

L’auteur fait en effet une liste différenciée des diverses occasions de plaisir dont pouvaient profiter les Romains. J.-N. Robert commence par celles que permet le cadre urbain ; il rappelle la promiscuité et les conditions particulières de la vie dans l’Vrbs – l’auteur évoque alors les bains, les thermes, les jardins et l’agitation du forum. Puis le lecteur est amené à connaître les plaisirs de la fête et du spectacle – Saturnales, gladiature, théâtre.
C’est, par la suite, tous les types de délassement que l’on peut voir défiler sous nos yeux : ainsi les plaisirs de la table, gastronomie, art du banquet, puis les plaisirs de la villégiature dans de luxueuses villas à la campagne. Passant à tout autre chose, nous examinons quelle place est réservée aux femmes et aux «plaisirs au féminin», dans une société qui se veut patriarcale voire misogyne, mais dans laquelle, peu à peu, une place leur est faite, si ténue soit-elle. De même, l’auteur examine les différentes manifestations des «plaisirs de la chair» : il rappelle la «polygamie de fait» qui régnait à Rome ; les trucs de séduction d’Ovide ; les questions liées à l’homo -ou plutôt bi-sexualité, celles liées à l’évolution moralisatrice de l’Empire – pour finir sur le monde trouble et contrasté de la prostitution.
Enfin, nous découvrons l’ensemble des plaisirs plus intellectuels : ceux qui naissent de la contemplation de l’art, et ceux que permet la joie des oeuvres de l’esprit, d’où les paisibles évocations de l’art de vivre selon Virgile ou Horace. L’auteur conclut sur l’évolution ultérieure du monde romain, selon lui plus sensible aux questions de spiritualité alimentées par des traditions païennes et les religions orientales.

Ouvrage assurément plaisant : à l’honnête homme curieux, il permettra d’embrasser le monde romain, d’un vaste regard, en quelques pages écrites d’une plume vive ; celles-ci ne lui causeront aucune difficulté de lecture. On remarquera, cela dit, quelques problèmes de fond et de forme. D’abord, l’homogénéité de la notion même de plaisir, qui ne va pas de soi. L’auteur a choisi d’inventorier les plaisirs de toutes les classes sociales et de tous les types d’individus, quel que soit leur contenu effectif : pourquoi pas, mais pourquoi aussi mettre dans la même catégorie générale «plaisir» de la taverne et «plaisir» de la contemplation intellectuelle ? Pourquoi, à l’inverse, chercher absolument à faire une démarcation, chapitre par chapitre, entre plusieurs plaisirs semblables (par exemple, le plaisir de la villégiature est inséparable de celui de l’esprit : un riche Romain comme Pline le Jeune profite justement de ses repos à la campagne pour s’adonner à l’étude) ? On pourrait aussi questionner l’opposition entre morale austère et plaisir : elle vaut assurément la peine d’être évoquée, mais on pourrait la fouiller un peu plus – une alternative aussi simple, posée pour toute la période, ne saurait suffire ; à plus forte raison lorsque les écrivains les plus sévères, pensons à Sénèque, ne laissent pas la réputation d’avoir appliqué leurs idées à leur propre vie.

Dans cette logique, il faudrait aussi se questionner sur l’utilisation faite de certains textes : l’auteur fait dire beaucoup de choses à Horace ou Virgile, et a souvent tendance à mettre sur le même plan texte poétique, narrateur, et la personne même de l’auteur (du type : ce n’est pas un berger qui parle, mais Virgile, un homme qui aime et qui souffre). Surtout, on pourrait lui reprocher de ne pas prendre de distance avec beaucoup de ses sources : Juvénal et Sénèque, dans la description qu’ils font des plaisirs de leurs contemporains, forcent le trait et dépassent la caricature – peut-on les prendre pour argent comptant ? Beaucoup de ces textes valent par leur caractère d’exercice rhétorique, de passage obligé (un plaisir est fait pour être dénoncé) : s’agit-il de descriptions objectives ? Rien n’est moins sûr.

On passera enfin sur certains points mineurs de forme, comme des phrases un peu vagues (p.128, «le Romain demeure avant tout un homme épris de paix, proche de la nature»), d’autres au ton un peu anachronique (p.129, une famille romaine «dispersée et exilée dans ces grands immeubles impersonnels de la ville»). Il faudrait aussi citer quelques erreurs vénielles : on apprend ainsi, p.59, que Vitruve a commenté la décoration de la Maison dorée de Néron, chose qui lui était difficile puisqu’il a vécu un siècle avant sa construction. Lapsus certainement, mais c'est gênant dans une réédition censée avoir subi de nouvelles corrections.

Malgré ces points délicats, l'ensemble est bien plaisant, car ce livre reste une introduction aisée et spirituelle à une civilisation, à travers l’étude d’un de ses aspects souvent mal compris.


Michel Blonski
( Mis en ligne le 31/10/2005 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • Le Sexe à Rome
       de John-R Clarke
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd