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L’espace du Même
Houari Touati   Islam et voyage au Moyen Âge - Histoire et anthropologie d’une pratique lettrée
Seuil - L'univers historique 2000 /  23.66 € - 154.97 ffr. / 344 pages
ISBN : 2020400626
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Houari Touati, maître de conférences à l’EHESS, propose une étude historique très intéressante sur le monde musulman médiéval. Après Entre Dieu et les hommes. Lettrés, saints et sorciers au Maghreb(éditions de l’EHESS, 1994), l’historien, étudiant dans une approche anthropologique le rapport de l’Islam au monde à travers le voyage (rihla), nous montre toute la différence qu’il peut y avoir en la matière avec l’Occident.
« Herméneutique de l’autre », selon Michel de Certeau, le voyage chez les occidentaux possède en effet une dimension anthropologique et historique que méconnaissent à l’époque les musulmans : se définir par rapport à l’Etranger et à l’Ancêtre. Chez les voyageurs de l’Islam, le but est tout autre ; il ne s’agit pas de repousser les limites de l’oekoumène mais de réitérer un espace géographiquement délimité, dans une approche de « construction exégétique du même » (p. 11.) Cet espace est l’empire de l’Islam - dar-al-islam ou mamlaka -, dont il faut assurer l’unité géopolitique et religieuse en le saturant du sens de l’islamité. Le voyageur musulman ne part donc pas en quête d’une altérité mais à la redécouverte de sa propre identité culturelle et religieuse.

Houari Touati s’intéresse en l’occurrence à trois types de voyageurs qui participent à la construction de cet « espace du même » : les traditionistes, les linguistes et les géographes. Il y ajoute une quatrième catégorie regroupant les mystiques. Le voyage chez ces musulmans est favorisé en outre par une tradition épistémologique remontant au début du IXe siècle. Pour ces intellectuels, le savoir véritable ne peut être valable que par le côtoiement des maîtres et l’expérience concrète. Dans une optique généalogique, le savoir se fonde donc essentiellement sur l’écoute (sama) et la vision (‘iyân).

Impulsé par les juristes - Mah’hul, fondateur de l’école syrienne de droit notamment -, le voyage vise d’abord à définir le droit de la communauté musulmane (Umma). Rapidement, la tradition religieuse vient s’amalgamer à l’entreprise juridique. Les haddith - propos attribués au Prophète - servent alors de base au système réglementaire musulman. Les traditionistes parcourent ainsi le dar-al-islam en quête de ces traditions, non sans rencontrer des oppositions de la part de ceux qui réfutent cette divinisation de la Tradition musulmane.
Les traditionistes consacrent la pratique généalogique de transmission du savoir, seule garante de sa pureté et de sa survie. Le voyage permet l’édification de chaînes de garants (sanad), liste de noms reliant la tradition à son origine prophétique. Cette pratique est également assurée par les linguistes, explorateurs d’une géographie de la langue pure détenue par les bédouins. Enfin, à partir du Xe siècle, les géographes - Muqaddasi en tête -, concourent à leur tour à l’unification du territoire musulman par la description. La pratique visuelle l’emporte alors sur l’oralité. Les mystiques pratiquent de même la rihla dans un but plus ésotérique : il s’agit pour eux de s’isoler du monde et de trouver, dans ses confins, des vérités divines à interpréter.

L’auteur consacre d’importants et très érudits chapitres à chacune de ces populations. La dimension sociale et économique du voyage, son coût et ses difficultés, n’est pas négligée. On comprend alors toute la différence qui oppose l’Islam et l’Occident médiévaux. Ce n’est qu’au XIIe siècle que la tradition touristique islamique s’estompe avec l’arrivée du récit de voyage, genre maître en Occident.
Très stimulant intellectuellement, Islam et voyage au Moyen Âge, est une étude convaincante et riche en informations. Fondée sur l’étude des textes et récits ayant échappé à l’oubli et aux ravages du temps, elle offre un panorama méconnu sur l’Islam, d’un point de vue original.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 17/12/2001 )
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