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Portrait d’un érudit d’État
Jean Boutier    Collectif   Etienne Baluze. 1630-1718 - Erudition et pouvoirs dans l'Europe classique
PULIM - Histoire 2009 /  30 € - 196.5 ffr. / 380 pages
ISBN : 978-2-84287-473-5

L'auteur du compte rendu : Diplômé de l'Ecole nationale des chartes et de l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, Rémi Mathis est conservateur, responsable de la bibliothèque de sciences humaines et sociales Paris-Descartes-CNRS. Il prépare une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne à l'université Paris-Sorbonne sous la direction de Lucien Bély.
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Étienne Baluze fait partie de ces illustres inconnus sur lesquels il est bon de revenir. Savant de second rang, certainement, mais savant que toute personne s’étant intéressée au XVIIe siècle a eu l’occasion de croiser, tant ses travaux sont divers, et large son influence. Ses éditions d’actes anciens et d’œuvres religieuses de l’Antiquité et du haut Moyen-Âge l’ont rapidement rendu célèbre dans l’Europe entière. Il correspond alors avec de très nombreux savants de plusieurs pays et la République des lettres le célèbre, passe pour un savant de premier plan mais finit pourtant exilé en 1710 sur ordre du roi, pour avoir publié une Histoire généalogique de la maison d’Auvergne (1708) qui avait le malheur d’établir l’antériorité de cette maison sur les Capétiens. Le fait que ses papiers aient été versés à la Bibliothèque royale où ils forment de nos jours encore un fonds à part d’une grande richesse documentaire y contribue certainement. Logiquement, son gigantesque travail a pu être étudié au cours des deux derniers siècles par des historiens spécialistes de thématiques très diverses, de l’histoire locale du Limousin à l’histoire littéraire, religieuse ou intellectuelle – l’immense masse d’érudition juridico-historique possédant des entrées multiples. Issu d’un colloque tenu à Tulle en 2006, le présent ouvrage vient faire le point sur nos connaissances et actualiser notre savoir.

Issu d’une famille de la bourgeoisie provinciale importante dans la ville de Tulle mais en passe d’être surpassée par les nouvelles élites créées par l’érection du présidial de la ville (M. Cassan), Étienne Baluze voit son destin marqué par l’existence de la prestigieuse branche polonaise de la famille, partie vers l’Est avec la reine Marie Louise et appelée à d’importants rôles politiques et de cour (J. Dumanowski).

Les multiples activités «professionnelles» de Baluze sont étudiées dans une seconde partie qui permet de suivre la carrière d’un érudit du Grand Siècle. Il est d’abord secrétaire de Pierre de Marca, archevêque de Toulouse puis de Paris (1656-1662). Bien qu’il n’ait pas écrit pendant les six ans passés à son service, la figure de l’archevêque l’a marqué. Le décès du maître est d’ailleurs l’occasion d’une âpre querelle entre ses deux secrétaires à propos de la propriété de ses papiers, soulignant toute l’ambiguïté du terme de secrétaire (N. Schapira).

Baluze passe alors au service de Colbert dont il devient le bibliothécaire en 1666. Là encore, sa situation est ambivalente, à la fois érudit de la maison et administrateur, marquant le passage de l’érudition pure des de Thou ou des Dupuy à une bibliothèque de travail quasi d’État, qui sert au travail du ministre (J. Soll). C’est cependant souvent sa charge de professeur de droit canon au Collège royal (actuel Collège de France) qui est rappelée dans les biographies postérieures. D. Ribard revient sur la réalité de cette charge obtenue à un âge avancé, très peu interrogée jusqu’à présent, en rappelant en quoi elle consistait. Enfin, Pierre Gasnault n’oublie pas de rappeler qu’Étienne Baluze était également homme d’Église en donnant l’édition d’un inédit tardif de notre homme : un sermon pour le Jeudi Saint de 1712.

L’œuvre est abordée dans une troisième partie revenant sur les principales thématiques abordées par Baluze au cours de sa carrière. Vivant à la glorieuse époque où fleurissaient les travaux des bénédictins de Saint-Maur et autres bollandistes, Baluze ne pouvait rester en dehors de ces courants. Il cherche donc sa vie entière des manuscrits anciens, courant les bibliothèques de Paris, de France et d’Europe, les copie en très grand nombre et se fait éditeur de textes anciens (P. Gasnault) et particulièrement des Pères de l’Église (Salvien, Lactance, Cyrpien, etc. ; étude d’une grande précision de P. Petitmengin). Il participe d’ailleurs à la réflexion qui se fait alors jour sur les méthodes historiques et la possibilité de distinguer les vrais des faux – ami de Mabillon, il participe aux discussions qui permettent à ce dernier de rédiger son De re diplomatica (J. Boutier).

Sa compétence ne se limite cependant pas à l’établissement de textes sûrs sur lesquels travailler mais comprend l’analyse des textes eux-mêmes afin de produire des études historiques. Une des plus fameuses est sans doute son Vies des papes d’Avignon (Vitae paprum Avenionenium) qui l’entraîne sur le glissant terrain de la question de l’autorité et du pouvoir des papes (1693) et qui est surtout largement pris dans les enjeux politico-religieux du temps (J. Chiffoleau). Cet enfant de Tulle n’oublie cependant pas sa patrie et finit par publier une Historia Tutelensis (P. Gillet).

Une bibliographie très complète, conçue comme partie intégrante du travail scientifique, permet de plus de faire le point sur l’ensemble des travaux actuellement disponibles, ce qui est d’une grande utilité.

Au final, c’est un type de savant qui est ici définit. Un grand historien pleinement de son temps, qui se situe au cœur des nouvelles méthodes et de la nouvelle pensée qui apparaît au cœur du XVIIe siècle, dans la lignée d’un Montfaucon ou d’un Mabillon : bien qu’il n’ait pas écrit d’ouvrage théorique, il possède une place certaine dans la réflexion historiographique qui se fait alors jour. Baluze est également un éditeur de textes de première importance. Aussi, par ses positions successives, sa situation au carrefour de l’érudition et du politique, se trouve-t-il au cœur de problématiques d’un État qui se constitue de manière originale. À la fois par son travail de bibliothécaire de Colbert et par ses œuvres, particulièrement les Vitae paparum, il se fait le représentant d’une érudition d’État, à proximité immédiate du pouvoir, que sa disgrâce finale vient cependant mâtiner d’ambiguïté.

Ces actes d’une grande richesse, où les contributions viennent agréablement converser entre elles et s’entre-nourrir, mettent en valeur l’ensemble de ces facettes. Le directeur de publication ne s’interdit enfin pas de tracer des axes de recherches à poursuivre afin de baliser les recherches futures et d’ouvrir de nouvelles pistes. Faisant son miel des connaissances passées, apportant du nouveau et ouvert sur l’avenir, l’ouvrage est d’un intérêt certain et remplit ainsi pleinement son rôle.


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 06/05/2009 )
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