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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
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On ne naît pas roi, on le devient | | | Pascale Mormiche Devenir prince - L'école du pouvoir en France - XVIIe-XVIIIe siècles CNRS éditions 2009 / 35 € - 229.25 ffr. / 512 pages ISBN : 978-2-271-06831-6 FORMAT : 15,2cm x 23cm
L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à lUniversité Paris-VIII. Imprimer
Depuis une trentaine dannées, léducation des souverains intéresse de nouveau les historiens, après les études dHenri Druon publiées en 1897 (LEducation des princes dans la Maison des Bourbons de France) et celle de Georges Lacour Gayet en 1898 consacrée à LEducation politique de Louis XIV. Il a fallu en effet attendre 1972 pour que Pierrette Girault de Coursac se penche sur la jeunesse de Louis XVI, et 1996 pour bénéficier de la réflexion de Madeleine Foisil consacrée à LEnfant Louis XIII. Il manquait encore à lhistoriographie une synthèse systématique de ces travaux épars, ce que nous propose aujourdhui Pascale Mormiche avec Devenir prince, louvrage quelle a tiré de sa thèse.
De très minutieux dépouillements dans la plupart des dépôts darchives dIle-de-France et de province lui ont permis de se familiariser avec une quarantaine de projets éducatifs destinés aux princes français, de Louis XIII aux enfants de Louis XVI en passant par les princes de sang, notamment les Condé, les Conti de même que les Orléans. Il en ressort des inflexions majeures durant les XVIIe et XVIIIe siècles, sous leffet des progrès de la révolution scientifique, mais aussi des mutations dun État toujours plus administratif et bureaucratique. Si le fils de Louis XIV, le Grand Dauphin (1661-1711), reçut sous légide de lombrageux duc de Montausier et du non moins sévère Bossuet une éducation surtout centrée autour des valeurs, celui de Louis XV bénéficia dun projet éducatif plus marqué par les sciences et le savoir technique.
Au regard des projets pédagogiques, lauteur noublie pas danalyser avec précision la composition des équipes éducatives, les personnalités qui les charpentaient, mais aussi les raisons qui présidèrent au choix dun gouverneur et dun précepteur pour lhéritier du trône. Ces deux fonctions, nous apprend Pascale Mormiche, étaient en effet beaucoup moins dissociables quil ny paraît car cétait bien de concert et sans rapport hiérarchique évident quils menaient la politique éducative du futur souverain. Faces dune même monnaie, le gouverneur et le précepteur travaillaient à former un «honnête homme», figure consensuelle du gentilhomme depuis le début du XVIIe siècle. Le premier, homme de bonne noblesse, se chargeait plutôt de laspect mondain de lhonnêteté tandis que le second, souvent ecclésiastique, sarrêtait beaucoup plus sur sa dimension intellectuelle, du bien parler au bien réfléchir, en évitant lécueil de lérudition et du pédantisme.
Le «savoir du prince» demeure en effet une porte dentrée remarquable pour comprendre les représentations dune époque ainsi que les aspirations profondes de la monarchie française. Peut-être lauteur aurait-il dailleurs dû insister davantage sur la dimension politique de léducation princière que lon gagnerait à concevoir comme un espace de dialogue avec le second ordre. Si les héritiers de la souveraineté recevaient un enseignement conforme à celui de lélite nobiliaire, les uvres écrites pour le prince diffusaient néanmoins un discours capable de fonder lunité dintérêt et de pensée des gentilshommes avec la monarchie. Aussi le projet éducatif du fils de Louis XIV constitua-t-il le fonds idéologique de la reconstruction dun royaume affaibli par les dissensions religieuses et politiques depuis quasiment un siècle. Une Histoire de France, composée par le prince sous la direction de Bossuet, offrait une lecture particulière de lhistoire du royaume, perçue comme un cheminement long, mais néanmoins certain vers son unité sous un même roi, une même foi et une même loi.
Ce livre réfléchi constitue à présent le point de départ de toute réflexion sur les éducations princières par la quantité de sources étudiées, mais aussi par lexhaustivité de ses références bibliographiques.
Matthieu Lahaye ( Mis en ligne le 08/12/2009 ) Imprimer | | |
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