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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
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Les filles de Saint Vincent | | | Matthieu Brejon de Lavergnée Histoire des filles de la charité. XVIIe-XVIIIe siècle - La rue pour cloître Fayard 2011 / 30 € - 196.5 ffr. / 690 pages ISBN : 978-2-213-66257-2 FORMAT : 15,3cm x 23,5cm
Préface de Dominique Julia Imprimer
Mathieu Brejon de Lavergnée vient décrire une Histoire des Filles de la Charité, parue chez Fayard. Ce livre est le fruit dun travail de plusieurs années. Il court de la fondation par Vincent de Paul et Louise de Marillac dune confrérie de bonnes filles au service des pauvres au XVIIe siècle jusquà leur suppression pendant la Révolution française, à propos de laquelle le préfacier écrit quelle a inauguré «la longue généalogie des atrocités commises contre la liberté religieuse». La thèse nest pas nouvelle.
Initialement appelées les «surs grises», les Filles de la Charités constituent la première congrégation féminine hospitalière avec près de 20.000 membres. Elles sont par ailleurs présentes dans une centaine de pays. Les Parisiens connaissent bien cette congrégation, puisque la chapelle de la rue du Bac à Paris leur appartient et accueille chaque année plus de 2 millions de visiteurs. On peut dailleurs y voir le corps embaumé de Louise Marillac.
Dans cet ouvrage dense et très documenté, lauteur commence par relater la vie des fondateurs de la congrégation. Saint Vincent de Paul et Louise Marillac sont donc présentés. On apprend, notamment, quelle était «une bâtarde», ce qui explique les difficultés à laquelle sa béatification a pu se heurter. Cette Histoire des Filles de la Charité permet de se rendre compte de loriginalité du statut, à tout le moins équivoque, de ces filles qui ne sont ni religieuses ni mariées, mais séculières. La création de la congrégation a permis à des paysannes de fréquenter la cour et de partir à létranger. Certaines se sont même illustrées en se comportant en martyrs.
Les Filles de la Charité différaient des communautés religieuses de lépoque, car elles étaient liées à Dieu par des vux simples et non pas aussi solennels quailleurs. Souvent, leurs vux étaient annuels et non pas perpétuels. De plain-pied avec la réalité, les Filles de la Charité allaient directement dans la rue et soccupaient des malades jusque dans leurs maisons. Elles se rendaient également dans les hôpitaux. Elles soignaient les galériens et les enfants trouvés. Elles prenaient en charge léducation des petites filles, des vieillards et des fous.
Cest Saint Vincent de Paul qui organisa, dans les années 1600, cette congrégation. En effet, il se rendit compte que tout ceci devait être organisé plus efficacement et rationnellement. Il créa donc, en décembre 1617, lassociation des Dames de la Charité. Alarmée par la misère de lAncien Régime, une fille simple du nom de Marguerite Nassau épaula Saint Vincent de Paul dans sa démarche. Cet exemple fut contagieux, mais Marguerite Nassau mourut de la peste après avoir prêté son lit à une pestiférée.
La direction spirituelle de cette congrégation ainsi que son administration fut confiée à Louise Marillac le 29 novembre 1633. Celle-ci fut canonisée en 1934. Elle entreprenait des visites fréquentes pour sassurer de la qualité des services qui étaient offerts aux nécessiteux. Un jour, Louise Marillac eut une vision dans laquelle elle se voyait en train de servir les pauvres sous la direction dun prêtre. Plus tard, elle fit la connaissance de Saint Vincent. Lauteur insiste sur le fait que toute laction des Filles de la Charité repose sur une imitatio christi, c'est-à-dire une compassion véritable par rapport aux souffrances et misères des pauvres. Il est à remarquer que Louise Marillac, grâce son action en faveur des nécessiteux, réussit à guérir de sa dépression.
Cet ouvrage permet, également, dapprécier lintelligence politique de Saint Vincent. En effet, il attendit avant de fixer les formes juridiques de la nouvelle congrégation pour ladapter au plus près des réalités.
Mathieu Brejon de Lavergnée rappelle que son ouvrage se situe à la croisée de deux champs de recherches, lhistoire des femmes et lhistoire religieuse. Il fait sien le célèbre aphorisme de Raymond Aron, selon lequel «chaque société a son histoire et la réécrit au fur et à mesure quelle change elle-même».
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 24/05/2011 ) Imprimer | | |
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