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Papiers, s’il vous plaît ! | | | Vincent Denis Une histoire de l’identité en France - 1715-1815 Champ Vallon - Epoques 2008 / 30 € - 196.5 ffr. / 462 pages ISBN : 978-2-87673-477-7 FORMAT : 16,0cm x 24,0cm
L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à lUniversité Paris-VIII. Imprimer
Vincent Denis est un jeune universitaire qui ne manque pas daudace. Ses travaux de recherche les plus récents portent en effet sur ces objets humbles et discrets qui saturent la vie de lhomme moderne : les papiers didentité. Il en retrace leur origine ainsi que leur systématisation au cours dun long XVIIIe siècle qui commence à la mort de Louis XIV et sachève à la chute de Napoléon Ier.
Lauteur montre, à laide dune multitude de documents exhumés des fonds darchives provinciaux, que lidée de doter la population de papiers participe dun renforcement de ladministration centrale. Après 1740, une soif didentification anime lensemble des échelons judiciaires et policiers du pays : passeports, certificats, registres, fichiers, commencent à constituer un «savoir dEtat» précieux pour encadrer les populations. Faute de moyens, les services devront cependant se contenter de lidentification des populations les moins insérées et jugées dangereuses pour la sûreté de lEtat : les déserteurs, les migrants, les vagabonds, les voyageurs étrangers et les populations urbaines.
La rationalisation progressive des procédures didentification permet dhomogénéiser quelque peu les supports, créant ainsi un nouveau statut : celui de sans-papier. Si Loménie de Brienne, encore archevêque de Toulouse, souhaite une identification générale car «la présence ou labsence de certificat mettra chacun à sa place», peut-il écrire en 1774, dautres ecclésiastiques sinsurgent contre cette tyrannie administrative de la transparence. Cest le cas de larchevêque dAix, Boisgelin de Cucé, qui au nom dun droit à lanonymat et de la liberté de circuler, déclare que «sil existe un acte libre, cest celui de dire son nom, son état, ses projets, ou de les exhiber, de prendre un certificat pour se faire connaître ou de nen point produire quand on veut être ignoré.»
Ironie de lhistoire, Vincent Denis montre avec finesse comment la Révolution, régime de libertés, a organisé le fichage généralisé de la population. En 1792, la guerre, la crainte de lespion, de lagitateur, de lopposant ont permis de balayer les scrupules des hommes des Lumières. Il revient à la police de Fouché, dès 1806, dachever lidentification de la population grâce à une mobilisation sans précédente de ladministration dans la lutte contre les faussaires et surtout la sophistication des procédures encore au cur de notre police moderne.
Dans une perspective très tocquevilienne, Vincent Denis démontre, en une langue aussi claire quélégante, comment la Révolution a systématisé ce que lAncien Régime avait projeté. Pour mieux mettre en valeur cette idée, lauteur aurait peut-être dû adopter un plan chronologique, lui évitant des répétitions inutiles, même sil défend son parti pris dans son introduction. Quoiquil en soit, il ressort de ce livre une féconde réflexion sur léquilibre nécessaire entre contrôle étatique des identités et respect des libertés individuelles.
Matthieu Lahaye ( Mis en ligne le 26/03/2008 ) Imprimer | | |