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Aux vaincus de l'Histoire
Nathalie Genet-Rouffiac   Le Grand Exil - Les Jacobites en France, 1688-1715
Service historique de la Défense 2007 /  30 € - 196.5 ffr. / 704 pages
ISBN : 978-2-1109-6320-8
FORMAT : 16,0cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié : Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (Champ Vallon, 2003).
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L’histoire traditionnelle n’aime guère les vaincus. Les vaincus sont vaincus, un point c’est tout ; qu’ils soient individus, partis ou classes sociales, une fois défaits, ils sont censés disparaître du devant de la scène, et, se fondre, par quelque opération mystérieuse, dans le fond du décor. Qu’est-il advenu des juifs chassés d’Espagne par l’Inquisition ? Des partisans français de l’Espagne après la victoire d’Henri IV ? Des protestants chassés de France par la révocation de l’édit de Nantes ? Des légitimistes après 1830 ? De la noblesse russe après la révolution bolchevique ? Des collaborateurs après l’Épuration ? Ces questions n’intéressaient jadis que les héritiers des groupes concernés, pour autant qu’ils en aient laissé, et l’histoire des vaincus était une histoire de famille, empreinte de piété filiale.

Il n’en va plus ainsi depuis que l’on s’est avisé que le déracinement d’une importante communauté humaine, quels qu’en fussent les motifs, avait de multiples retentissements, politique bien sûrs, mais aussi démographiques, économiques et culturels. L’exemple qui a le plus tôt frappé les esprit, dès le XVIIe siècle, est celui des huguenots, dont le départ appauvrit la France, pour peupler et enrichir les Pays-Bas, l’Angleterre et la Prusse. Avec la vogue de l’histoire culturelle, l’histoire des «vaincus de l’histoire» a trouvé toute sa place et s’est arrachée définitivement à la nostalgie et au culte des ancêtres.

Le livre de Nathalie Genet-Rouffiac participe de ce phénomène. Si elle s’appuie sur l’ample littérature produite par le souvenir romantique et l’étude érudite de l’exil jacobite, elle repart également aux sources, anglaises et françaises, de leur histoire, pour dresser un tableau raisonné et dépassionné de ce vaste mouvement de population. Une première partie suit les Stuart et leurs fidèles de 1688 à 1715, et retrace la longue suite de leurs espérances déçues : «Glorieuse Révolution» de 1688, fuite de Jacques II pour la France en janvier 1689, départ du même pour l’Irlande en février, bataille de la Boyne de 1690, capitulation de Limerick en 1691, projet d’invasion avorté de l’Angleterre en 1692, traité de Ryswick en 1697, Act of Settlement, mort de Jacques II et reconnaissance de Jacques III par Louis XIV en 1701, expédition ratée vers l’Écosse en 1708, mort de la reine Anne en 1714, nouvelle tentative en Ecosse en 1715.

Après ce rappel chronologique, l’auteur passe en revue les institutions jacobites en France : cour de Saint-Germain-en-Laye, régiments irlandais de l’armée française, établissements religieux de Paris et de l’Ile-de-France. Prolongeant les travaux qui ont accompagné l’exposition de 1992 à Saint-Germain, l’étude de la Cour jacobite est l’occasion de brosser le portraits des princes en exil et celui des grandes figures de leur parti, Lord Caryll, Lord Melfort, le duc de Perth, Lord Middleton. Nathalie Genet-Rouffiac évoque également les relations entre la cour de Saint-Germain et celle de Versailles, et les rapports entre le gouvernement jacobite et la Grande-Bretagne. La Cour est la manifestation la plus originale de l’exil jacobite : l’étiquette de Saint-James se retrouve transposée dans un château de Louis XIV et doit s’adapter à une topographie nouvelle ; les exilés de tout rang tendent à s’installer près de leur souverain, et la ville de Saint-Germain abrite une nombreuse population jacobite. Un important dossier de pièces (pp.513-558) donne les états nominatifs des personnes pensionnées au titre de cette Cour.

Le dernier volet de l’ouvrage est une étude sociale et culturelle de la population jacobite en exil, dont l’intégration dans la société française n’interviendra réellement qu’à partir de la deuxième génération (il n’y eut que 508 naturalisations avant 1715). De ce côté, les analyses de Nathalie Genet-Rouffiac rencontrent les travaux récents de Jean-François Dubost et Peter Sahlins, recensés dans ces colonnes. Elles montrent que la communauté jacobite n’est pas d’un bloc. Anglais, Écossais et Irlandais y occupent des positions bien différentes : les Anglais, minoritaires, tiennent pourtant les rênes de la cour de Saint-Germain ; les Écossais, très peu nombreux, forment un groupe aristocratique au poids politique important ; les gros bataillons de l’exil – les trois quarts de ses membres – viennent d’Irlande, et c’est là que les Stuart trouvent leurs serviteurs et leurs soldats. Au sein de chacune de ces communautés nationales, des liens de clientèle et de fidélité se nouent, les Jacobites de moindre statut recherchant la protection de compatriotes haut placés. L’exil n’interrompt pas entièrement les relations entre les exilés et leur patrie d’origine. La diaspora permet le développement de réseaux internationaux, comme en témoigne les cas du banquier irlandais Daniel Arthur, dont les affaires se traitent simultanément à Paris, en Grande-Bretagne et en Espagne.

Le Grand Exil est donc une page d’histoire de l’Europe, une page d’histoire comparée, qui nous invite à sortir du cadre parfois étriqué des historiographies nationales.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 26/03/2008 )
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