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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine | | | Jean-Noël Grandhomme Collectif Boches ou tricolores ? - Les Alsaciens-Lorrains dans la Grande Guerre La Nuée bleue-Editions de l’Est 2008 / 22 € - 144.1 ffr. / 460 pages ISBN : 978-2-7165-0741-7 FORMAT : 15,5cm x 22cm
L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban : l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).
Jean-Noël Grandhomme collabore à Parutions.com Imprimer
Les études dhistoire dite «régionale» connaissent dans toute la France un brillant essor. Le phénomène est particulièrement accentué dans les provinces dites «périphériques» - Languedoc, Provence, Corse, Bretagne, Normandie, Lorraine et Alsace qui affirment leur personnalité propre. Boches ou tricolores ? participe de ce renouveau.
Issu des actes dun colloque organisé en 2004 par luniversité de Strasbourg, louvrage réunit vingt-six monographies. Certaines études sont thématiques (le patronat alsacien, la question religieuse, les prisonniers, internés et réfugiés alsaciens-lorrains en France, la préparation de la réintégration des provinces perdues
), dautres sont locales (Saverne, Colmar, Metz
durant la Grande Guerre), dautres enfin sont relatives à des personnalités (Hansi, Charles Spindler).
Plusieurs monographies débordent du cadre temporel strict de la Grande Guerre, soit quelles analysent une situation antérieure (lopinion publique française et lAlsace-Lorraine, laction du Souvenir français) ou quelles décrivent les suites de la réintégration (rôle de la gendarmerie, iconoclasme français, monuments aux morts et musées).
Lambition affichée du livre est de substituer aux images dÉpinal de la vulgate bleu-blanc-rouge (Hansi, Barrès, Le Tour de France par deux enfants) une vision plus objective dune réalité complexe. Mieux peut-être quune étude systématique, cet ouvrage composite parvient à rendre compte de façon impressionniste dun paysage particulièrement nuancé.
Quelques éléments communs aux diverses études se dégagent. Il apparaît ainsi quavant la Première Guerre mondiale la population dAlsace-Lorraine ne sympathise guère avec les Allemands extérieurs au Reichsland, mais que depuis le début du XXe siècle elle se résigne majoritairement à sa situation, dautant plus quelle est choquée par lanticléricalisme français et sensible aux avantages matériels et sociaux que lui apporte son appartenance à lEmpire allemand. Lopinion locale est placée dès le début du conflit dans une situation inconfortable et qui évolue en cours de guerre, dune loyauté vis-à-vis du Reich très majoritaire au début du conflit jusquà une réserve de plus en plus marquée à la suite des vexations de ladministration militaire, qui se méfie dAlsaciens souvent considérés comme des Franzosenkopf. Cette réserve se transforme en hostilité au fur et à mesure que restrictions et réquisitions se font de plus en plus sévères. Laccueil réservé aux troupes françaises en novembre 1918 est incontestablement enthousiaste.
Louvrage ne prétend pas être exhaustif. Insistant sur le fait que le sujet commence seulement à faire lobjet détudes approfondie, il invite à de nouveaux travaux. Ainsi la diversité des situations locales (ambiance particulièrement tendue à Metz, dont la région est largement francophone, germanophilie relativement marquée des populations protestantes de Basse-Alsace) est à peine évoquée et lon aimerait en savoir plus.
Mentionnons pour terminer que le livre mérite dêtre acquis rien que pour les nombreuses et passionnantes illustrations en couleur annotées extraites du journal de guerre tenu par Eugène Birsinger. Ce paysan du Sundgau ne sait tenir son journal quen allemand, mais naime pas les Allemands, quil appelle Schwaben (Souabes), et révèle vers la fin du conflit sa nostalgie dune France idéalisée quil ne connaît pas.
A mesure que les études semblables à Boches ou tricolores ? se multiplient, la conception de lidentité et de lunité françaises se transforme. Derrière la façade uniforme de lHexagone, une réalité plus fragmentée se dessine. A côté dune France de lIntérieur, royale et centrale, cur de lÉtat qui se réduit à peu près à lIle-de-France et au Val de Loire surgissent autant de Frances extérieures, dont les traditions et les sensibilités diffèrent profondément de celle de la «vieille France».
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 13/01/2009 ) Imprimer
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