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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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On ne naît pas homme, on le devient | | | Anne-Marie Sohn Sois un homme ! - La construction de la masculinité au XIXe siècle Seuil - L'univers historique 2009 / 23 € - 150.65 ffr. / 456 pages ISBN : 978-2-02-098314-3 FORMAT : 14cm x 20,5cm
L'auteur du compte rendu : Grégory Prémon est agrégé d'histoire-géographie. Imprimer
Quil sagisse, en 1996 déjà, des travaux dAnne-Marie Sohn sur les femmes ou de la thèse de Florence Tamagne sur lhomosexualité durant lentre-deux-guerres, lhistoire du genre sest sabord intéressée aux femmes et aux homosexuels. Cest tout lintérêt du nouveau travail de lhistorienne que de porter son attention sur un autre objet : lhomme, sinterrogeant sur la construction de lidentité masculine au XIXe siècle. Les «gender studies» nées aux États-Unis trouvent ainsi avec ces travaux leur juste place dans la production historiographique française.
Dans cet ouvrage, Anne-Marie Sohn sinterroge sur les marqueurs de la masculinité et leur acquisition par les jeunes gens de quatorze à vingt-cinq ans, de la Restauration à la Grande guerre. Pour mener à bien ce projet, elle a dû surmonter plusieurs difficultés. Il sagissait tout dabord de faire la part entre ce qui relevait de lhistoire de la masculinité et de ce qui faisait référence à lhistoire des jeunes. Un charivari dans un lycée est-il une simple manifestation juvénile ou le premier pas vers lâge dhomme ? Deuxième difficulté : éviter lécueil de lanachronisme, notamment en ne confondant pas «virilité» - terme employé au XIXe siècle et la masculinité dont la définition est plus large. Enfin, le choix des sources à consulter a lui aussi posé problème : en effet, il nexiste pas de sources traitant directement du sujet. Anne-Marie Sohn a choisi de privilégier les archives judiciaires et policières, notamment la série BB des archives nationales, complétées par la consultation ponctuelle de certaines archives départementales.
Quels sont les indices de la masculinité tout au long du XIXe siècle ? Influencée par lhistoire des sensibilités, lauteur montre comment les jeunes gens investissent lespace et le temps de leur virilité. Le paysage sonore on songe ici aux travaux dAlain Corbin est lui-même conquis grâce à la résonance et souvent la grossièreté des mots employés par les jeunes hommes. Tester sa virilité par la plaisanterie, lagression ou le défi fait partie de ces marqueurs de virilité que la jeunesse tente de sapproprier. Enfin et bien sûr, lapprentissage sexuel joue un rôle central, des remarques grivoises aux chansons paillardes, de la masturbation à la fréquentation des maisons closes.
«Lélecteur et le soldat constituent les deux pôles de la masculinité publique et politique». Le premier signe linvestissement de lespace public par les hommes quand le second incarne la virilité armée et courageuse. Cest autour de ces figures que les jeunes gens se constituent et que la masculinité évolue tout au long du XIXe siècle. En effet, on assiste au «déclin dune masculinité fondée sur la force, le courage et lhonneur» au profit dune masculinité plus policée. Anne-Marie Sohn identifie deux moments-clefs dans cette évolution : les années 1840-1860 voient labandon des anciennes pratiques violentes tandis que dans les année 1860-1880, un nouvel idéal naît, celui du «jeune homme éduqué», participant plus pacifiquement à la vie du village comme à la vie du pays.
Quels sont les facteurs de cette évolution ? Lévolution des murs des jeunes gens sinscrit dabord dans une histoire plus globale de civilisation progressive des murs au cours du XIXe siècle. Deuxième facteur dévolution : lécole. Elle offre un nouvel idéal social et simpose comme lieu dacquisition de pratiques sociales pacifiées. Enfin - et Anne-Marie Sohn reconnaît avoir sous-estimé cette influence au début de son étude : la politique. La mainmise renforcée de lEtat sur le territoire et les pratiques électives participent ensemble à un nouveau modèle masculin non fondé sur la violence.
De cette étude brillante et toujours fondée sur des exemples précis, naissent quelques regrets et de nombreux espoirs. Le choix de lauteur de ne sintéresser quà une classe dâge laisse de nombreuses questions en suspens : quels sont les modèles de masculinité offert aux enfants ? Comment sont-ils acquis ? Quel est notamment le rôle des parents dans cette acquisition ? Par ailleurs, quelle évolution la masculinité connaît-elle avec lâge ? Est-on homme de la même manière à ladolescence et à la fin de sa vie ? Au-delà, le choix de privilégier le cadre national et les archives dabord judiciaires et policières ne permet sans doute pas quelques nuances nécessaires. Cest dailleurs tout le mérite de lauteur de reconnaître cette limite et de voir en elle autant de possibilité de travaux futurs. Enfin, cet ouvrage novateur et original ouvre la porte à de nouvelles études sur la masculinité à dautres époques lhistorienne sinterroge dailleurs en conclusion sur la masculinité aujourdhui ou dans dautres espaces qui permettraient de fructueuses comparaisons.
Grégory Prémon ( Mis en ligne le 14/07/2009 ) Imprimer
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