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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Stéphane Audoin-Rouzeau Les Armes et la chair - Trois objets de mort en 1914-1918 Armand Colin - Le Fait guerrier 2009 / 19.50 € - 127.73 ffr. / 173 pages ISBN : 978-2-200-35365-0 FORMAT : 14cm x 22cm
L'auteur du compte rendu : Thérèse Krempp mène une recherche en doctorat à l'Ecole des hautes études en sciences sociales sur l'armée française d'Orient pendant la Première Guerre mondiale. Avec Jean-Noël Grandhomme, elle a publié Charles de Rose, pionnier de l'aviation de chasse (éditions de la Nuée Bleue, septembre 2003). Imprimer
Lobjet est un type de source tout à fait inhabituel pour lhistorien de la période contemporaine. En effet celui-ci nest généralement confronté quaux archives écrites qui sont surabondantes pour sa période. Dans son dernier ouvrage, Stéphane Audoin-Rouzeau, directeur détudes à lEHESS, a choisi de travailler sur trois objets, trois objets qui constituent «un point dentrée minuscule» vers le champ de bataille moderne et qui permettent de mieux appréhender la violence extrême qui y régnait pendant la Première Guerre mondiale. Cette étude nous présente une histoire centrée sur le combat, sur le corps, «sur laction des corps dans le combat et sur les effets du combat sur les corps».
Premier objet, un éclat dobus. Il illustre bien la prédominance du canon sur le champ de bataille en 14-18. Comme nous le rappelle lauteur, cest surtout par leurs éclats que les obus se sont révélés si dangereux. En effet, les obus avaient été conçus pour produire le plus grand nombre déclats possible : cest au contact de la terre que lexplosion de lobus détache les morceaux dacier. Le canon, les tirs dartillerie, les différents types de blessures causées par un éclat dobus, tout cela est étudié dans ce premier chapitre. Il faut savoir que le canon provoqua plus des deux tiers des blessures combattantes pendant la guerre.
Deuxième objet : la dague de tranchée. Moins connu, moins spectaculaire aussi, cet objet est «lexact contrepoint» de léclat dobus. En effet la dague met en avant la guerre silencieuse, la guerre où la violence redevient un corps à corps. Les coups de mains nocturnes sur les postes avancés ennemis ont surtout été organisés au début de la guerre de positions. Larmée a distribué des centaines de milliers de couteaux en 1915 et 1916. Dans ce chapitre, lauteur sintéresse également au déni de ce type darme. Il nous démontre que les «lames courtes» ont eu une place beaucoup plus importante que les témoignages combattants ne lont laissé entendre. La guerre industrielle, anonyme, si «disculpatrice» pour ses acteurs, est venue à propos pour faire oublier lautre guerre, celle du corps à corps, même si ce dernier type de combat est tout de même resté relativement marginal.
Très original, le troisième objet analysé par lauteur est une grande maquette figurant un secteur du front de Champagne. A ce tableau-maquette est accolé un texte assez court qui relate une attaque par les gaz subie le 27 octobre 1915 par le 13e régiment de Dragons. Ce dernier volet du triptyque permet à Stéphane Audoin-Rouzeau détudier la plus grande innovation meurtrière de la guerre. Cette attaque du 27 octobre 1915 a été conduite au moyen de cylindres de gaz pressurisés. Les Allemands ont mené cinquante attaques de ce genre entre 1915 et 1918, la première étant celle dYpres le 22 avril 1915. Les moyens de défense mis en place contre la guerre chimique se sont révélés très efficaces et dans lensemble les gaz ont fait peu de victimes. Malgré cela, la guerre chimique a laissé «un souvenir dhorreur» dans lesprit des survivants et même dans lesprit de leurs descendants.
En définitive, Stéphane Audoin-Rouzeau nous montre que lobjet de guerre doit être considéré comme une source. Bien sûr, ce nest pas une source comme les autres car souvent lobjet a été «décontextualisé» par le fait même quil est rentré dans une collection particulière ou muséale. Ainsi les risques de mésinterprétation et de surinterprétation ne sont pas négligeables, mais cest justement ce défi historiographique qui a tenté lauteur de cette étude. La confrontation avec lobjet est dailleurs importante et féconde pour lhistorien. Elle permet de chercher ailleurs et plus loin au sein des sources traditionnelles, mais elle force aussi lhistorien à se replonger dans le réel quelle rend plus sensible.
Thérèse Krempp ( Mis en ligne le 12/01/2010 ) Imprimer
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