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Cosa vostra
Marco Gasparini   Mafia - Histoire et mythologie
Flammarion 2011 /  40 € - 262 ffr. / 207 pages
ISBN : 978-2-08-122930-3
FORMAT : 23,9cm x 28,8cm

L'auteur du compte rendu : Gilles Ferragu est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
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La Mafia, «l’honorable société» dit-on, composée «d’hommes d’honneurs»… un mythe parmi d’autres pour une nébuleuse criminelle aux origines lointaines, entre l’époque médiévale et le XIXe siècle. Car si il existe bien un serment, très ritualisé, pour entrer dans cette organisation criminelle sicilienne aux visées internationales, il n’est qu’à usage interne… Pas d’honneur donc, mais plutôt du silence – l’omerta – et des gros sous !

L’ouvrage de Marco Gasparini, journaliste, retrace avec érudition et force illustrations l’histoire complexe de la mafia et de ses diverses branches, sicilienne et américaine, sans oublier de regarder ailleurs et d’esquisser une comparaison avec d’autres organisations (yakuzas, triades, mafia russe… la mondialisation criminelle). Une histoire traitée thématiquement, et qui entraîne le lecteur dans une galerie de portraits de criminels, de victimes et de juges, avec quelques célébrités de la pègre (Lucky Luciano, Al Capone…), quelques hommes de justice (les juges Falcone et Borsellino) et surtout une collection de faits divers, meurtres, arrestations, kidnappings, massacres, vols et contrefaçons. La Mafia a son histoire, c’est un infra-monde où chaque clan est une forme d’Etat, un monde avec sa propre géopolitique, ses puissances, qui vit dans la marge du nôtre, développant comme une excroissance ses propres règles, ses propres fonctions et sa propre économie, parasitaire.

Si le cinéma et les médias usent fréquemment du thème de la mafia, en en popularisant les figures (le gangster, le parrain), on constate toutefois, dans un chapitre conclusif, que cette représentation n’est qu’anecdotique, et laisse dans l’ombre l’essentiel du fonctionnement complexe des clans mafieux. A cet égard, l’ouvrage rend un hommage mérité à Roberto Saviano, dont le Gomorra – résultat d’une enquête en infiltration – éclaire très efficacement le fonctionnement de la Camorra. Et effectivement, ceux qui ont apprécié Gomorra retrouveront dans cet ouvrage très réussi de nombreux thèmes explorés par Saviano. Le lecteur intéressé par les arcanes de la mafia comprendra mieux le fonctionnement des familles et des clans autour des «parrains» (et «marraines»… car on trouve également des femmes à la tête des clans), découvrira le fonctionnement financier de la mafia (entre trafics divers, «taxes» sur la contrebande, et magouilles financières de haute volée, jusqu’à l’affaire du Banco Ambrosiano en 1982) ainsi que les liens avec la politique.

Bien évidemment, l’usage de la violence fait l’objet d’un chapitre : depuis le simple vol à main armé, jusqu’aux divers types de vendettas plus ou moins élargies. Un aperçu des armes et des méthodes à la mode complète ce chapitre qui illustre les méthodes de la mafia. L’ouvrage montre également comment s’organise la lutte – l’auteur parle d’une véritable «guerre», et l'on est tenté de le suivre – autour de quelques individus, tel le mythique Joe Petrosino, policier américain enquêtant également à Palerme, le «préfet de fer» Cesare Mori – chargé par Mussolini d’éradiquer la pieuvre – ou encore les juges Falcone et Borsellino, dont la mort illustre aussi les accointances dont la mafia dispose au sein de l’appareil d’Etat. La question des repentis – ces mafieux qui décident de parler, briser l’omerta et le serment par crainte ou vengeance – complète ce chapitre, et explore les failles d’une structure dont l’Etat italien n’a pris que tardivement (1975) la mesure, en inscrivant le délit d’appartenance mafieuse dans son code pénal.

Cet ouvrage, bien illustré offre aux amateurs d’histoire un tableau assez large du crime organisé, de ses origines, de son histoire et de son fonctionnement. A l’heure de la globalisation et des crises en cascade, il s’agit d’une réflexion supplémentaire sur la contrebande, l’argent facile et ses conséquences.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 07/02/2012 )
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