Nicolas B Jacquet Curiosités du Paris haussmannien Parigramme 2014 / 19,90 € - 130.35 ffr. / 191 pages ISBN : 978-2-84096-852-8 FORMAT : 14,3 cm × 21,2 cm
Lauteur du compte rendu : agrégée dhistoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur honoraire de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié LHistoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à lhistoriographie (Flammarion, 2002). Imprimer
Historien de lart, spécialisé en architecture, Nicolas B. Jacquet est lauteur de plusieurs ouvrages sur Paris et son histoire : Marais secret et insolite, Les Façades lyonnaises, Versailles secret et insolite, puis Secrets et curiosités des jardins de Versailles. Avec Curiosités du Paris haussmannien, cest à une promenade un peu inédite dans le Paris haussmannien quil invite ses lecteurs.
En effet, ce ne sont pas tant les réalisations spectaculaires dues aux réformes du baron quil propose (même si lOpéra Garnier se taille la part du lion
), mais il attire plutôt l'attention sur les détails, les raccordements hâtifs au paysage urbain précédent, les concessions : tels le maintien des hôtels particuliers dans la partie du boulevard Saint-Germain proche de la Seine, ou encore les projets avortés : la percée dun axe de circulation alternatif à la rue de Rivoli qui aurait éventré le Marais et dont ne subsistent que les démarrages aux deux extrémités de laxe : rue Etienne Marcel prolongée et le carrefour des rues Beaubourg et Michel-le-Comte avec son immeuble XVIIe perdu au milieu des autres constructions. Lîle de la Cité largement remaniée par la réforme haussmannienne (très exactement entièrement massacrée ou presque
) fournit providentiellement la façade de léglise Saint-Eloi-des-Barnabites, qui démontée donne une façade élégante à léglise Notre-Dame-des-Blancs-Manteau qui, édifiée à la fin du XVIIe siècle, navait jamais eu de façade et en obtient ainsi une en 1863, cohérente avec son architecture puisque Saint-Eloi-des-Barnabites, oeuvre de larchitecte Jean-Sylvain Cartaud datait de 1705 : ou comment le malheur dune église fit le bonheur dune autre
Nicolas B. Jacquet porte un coup sévère à lidée communément répandue dune réforme haussmannienne parfaitement uniformisatrice. Certes la nouvelle réglementation est contraignante mais les accommodements furent nombreux
Les architectes surent également sadapter au terrain, modifier le rythme des balcons filants dans le cas des terrains en pente, etc. Pour la petite histoire, Haussmann ne sentendit pas toujours bien avec ses collaborateurs, et il ne cacha jamais par exemple le mépris que lui inspirait Hitorff quil dut accepter pour les immeubles bordant la place de lEtoile, désagrément quil surmonta en faisant planter les arbres qui masquent totalement aujourdhui encore le travail de son rival
Garnier, larchitecte de lOpéra, voulait une avenue sans arbres, qui sopposait au principe établi par Haussmann selon lequel toutes les avenues devaient être plantées. Lavenue de lOpéra est bien minérale aujourdhui. Cependant, à ses débuts, cest Haussmann qui lemporta, ce que prouve un cliché de Charles Marville pris pendant lhiver 1870/71. Mais Garnier obtint satisfaction avec la nomination en 1873 du nouveau préfet de la Seine, Ferdinand Duval.
On fait souvent rimer haussmannisation et destruction du patrimoine ancien, il y eut des exceptions, nombreuses cependant et lune delles fut la décision de conserver Saint-Germain-lAuxerrois, décision emportée grâce à Haussmann qui sen explique dans une lettre au ministre dEtat Achille Fould : «Je nai pas plus que vous le culte des vieilles pierres lorsquelles ne sont pas animées dun souffle artistique ; mais Saint-Germain-lAuxerrois rappelle une date que jexècre comme protestant, et que par cela même je ne me sens pas libre deffacer du sol parisien comme préfet». Et Hitorff fut chargé dédifier la mairie, pastiche de léglise dont elle est séparée par lajout dun campanile central. Ainsi le souvenir des cloches qui sonnèrent le signal du massacre de la Saint-Barthélémy est-il exorcisé
Parmi les diverses questions à régler : la question fondamentale de leau : puits artésiens , fontaines, machines à eaux du lac Daumesnil, lac souterrain à lOpéra Garnier, couverture du canal Saint-Martin, réservoir de Montsouris
Expression opulente de la prospérité du second empire, la ville souvre aux nouveaux moyens de transport et de commerce : gares, grands magasins, qui sont indissociables du Paris du second XIXe siècle voulu et pensé par Napoléon III, Haussmann et les architectes qui lentourent.
Si ce Paris haussmannien nous paraît «classique» et plutôt sage, à lépoque les travaux déchaînèrent les critiques ; la danse de Carpeaux, lors de linauguration provisoire de 1867, fut jugée scandaleuse par les habitués qui menacèrent de ne plus venir avec épouses et jeunes filles, tandis que les danseuses du ballet sopposaient à ce que le groupe de sculpture soit déplacé dans leur foyer
Nicolas B. Jacquet passe en revue chaque arrondissement avec des titres suggestifs (République sans perspective, Rafistolages, Tabula rasa, Saint Napoléon, Numéros réservés, Fontaines itinérantes
) qui attisent la curiosité du lecteur, curiosité immédiatement satisfaite grâce à lérudition précise, élégante et jamais ennuyeuse de lauteur. Une iconographie bien choisie contribue à faire de ce guide un ouvrage indispensable à qui aime Paris et sintéresse à son histoire.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 27/05/2014 ) Imprimer
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