| Guillaume Doizy Jean-Bernard Lalaux A bas la calotte ! - La caricature anticléricale et la Séparation des Eglises et de l'Etat Alternatives 2005 / 29 € - 189.95 ffr. / 155 pages ISBN : 2-86227-459-3 FORMAT : 23x28 cm
L'auteur du compte rendu : Gilles Ferragu est maître de conférences à luniversité Paris X Nanterre et à lIEP de Paris. Imprimer
2005 est lannée du centenaire de la Séparation des Eglises et de lEtat, crise commémorée par divers colloques, ouvrages, conférences et autres discours. Ces manifestations nous rappellent que naguères, la France se divisa autour de la question du rôle de lEglise dans la société, dans lEtat et de la légitimité dune référence au sacré : et la division fut violente
On parla dune guerre, dun combat. La IIIe république a su, entre 1880 et 1905, non sans rudesse, tracer la ligne de démarcation nécessaire entre les deux institutions.
Dans A bas la calotte ! Guillaume Doizy, spécialiste de lhistoire des caricatures, et Jean Bernard Lalaux nous rappellent combien dur fut par moment le combat entre lEglise et la Libre-pensée. Les partisans dune laïcisation absolue de lEtat surent utiliser les armes que la loi sur la liberté de la presse leur conférait. Le temps des médias est aussi celui des campagnes de presse, de lopinion publique et de lavènement des masses dans un «espace public» ample. Entre caricature et propagande, louvrage dévoile les divers aspects de la pensée anticléricale. Chaque rumeur, chaque accusation, chaque stéréotype trouve ici une interprétation graphique. Le clergé est ainsi accusé dêtre concupiscent, avare, prévaricateur, manipulateur, frustré, militariste, antisémite... Les registres sont divers, depuis lhumour et la dénonciation sobre, jusquà la vulgarité la plus basse et lobscénité la plus sordide. Reflet dun combat virulent (une véritable guerre de tranchée, tant du côté clérical quanti) où linvective ne déshonore souvent que son auteur.
Louvrage est riche, richissime même, en terme diconographie : il sagit en fait dun véritable catalogue dexposition, qui rendra des services insignes aux enseignants, aux étudiants autant quil intéressera les curieux. Le commentaire propose une lecture de ces caricatures quil convient dexpliquer à nos regards daujourdhui ceux dune Séparation désormais séculaire qui ne saisissent pas toujours une référence religieuse. Hélas, le texte est loin dêtre à la hauteur et illustre plutôt la persistance de combats rétrogrades dans notre société. Les auteurs hésitent constamment entre lobjectivité historique (du reste, ils évoquent, non sans méfiance par endroits, les travaux des «historiens», sans forcément les dominer, ni même les avoir lus, ou en se prêtant à des interprétations plus que datées) et le militantisme libre-penseur.
A cet égard, la conclusion est un modèle de politiquement correct (cest tellement plus convenu de sattaquer à lEglise catholique, en affectant dignorer dautres fondamentalismes plus menaçants). Car enfin, qui a encore peur de lEglise catholique aujourdhui ? Qui croit encore aux sermons - justifiés en leurs temps des libres penseurs ? «Ecrasons linfâme»
Mais quen reste-t-il ? Si menace religieuse il y a, elle ne vient certainement pas du presbytère voisin ! Bref, il faut considérer lensemble comme un témoignage, celui dune pensée «libre» qui joua un rôle déclaireur dans la société du XIXe, et qui possède encore, de manière un peu incongrue, ses thuriféraires, véritables fossiles à la manière de certains partis politiques extrêmes, de droite comme de gauche, figés dans une guerre oubliée.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 11/10/2005 ) Imprimer
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