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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Persécutions et sauvetages sous l'Occupation : le cas singulier du Tarn | | | Jacques Fijalkow collectif Vichy, les Juifs et les Justes - L'exemple du Tarn Privat 2003 / 25 € - 163.75 ffr. / 303 pages ISBN : 2-7089-0523-6 FORMAT : 16 x 24 cm
L'auteur du compte rendu : Éric Alary, agrégé dhistoire, docteur ès Lettres de lIEP de Paris (sa thèse sur la ligne de démarcation a été publiée en 2003 chez Perrin), est professeur en Lettres Supérieures et en Première Supérieure au lycée Camille Guérin de Poitiers. Imprimer
Cet ouvrage nest pas une monographie mais la publication des actes dun colloque tenu à Lacaune, en septembre 2001. Les contributions des historiens permettent de faire connaître plus précisément ce que furent les rapports entre la population locale et les Juifs, victimes des mesures dexclusion et de persécution du régime de Vichy et des nazis.
La solidarité des populations est décrite comme une résistance spécifique, «sans armes» pour reprendre un titre de Jacques Sémelin. Cest le thème central de louvrage collectif.
Aussi le Tarn, non occupé jusquau 11 novembre 1942, est-il un très bon observatoire des relations entre les Juifs et les non-Juifs sous loccupation. Le choix a été fait de mêler des communications tournées sur le Tarn avec des analyses plus globales effectuées par les spécialistes français de lhistoire de la Shoah, tels Rémy Cazals, Renée Poznanski, Annette Wieviorka, Serge Klarsfeld. La confrontation de lhistoire locale avec lhistoire à grande échelle est souvent heureuse, car le thème abordé est neuf dans la mesure où le cur du livre concerne les gestes dassistance et de clandestinité difficiles à mettre à jour pour des raisons évidentes liées à la rareté des sources en ce domaine. Linfiniment grand éclaire linfiniment petit et vice-versa.
Après une introduction problématique qui insiste sur la singularité du cas tarnais en ce qui concerne lhistoire du «refuge» et de lassistance, louvrage sarticule autour de cinq grands thèmes : Juifs et non-Juifs dans la mémoire savante et collective ; lantisémitisme et la persécution, étudiés dans le Tarn et replacés dans le contexte national avec la mise en lumière de recherches fort bien menées sur le camps de Brens, les assignations à résidence quasiment pas étudiées jusqualors-, et les rafles de Lacaune et de Montredon-Labessonnié ; une part importante est consacrée à la résistance et à lassistance juive dans le Tarn avec notamment lexemple des Eclaireurs israélites de France ; enfin, les deux derniers volets sont consacrés à lhistoire de plusieurs justes et de leurs actions courageuses pour sauver des familles juives, mais aussi à lapport des sources et des témoignages dans le Tarn.
Nous sommes alors en contact direct avec le quotidien de familles qui nont pas hésité à tout risquer même si, parfois, la méfiance à légard des Juifs assignés à résidence fut la première attitude. Dautres parties de louvrage multiplient les exemples de Tarnais qui tissent des réseaux dentraide assez denses. Un essai de sociologie religieuse sur les «Justes» français est même tenté. Le livre est ponctué par une très utile mise au point sur le contenu des cartons concernant lOccupation aux archives départementales du Tarn, peu exploitées par les historiens.
Les communications concernant lhistoire locale sont sans doute les plus neuves. Le camp de Brens a reçu près de 4900 personnes pendant la guerre ; les premiers sont les réfugiés belges qui fuient les combats de mai-juin 1940. Puis le camp devient un centre dhébergement pour les Juifs dorigine étrangère, réfugiés dans la région toulousaine, et ce sur les initiatives des autorités préfectorales et du comité juif de bienfaisance, semble-t-il abusé par Vichy. Devenu camp dinternement en décembre 1941, Brens enferme exclusivement des femmes venues dabord du camp de Rieucros (Lozère) trop exigu. Elles sont en majorité dorigine étrangère, puis à partir de lété 1943, les Françaises sont les plus nombreuses ; les Juives forment 10% de leffectif. Le 26 août 1942, lors de la grande rafle de la zone sud, 31 sont envoyées à Drancy, puis à Auschwitz.
En janvier 1942, le préfet régional de Toulouse fait de Lacaune un centre dassignation à résidence pour recevoir les Juifs jugés «indésirables» ; cest lune des mesures de larsenal antisémite de Vichy. Lenquête est précise sur les raisons qui ont motivé le choix de Lacaune. Le 26 août 1942, les GMR et les gendarmes raflent 90 assignés dont 22 enfants ; des scènes de séparation bouleversantes ont lieu. Ceux qui y échappent peuvent alors profiter de laide dune partie de la population locale organisée en réseaux.
Au total, le livre offre une palette fort riche de recherches locales et nationales, dont les essais comparatifs sont parfois bienvenus. On aurait aimé en quelques points des liaisons plus claires. Le cas du Tarn permet ainsi de mettre en lumière des aspects oubliés de lhistoire de la persécution antijuive et du sauvetage.
Eric Alary ( Mis en ligne le 12/09/2003 ) Imprimer
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