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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Les temples de la « Phynance »
Michel Margairaz   Olivier Feiertag    collectif   Politiques et pratiques des banques d'émission en Europe (XVIIème - XXème siècle) - Le bicentenaire de la Banque de France dans la perspective de l'identité monétaire européenne
Albin Michel - Bibliothèque Histoire 2003 /  35 € - 229.25 ffr. / 830 pages
ISBN : 2-226-13769-6
FORMAT : 15x23 cm

L'auteur du compte-rendu : Thomas Roman, diplômé de Sciences-Po Paris, titulaire d'un DEA d'Histoire à l'IEP, y poursuit sa recherche en doctorat, sur les rapports entre jeunesse et nationalisme en France à la "Belle Epoque".
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Parce qu’elles sont intrinsèquement liées à la monnaie, elle-même objet à forte teneur symbolique, les banques centrales alimentent une mythologie tenace, autant de fantasmes politiques n’ayant que peu à voir avec la réalité. C’est ainsi l’un des grands mérites de l’historiographie, et de cette branche encore discrète s’intéressant aux institutions et aux administrations, que de se pencher sur ces monstres bureaucratiques pour les présenter sous un jour plus clair et réaliste. C’est, de même, une entreprise courageuse de la part d’un éditeur comme Albin Michel, que de publier les résultats de recherches au premier abord austères.

Le présent ouvrage s’inscrit dans cette approche historiographique et éditoriale : il s’agit des actes d’un colloque important tenu à Paris en janvier 2000, à l’occasion du bicentenaire de la Banque de France, dans une approche résolument comparatiste et internationale. Dirigé par Michel Margairaz et Olivier Feiertag, responsables scientifiques de la Mission Historique de la Banque de France, il rassemble une trentaine d’articles par des historiens européens.

Le projet du colloque était ambitieux et pluriel : il s’agissait tout à la fois d’analyser les différentes genèses nationales de ces institutions, leurs convergences, leurs spécificités, d’étudier leurs interactions sur la scène internationale dont elles sont des acteurs-clés, leurs rôles nationaux, de comprendre enfin le temps long d’une histoire encore fraîche, celle de l’émergence d’une banque centrale européenne (pensons par exemple à l’Union latine autour de la France à la fin du XIXe siècle, étudiée par Luca Einaudi).

Les fonctions d’une banque centrale sont en effet multiples : l’émission d’une monnaie, le financement de l’économie, celui de l’Etat, la tutelle du système bancaire et son refinancement éventuel, le contrôle du crédit, celui du change, la réserve de liquidités internationales, sont autant de rôles progressivement accumulés et parfois contradictoires. Car comme la monnaie a ses deux faces, une banque centrale joue sur deux tableaux concurrents, la plaçant éventuellement devant le dilemme du «nationalisme monétaire» et de la «stabilité internationale» (l’expression est de Hayek).

Pour rendre compte de cette histoire, l’ouvrage suit une progression chronologique en six parties : la première se consacre à la genèse des banques d’émission européennes, les deux suivantes abordent le XIXe siècle et l’avant-guerre. La quatrième se penche sur l’entre-deux-guerres et les deux dernières sur l’après 1945 et la marche progressive vers le Système Monétaire Européen. Une connaissance des mécanismes économiques et monétaires, et de l’histoire économique, est indispensable pour une lecture rentable de l’ouvrage : l’approche, si elle se refuse tout «économicisme», demeure nécessairement économique. De nombreux tableaux, diagrammes et graphiques illustrent d’ailleurs le texte.

Néanmoins, l’approche institutionnelle et politique multiplie les points de vue. Les collaborateurs s’attachent en particulier à expliciter la notion de gouvernance, les rôles joués par les gouverneurs, soulignant ainsi soit l’importance d’une personnalité, soit la prégnance de contextes sociologiques nationaux : ainsi, sans ici non plus tomber dans un «sociologisme» de mauvais aloi, les auteurs remarquent l’importance des banquiers à Londres, des hauts fonctionnaires à Paris (sortis de l’Ecole Libre des Sciences Politiques), des industriels en Suisse (voir la contribution de Sébastien Guex).

S’il ne faut ni minimiser ni exagérer les pouvoirs occultes d’une banque centrale, le rôle d’un gouverneur et la dimension politique de son mandat ne doivent pas être ignorés. Régine Vignat donne à ce sujet un article éclairant et stimulant sur la dimension hautement politique du gouvernement Pallain avant 1914. Chiffres et sources à l’appui, elle explique, dans un article sans doute à discuter, la politique volontariste de Pallain, et du gouverneur Magnin avant lui, pour constituer un véritable «trésor de guerre» par accumulation d’or. Bénéficiant d’une situation favorable du change et menant une politique active d’achat de lingots, la Banque de France donne au pays le plus important stock d’or par habitant au monde. Il s’agit, marqué par le traumatisme de défaite de 1870, de préparer la guerre…

Olivier Dard consacre un article tout aussi intéressant sur les ressorts de la mythologie drapant l’institution dans les années trente. La banque des banques est accusée de gaspillage, d’opacité, d’abus de pouvoir et d’un fonctionnement oligarchique, pensons à La Banque de France aux mains des deux cents familles de Francis Delaisi (1936). Joseph Faure parle quant à lui de «temple de la Phynance». Sans doute révélateur d’un contexte de crise, mais aussi de la montée de la technocratie dès cette époque, ce discours répulsif est estimé par l’historien, confronté aux faits et nuancé par le discours inverse, tenu à la même époque par les milieux financiers, les chambres de commerce et quelques forces politiques.

Il faut donc saluer l’édition d’une telle somme de travaux, tout en avertissant qu’elle s’adresse à un public forcément restreint. La dimension internationale est un des grands atouts de ce colloque : la Suède, La Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne, la Grèce et la Suisse font l’objet d’articles, sans compter les nombreuses contributions comparatistes ou à dimension européenne. Le tout forme un ensemble complet et didactique, où abondent les aides visuelles, avec des introductions synthétiques présentant clairement les enjeux et les problématiques.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 02/09/2003 )
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