L'actualité du livre Vendredi 29 mars 2024
  
 
     
Le Livre
Histoire & Sciences sociales  ->  
Biographie
Science Politique
Sociologie / Economie
Historiographie
Témoignages et Sources Historiques
Géopolitique
Antiquité & préhistoire
Moyen-Age
Période Moderne
Période Contemporaine
Temps Présent
Histoire Générale
Poches
Dossiers thématiques
Entretiens
Portraits

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 
Dossier : Paroles de poilus
Les Poilus
Lettres d'un fils 1914-1918
L'Occupation allemande de Noyon. 1914-1917
Carnets d'un poilu girondin
Chronique de la Grande Guerre à Riquewihr
Un évêque aux armées en 1916-1918
La Guerre de mon père
Mémoire de papier
Frères de tranchées
Ultimes sentinelles
Les Années sanglantes 1914-1918
La Peur
Ecrit du front
Ceux de 14
Journal d’un poilu
Mon Papa en guerre
Croquis et dessins de combattants. Des hommes dans la guerre
Ennemis fraternels 1914-1915
La Guerre censurée
Si je reviens comme je l'espère
14-18, le cri d'une génération
Musicien-brancardier...
Histoire d'un Poilu
Petite chronique d'une grande guerre
Je t'écris de la tranchée
Les Carnets de l'aspirant Laby,
Le Procès des témoins de la grande guerre
5ème de campagne
1914-1918
Le Feu

Pas drôle le mardi gras ici
Roland Dorgelès   Je t'écris de la tranchée - Correspondance de guerre 1914-1917
Albin Michel 2003 /  20 € - 131 ffr. / 343 pages
ISBN : 2-226-14187-1
FORMAT : 15x23 cm

Présenté par Micheline Dupray et Frédéric Rousseau.

L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II.

Imprimer

L’auteur des Croix de bois ne s’était pas révélé tout entier dans son roman culte, comme le montre la publication scientifique de sa correspondance de la guerre 1914-1918. Introduite et annotée par Micheline Dupray (auteur en 2000 d’une biographie de l’écrivain, également parue chez Albin Michel) et par Frédéric Rousseau (maître de conférences à l’université Montpellier III, spécialiste de l’histoire des combattants de la guerre de 1914-1918 et exégète des témoignages qu’ils ont laissés), cette correspondance révèle surtout un Dorgelès amoureux. L’élue de son cœur, Madeleine Borgeaud, dite «Mado» (qu’il appelle aussi sa «grande» ou «Bibi»), ne peut cependant prétendre à l’exclusivité de son amour puisqu’elle doit le partager avec une maîtresse plus exigeante encore : la France. Deux fois réformé, Dorgelès s’engage en août 1914, délaissant ainsi Mado, qui finira par le quitter en 1917, tout en continuant à lui porter une grande affection. La seconde destinataire de ces lettres n’est autre que la mère de l’écrivain.

Cette correspondance – dont seul un versant a été conservé (les lettres des deux femmes ont disparu), ce qui représente tout de même 270 lettres et cartes – nous dépeint la rude vie du poilu dans la tranchée, le choc ressenti par l’une des figures de la bohème parisienne au contact des réalités du front, mais – ce qui est beaucoup plus rare – elle nous révèle également sa détresse morale. Peu à peu délaissé par celle qu’il aime, le combattant souffre. «Pas drôle le mardi gras ici», écrit-il le 16 février 1915, sans se douter qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, Mado danse à en casser le talon de sa chaussure et flirte avec quelque «embusqué». Cette journée comptera beaucoup dans leur rupture. Seules quelques rares études et bien sûr Le Diable au corps ont avant cet ouvrage évoqué ces soupçons, cette distance entre l’existence de l’arrière et le front, entre les femmes restées dans le monde familier et les hommes passés dans un autre univers. Cette vaste occasion qu’est la guerre fait beaucoup de larrons et de «larrones». Les ruptures de fiançailles, les divorces sont légions après 1918. Le conflit a changé les rapports entre les sexes. Par là, l’étude de cette correspondance s’inscrit pleinement dans la tendance actuelle de «l’histoire des genres».

De dépit, Dorgelès se réfugie plus que jamais dans l’écriture – et en ce sens nous pouvons remercier Mado ! L’amour que lui portent sa mère et sa sœur, Line (qui n’hésite pas à venir le voir au front, contrairement à sa «grande») lui permet de surmonter sa douleur. A ce propos, F. Rousseau se livre à juste titre à un développement sur la triste condition des parents au cours de cette guerre de cinquante-deux mois. Jamais dans l’histoire de l’humanité autant de pères et de mères n’auront enterré leurs enfants (le plus souvent d’ailleurs sans être présents aux funérailles, quand il y en eut).

Cette blessure infligée par sa maîtresse, plus grave peut-être que toutes celles provoquées par les balles ou les obus, Dorgelès la gardera enfouie au plus profond de lui-même. Ravivée par le suicide de Madeleine en 1933, elle le faisait encore souffrir en 1972, lorsque, âgé de 87 ans, il évoqua cette passion singulière à la télévision. De son côté, «Bibi» ne se débarrassa jamais des lettres de son ancien amant, ce qui a permis cette publication particulièrement émouvante. Combien d’autres poilus, qui n’ont pas eu le talent d’un Dorgelès, auraient-ils pu nous raconter de semblables tortures intérieures ?


Jean-Noël Grandhomme
( Mis en ligne le 28/01/2004 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • Si je reviens comme je l'espère
       de Marthe, Joseph, Lucien, Marcel Papillon
  • Histoire d'un Poilu
       de Charles-Henri Poizot
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd