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Aux origines d’un mythe américain
Philippe Jacquin   Daniel Royot   Go West ! - Une histoire de l'Ouest américain d'hier à aujourd'hui
Flammarion - Champs 2004 /  8.20 € - 53.71 ffr. / 368 pages
ISBN : 2-08-080091-4
FORMAT : 11x18 cm

L'auteur du compte rendu: Gilles Ferragu est maître de conférences à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
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Qu’on ne se méprenne pas : cet ouvrage n’est pas une histoire des Etats-Unis (et en l’occurrence, de la côte ouest des Etats-Unis et des pères fondateurs) ; il ressemble plutôt à une histoire du mythe américain (depuis les cités d’or jusqu’à Hollywood), l’histoire d’un espace aux significations multiples, un espace physique (constitué de 18 Etats), mais aussi mental, culturel, doté d’un imaginaire propre. En envisageant par ce biais une histoire du continent nord américain, Philippe Jacquin (décédé en 2002), professeur d’anthropologie à l’université Lyon II, et Daniel Royot, professeur de littérature et de civilisation américaines à la Sorbonne, livrent une recherche riche, ébouriffante, qui donne l’impression de voir naître le nouveau monde.

L’ouvrage commence par l’Ouest d’avant les Européens, un Ouest fort peuplé dès la préhistoire, avec l’amorce de civilisations antiques (Anasazi, Hohokam…) que l’archéologie américaine ne découvrira, par hasard, qu’en 1848. C'est à l’époque une terre indienne, où les tribus diverses – des chasseurs nomades, des agriculteurs, des pêcheurs – prospèrent sur des territoires propres et relativement délimités. Les premières voies de communication commencent à s’inscrire dans le paysage : l’Ouest est une terre à parcourir. Mais l’arrivée des conquistadors par le sud, puis des Français, des Anglais et des Russes, change la donne : pour les Européens, c'est un territoire à prendre, mais qui n'est pas si riche qu’on l’espérait (le mythe des cités d’or, des mines d’argent et des grandes villes indiennes s’effondre). Il recèle néanmoins quelques possibilités. C’est déjà une terre de bisons : «du bétail et du ciel», disent les premiers récits de conquistadors. Une zone de commerce (avec l’introduction du cheval, des armes à feu…), de trappe. C’est aussi une terre à évangéliser, où les Franciscains vont rapidement se tailler un empire (en s’assurant notamment d’une sorte de monopole de l’élevage) dans un territoire vaste, difficile à peupler (le roi d’Espagne s’y cassera les dents). Mais la conquête se fait déjà de diverses manières : explorateurs espagnols plus ou moins intéressés, coureurs des bois venus du Nord français, marchands russes passés par l’Alaska. L’Ouest est de moins en moins indien et les Anglo-saxons écartent bientôt les autres concurrents européens. Place à l’épopée…

Comme les auteurs les soulignent, la conquête de l’Ouest, le Far West est la version américaine de l’Iliade et de l’Odyssée. C’est donc aux origines d’un mythe américain qu'ils reviennent, un mythe élaboré par le cinéma (le western, un cinéma de propagande) et la littérature, un mythe dont on mesure de plus en plus les aspects cachés, quasi génocidaires. On rappellera par exemple la phrase significative du Colonel Pratt «Il faut tuer l’Indien pour sauver l’homme» et quelques massacres édifiants, comme Wounded knee. L’Ouest américain suppose la disparition des Indiens. La notion même de propriété du sol est asservie au projet colonial américain. L’ouest indien disparaît dans la violence, en attendant les polémiques de la fin du XXe siècle concernant les «premiers américains» et la «guerre des os», entamée en 2001. La reconquête passe par les casinos.

L’Ouest est également une immense terre de passage, mythique terre d’accueil où la richesse est possible : l’Eldorado existe. Depuis les chercheurs d’or du début du siècle jusqu’aux chicanos (5 millions de clandestins notamment selon Samuel Huntington…) risquant tout pour le rêve américain, la «grande lueur» de l’Ouest concurrence celle de l’Est. Quelques figures s’en dégagent, comme le cow-boy (une invention espagnole, adaptée par les anglo-saxons), le mormon, le beatnik ou le yuppie de la Silicon valley, nouvel eldorado. Au hasard de cette épopée qui commence avec la conquête de l’Ouest, passe par la ruée vers l’or, le pétrole («l’oildorado» !), la Grande crise, la mode hippie, on croise quelques figures connues (Steinbeck, Kerouac, Buffalo Bill, John Wayne, Reagan, Bush…), quelques événements (la fondation de Las Vegas, la «Rome des temps modernes», et celle de Salt Lake City, la Rome des derniers saints ?). L’Est de l’Eden ? Les désillusions y fourmillent comme dans un roman de Steinbeck.

A la lecture d’une étude foisonnante qui embrasse – de manière chronologique – plus d’une vingtaine de siècles d’histoire, on songe à la monumentale thèse de Fernand Braudel sur la Méditerranée, tant la démarche paraît identique, et le plaisir de lecture comparable. Les auteurs témoignent du reste d’une impressionnante connaissance des sources (notamment archéologiques) et des chroniques et récits de voyageurs, ainsi que des débats spécifiques au monde actuel (notamment ceux concernant les Indiens et leurs revendications historiques).

Le lecteur pourrait craindre de se perdre dans ces siècles d’histoire et ce continent : mais loin d’errer, on explore en fait un paysage connu (mal, par stéréotypes et par intermittences) que D. Royot et P. Jacquin recomposent avec talent. Une magnifique démonstration d’histoire «totale».


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 26/10/2004 )
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