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Ces choix éblouissants...
Albrecht Betz   Stefan Martens   Les Intellectuels et l'Occupation, 1940-1944 - Collaborer, partir, résister
Autrement - Mémoires 2004 /  19.95 € - 130.67 ffr. / 342 pages
ISBN : 2-7467-0540-0
FORMAT : 15x24 cm
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Comme l’annoncent d’emblée les auteurs de cet ouvrage collectif, la collaboration des intellectuels pendant l’occupation est un sujet sensible sur lequel les historiens se sont peu penchés jusqu’à présent, craignant sans doute de manquer d’objectivité historique devant ces personnages illustres et cette époques mythifiée. Il convient donc de saluer l’ambition de ces quinze historiens venus de toute l’Europe pour traiter ce sujet, délicat certes, mais ô combien passionnant.

Sur le plan de la méthode, l’ouvrage multiplie les portraits individuels (Abetz, Céline, Sartre…) pour tenter d’en dégager une analyse plus générale sur l’Intellectuel. Cette seconde partie est d’ailleurs moins accessible au lecteur non historien dont il est à craindre que l’attention ne faiblisse devant l’accumulation des chiffres et des statistiques destinés à dresser le portrait robot de l’intellectuel collaborateur. Pourtant, cette plongée dans l’univers des maisons d’édition françaises est riche d’enseignements et permet de renverser de nombreuses idées reçues. Ainsi, les auteurs démontrent de manière convaincante que le collaborateur type, loin d’être le raté décrit pas Sartre dans Qu’est-ce qu’un collaborateur ? est souvent un homme de lettre professionnalisé et socialisé dans les instances représentatives du métier.

Néanmoins, l’intérêt principal de cet ouvrage réside incontestablement dans ses portraits d’intellectuels, modèles de finesse et de nuance. Il est ainsi fascinant de suivre la gestation de l’œuvre de Céline d’abord perçu comme un Zola moderne, célébré par la gauche française qui partageait son horreur de la guerre et sa peinture du désespoir, avant que ses pamphlets d’une violence inouïe contre les juifs n’en fasse un des auteurs favoris du IIIe Reich, dont les services de la propagande allaient traduire massivement les ouvrages pour les diffuser dans toute l’Europe occupée. De même, le portrait, tout en réserves, de l’attitude de Sartre pendant l’occupation est loin du manichéisme habituel des «gardiens du temple». En effet, si Ingrid Galster considère Les Mouches comme pièce résistante (résistance d’ailleurs moins dirigée contre les occupants que contre l’idéologie vichyste), elle regrette les petites compromissions de Sartre, acceptant d’être joué dans un théâtre rebaptisé pour des raisons raciales ou acceptant de remplacer un professeur exclu par les lois antijuives. Compromissions qu’il ne s’agit pas de blâmer (qu’aurions nous fait ?) mais qui déçoivent de la part du théoricien de l’engagement.

Enfin, cet ouvrage, non content de dresser un portait définitif des grands intellectuels français pendant l’occupation, aborde également des terres plus lointaines en soulignant un curieux paradoxe : pourquoi les écrivains français exilés à Londres ou New York, qui avaient eu l’intelligence historique de fuir la tutelle nazie, eurent-ils aussi peu de poids dans le débat de l’après guerre ? La réponse apportée par Emmanuelle Loyer est à cet égard assez convaincante. Selon elle, l’exil est, dans la tradition politique républicaine française, une catégorie dévalorisée (exception faite de V. Hugo) perçue comme révélatrice d’impuissance et de vanité, et les écrivains exilés ont intériorisé cette idée dans une profonde culpabilité (Cf. Simone Weil) qui les rejetait dans une posture de modestie littéraire. Par ailleurs, ces auteurs, antigaullistes pour la plupart, ne trouvaient pas leur place dans la reconstruction mémorielle de l’après guerre répartissant la résistance entre Gaullisme et résistance communiste de l’intérieur.

En résumé, un ouvrage passionnant auquel sa pluralité d’auteurs donne un aspect encyclopédique, parfois déroutant mais dont la richesse est incontestable.


Olivier Agnus
( Mis en ligne le 23/03/2005 )
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