Jean Tulard - Murat - Fouché - Joseph Fiévée Fayard - Les Indispensables de l'Histoire 2005 / 20 € - 131 ffr. / 929 pages ISBN : 2-213-62714-2 FORMAT : 14,0cm x 20,0cm
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L'auteur du compte rendu : Agrégé dhistoire et titulaire dun DESS détudes stratégiques (Paris XIII), Antoine Picardat est professeur en lycée et maître de conférences à lInstitut dEtudes Politiques de Paris. Ancien chargé de cours à lInstitut catholique de Paris, à luniversité de Marne la Vallée et ATER en histoire à lIEP de Lille, il a également été analyste de politique internationale au ministère de la Défense. Imprimer
Un sabreur arrogant et sans cervelle, un prêtre défroqué, régicide puis premier «Premier flic de France», un pamphlétaire royaliste, antibonapartiste et correspondant écouté dudit Bonaparte puis membre du Conseil dÉtat et préfet. Trois acteurs, trois illustrations du formidable bouleversement social et de lextraordinaire recomposition politique et administrative que connurent la France et lEurope pendant la Révolution et lEmpire. Ces trois personnages sont Murat, Fouché et Joseph Fiévée. Les deux premiers sont assez connus, le troisième lest beaucoup moins.
Figures dempire permet de les découvrir, à travers trois biographies par Jean Tulard dans la collection «Les indispensables de lhistoire», dans laquelle Fayard réédite, «à prix dami», quelques-unes de ses anciennes publications. À raison de deux ou trois titres par volume, la formule est intéressante : lamateur patient ou le curieux, par laubaine alléchés, peuvent ainsi découvrir certains classiques, dun catalogue fort riche. Les six volumes parus jusquà maintenant font la part belle à la biographie avec 10 des 14 titres ainsi réédités. Pas étonnant : Fayard na pas attendu que le genre soit remis à la mode et à lhonneur, pour être un actif éditeur de biographies.
Avec Murat, on sent le souffle de lépopée, la caresse de la gloire, le tumulte des batailles. Incomparable chef de cavalerie, remarquable entraîneur dhommes, Murat est le type même de lopportuniste au tumultueux destin daventurier, bien dans le style de lépoque. La fortune le mit sur la route de Bonaparte dès la campagne dItalie de 1796. Il comprit vite où était son intérêt et lia son destin à cet homme dexception. Napoléon le prit comme beau-frère, le fit maréchal dEmpire, grand-duc de Berg et de Clèves puis un roi de Naples qui sattacha sincèrement à son royaume. À la tête de la cavalerie, il participa aux grandes campagnes : lÉgypte, Marengo, Ulm, Austerlitz, Iéna, Eylau, la Moskova, Dresde, Leipzig. En 1808 à Madrid, il fit face au soulèvement du Dos de Mayo et commanda la répression du Tres et des jours suivants.
Si sa bravoure au feu, en un temps où cette vertu était plutôt répandue, était remarquable, son intelligence et son sens politique létaient moins. Comme beaucoup de ses pairs militaires, il pouvait être un bon exécutant des ordres de son maître, mais chaque fois quil fit preuve dinitiative dans la conduite des opérations, le résultat fut mauvais. En politique, ce fut pire encore ! Simple fondé de pouvoirs dans lesprit de Napoléon, il se crut capable de gouverner et de mener sa propre politique. Comme beaucoup, traître en 1814, comme certains, rallié en 1815, il mourut fusillé par les Bourbon de Naples, après avoir, peut-être, été lun des premiers à rêver à lunité italienne.
Grâce à Chateaubriand, Fouché restera à jamais «le crime», celui dont «les mains firent tomber la tête de Louis XVI». Il fut cela, et tant dautres choses ! Reprenons : oratorien, régicide, terroriste, ambassadeur, ministre de la police du Directoire, comploteur de Brumaire, ministre de la police du Consulat et de lEmpire, traître, disgracié puis rappelé, rival de Talleyrand, artisan de la deuxième restauration, paria mort en exil. Quelle vie ! Même pour une époque riche en destins hors du commun et en itinéraires tortueux, celui de Fouché est remarquable. Pas étonnant quil ait fasciné autant les écrivains, pensons à Stefan Sweig, que les historiens.
Avec lui, Jean Tulard explore le côté obscur de lépoque napoléonienne. Une atmosphère de perpétuels complots, de lutte de clans, de guerre des polices : un monde où toutes les places sont à prendre, où chacun semble maître de son destin, sil sait saisir sa chance avec vigueur, choisir le bon camp et piétiner ses rivaux. Dans cette lutte acharnée, Fouché se mêle de tout, sait tout, tient les uns, vend son soutien aux autres. Mais il sait aussi se montrer un homme dÉtat lucide, qui comprend assez tôt que Napoléon fonce vers labîme, ou un homme daction prenant les mesures nécessaires pour repousser le débarquement anglais à Walcheren en 1809.
Le moins connu des trois est aussi celui dont la biographie est la plus courte : 180 pages pour Joseph Fiévée, contre environ 350 pour Murat et Fouché. Quimporte, le personnage est également bien intéressant. Cet écrivain anti-révolutionnaire et partisan de laristocratie, fut à la fois un témoin et un acteur de son temps. Il a excellé à dérouter les autres, et fut souvent une chose et son contraire à la fois. Marié et homosexuel, antibonapartiste et conseiller secret de Napoléon, préfet et partisan de la décentralisation, ultra et emprisonné pour libéralisme sous la Restauration ! Fiévée est sans doute moins représentatif de lépoque que ses deux compagnons de volume. Il sagit plus dun destin individuel, très atypique. Ses réflexions politiques sous lempire sont dune remarquable intelligence et apportent un superbe éclairage sur la période.
Antoine Picardat ( Mis en ligne le 04/12/2005 ) Imprimer
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