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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Mérites et limites du concept de culture de guerre
Jean-Jacques Becker    Collectif   Histoire culturelle de la Grande Guerre
Armand Colin 2005 /  24 € - 157.2 ffr. / 270 pages
ISBN : 2-200-26995-1
FORMAT : 16,0cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu : Peggy Bette est doctorante en histoire contemporaine à l’Université Lumière-Lyon 2.
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Cet ouvrage réunit les actes d’un colloque organisé en juillet 2002 par l’Historial de la Grande Guerre de Péronne à l’occasion de son dixième anniversaire. En 1992, les responsables du centre de recherche de l’Historial souhaitaient donner un souffle nouveau aux travaux consacrés à la Première Guerre mondiale. A leurs yeux, ce renouvellement passait par l’étude pluridisciplinaire et internationale de la dimension culturelle du conflit. Il s’agissait d’étudier «la culture de guerre» des sociétés belligérantes, c’est-à-dire leurs représentations et univers mentaux, pour mieux prendre en compte les mécanismes culturels et psychologiques du conflit.

Ces ambitions historiographiques énoncées lors du colloque inaugural de 1992 (dont les actes sont publiés sous le titre Guerre et Cultures : 1914-1918, Armand Colin, 1994) trouvent un écho dans le colloque-anniversaire de juillet 2002 dont il est question ici. Ce dernier s’est attaché en effet à tirer un bilan d’une décennie de recherches impulsées par l’Historial et s’est posé comme la vitrine des potentialités qu’offre encore cette approche culturelle du conflit.

Trois parties structurent l’ouvrage. La première est un retour aux origines de l’histoire de la Grande Guerre depuis le conflit lui-même jusqu’aux années 1960. Principalement historiographique, cette partie cherche à définir le cadre conceptuel dans lequel cette histoire s’est élaborée, et à analyser, de ce fait, la manière dont ses concepteurs pensaient la guerre. Par ailleurs, transparaît en filigrane des différentes interventions la volonté de souligner les premiers pas d’une histoire culturelle de la Grande Guerre. Les contributions de John Horn, de Jean-Jacques Becker et de David Stevenson notamment pourraient, à certains égards, être considérées comme des hommages aux pionniers de l’histoire culturelle que sont Marc Bloch, Henri Pirenne et Fernand Van Langenhove, Elie Halévy ou Fritz Fisher. Les premiers ont fourni les interprétations pionnières sur les passions collectives ; le suivant avait déjà perçu la nécessité de faire l’étude des opinions publiques pour comprendre la guerre ; le dernier a provoqué un tournant historiographique essentiel en démontrant que la guerre trouve son origine autant au niveau diplomatique qu’au cœur des sociétés et de la politique intérieure des Etats.

La deuxième partie présente la manière dont les sociétés belligérantes ont imaginé la guerre à partir de plusieurs exemples particuliers. Léonard Smith analyse le travail de sélection et de conception de la ‘vraie’ expérience combattante définie par Norton Cru ; Annette Becker étudie les modes d’expression de la guerre et de la perte de Dieu de certains artistes de l’époque ; Carine Trévisan décrypte le trauma des descendants des combattants dans les récits contemporains ; Etienne Fouilloux évalue l’impact de la guerre sur les convictions religieuses ; enfin, Suzanne Brandt s’attache à présenter l’évolution de la muséographie allemande consacrée à la Première Guerre mondiale des années 1920 aux années 1990. Une question similaire traverse l’ensemble de contributions : comment dire la guerre, exprimer ses horreurs, transmettre son expérience du combat, du deuil, de la désillusion ? Cette deuxième partie, en exposant un panorama rapide des recherches entreprises depuis dix ans, se pose comme une démonstration pratique de la validité du concept de «culture de guerre».

La troisième partie, quant à elle, est tournée résolument vers l’avenir. Des spécialistes d’archéologie, de psychiatrie, de droit de sciences, des femmes ou encore de diplomatie montrent dans quelle mesure l’approche culturaliste a nourri et peut encore enrichir leur champ de recherche. On y trouve des bilans historiographiques synthétiques et bien menés, notamment celui de Laura Lee Dows à propos de l’histoire des femmes en guerre. On y découvre également des pistes de recherche stimulantes, telle que celle de Gerd Krumeich (pour une histoire culturelle de la décision).

Mais ce sont surtout les problèmes épistémologiques et méthodologiques soulevés au cours de ce colloque, et exposés majoritairement dans la troisième partie, qui représentent le plus grand intérêt de l’ouvrage. L’étude de la culture de guerre peut-elle être l’objet d’élargissements sans limites ? Est-elle la panacée pour tout domaine historique en mal de renouveau ? Si pour l’histoire militaire, de la diplomatie et des sciences en quête de renouvellement historiographique, la «culture de guerre» est un concept encore attractif, pour d’autres domaines historiques comme celui de l’histoire des femmes qui a amorcé son tournant culturel depuis plus de vingt ans avec l’émergence du concept de gender, elle a dévoilé ses limites. Son usage excessif peut aboutir à des réflexions historiques déconnectées des faits ; la dimension anthropologique qu’elle suppose provoque parfois des interprétations a-temporelles de certaines phénomènes. Laura Lee Dows, Stéphane Audoin-Rouzeau et Christophe Prochasson proposent quelques solutions. Laura Lee Dows invite à observer les interactions entre les représentations et les actes. Pour Stéphane Audoin-Rouzeau, le recours à l’approche micro-historique, qui donne la primeur de l’individu sur les normes, pourrait subvertir le concept de culture de guerre et donc lui donner un second souffle. Quant à Christophe Prochasson, il considère que l’approche culturaliste de la guerre gardera sa validité à la condition qu’elle s’astreigne à constamment historiciser les faits culturels analysés et qu’elle ne se fasse pas absorber par sa dimension anthropologique.


Peggy Bette
( Mis en ligne le 27/06/2006 )
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