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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Goulven Boudic Esprit : 1944-1982 - Les métamorphoses d'une revue Editions de l'IMEC 2005 / 35 € - 229.25 ffr. / 462 pages ISBN : 2-908295-77-6 FORMAT : 17,0cm x 23,5cm
L'auteur du compte rendu : Raphaël Muller, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est allocataire-moniteur en histoire contemporaine à l'université de Paris I. Imprimer
La revue Esprit avait déjà rencontré son historien. Elle en a maintenant un second. En 1996, Michel Winock avait consacré un ouvrage aux vingt premières années de la revue (Esprit, des intellectuels dans la cité, 1930-1950, Seuil). Létude de Goulven Boudic, qui constitue en quelque sorte la suite de louvrage de M. Winock, porte sur la période de laprès-guerre, de 1944 à 1982. Elle est issue dune thèse de doctorat en science politique soutenue en 2000 à lUniversité de Rennes sous la direction du professeur Jean Baudoin.
Le travail de Goulven Boudic se caractérise tout dabord par son sérieux et sa rigueur. Optant pour une démarche chronologique qui se justifie pleinement dans la mesure où lhistoire de la revue dans laprès-guerre est loin dêtre linéaire, lauteur a dépouillé un nombre très important de documents darchives, conservés pour la plupart à lIMEC (Institut Mémoire de lEdition Contemporaine), mais aussi en Suisse, ou encore au sein du fonds Jean-Marie Domenach à Châtenay-Malabry en banlieue parisienne. Plusieurs des documents consultés sont dailleurs reproduits en annexe du volume, qui bénéficie dune présentation très soignée. Nombre de photos viennent dailleurs enrichir le texte et permettent de mettre un visage sur les noms des personnalités évoquées.
Lauteur a clairement opté pour une histoire institutionnelle de la revue. De ce point de vue, les débats qui suivent la fin de la Seconde Guerre mondiale, en particulier après la disparition précoce du fondateur Emmanuel Mounier en 1950 et qui portent notamment sur le positionnement de la revue et lattitude à adopter face à lexpérience communiste, sont lobjet danalyses extrêmement détaillées. Les positions des uns et des autres, les appels récurrents à laction et à lengagement, sont exposés avec précision, de même que les confrontations et les tentatives pour dépasser les tensions à luvre au sein de la revue ou du mouvement Esprit. Les grandes figures de la revue, quil sagisse de Jean-Marie Domenach qui la dirige de 1957 à 1976, de Michel Rocard ou de Jacques Delors qui en sont proches, font l'objet de portraits précis. Au total, cest limage dune revue qui a accompagné tous les débats intellectuels et politiques des Trente Glorieuses et qui a su faire preuve de pragmatisme pour évoluer qui se dégage de cet ouvrage très dense, même si les protestations en faveur de laction, qui ne sont que rarement suivies deffet, laissent un peu perplexe.
Mais en choisissant de débrouiller la complexe histoire institutionnelle dEsprit, lauteur en oublie parfois de prendre du recul et dexposer clairement les grandes options intellectuelles ou philosophiques qui travaillent les groupes qui gravitent autour de la revue. Ainsi, Goulven Boudic ne propose pas de définition liminaire du personnalisme, qui fait pourtant loriginalité fondatrice du groupement. Cest regrettable car face à la diversité des points de vue qui saffrontent dans laprès-guerre, notamment sur lattitude à adopter face au communisme, il est tentant de considérer que le personnalisme nest quun de ces mots-valises chers à Francis Ponge qui permet de rassembler sous une même étiquette des individus ou des positions hétérogènes. Il aurait été souhaitable de savoir ce qui caractérise vraiment lesprit Esprit, ce qui rassemble les proches de la revue dans les années daprès guerre.
Par ce silence, lauteur renvoie implicitement le lecteur à louvrage de Michel Winock consacré à la première vie de la revue, dont la lecture constitue donc un préalable indispensable.
Raphaël Muller ( Mis en ligne le 28/04/2007 ) Imprimer | | |
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