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Histoire intellectuelle de l'entre-deux-guerres
François Chaubet   Histoire intellectuelle de l'entre-deux-guerres - Culture et politique
Nouveau monde 2006 /  11 € - 72.05 ffr. / 380 pages
ISBN : 2-84736-178-2
FORMAT : 12,5cm x 18,0cm

L'auteur du compte rendu : historienne des idées politiques, Anne-Marie Duranton-Crabol est une spécialiste de l'extrême droite française et chercheuse associée au Centre d'Histoire de Sciences-Po Paris.

François Chaubet collabore à Parutions.com.

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Le livre de François Chaubet vient combler une lacune. Si la période de l’entre-deux-guerres fait désormais l’objet d’études historiques nombreuses, le choix de l’histoire intellectuelle est plus original puisque la recherche se situe au carrefour où se rencontrent plusieurs approches de l’histoire. «Culture et politique», tel est en effet le sous-titre de ce livre qui brasse une matière très riche : à partir d’une réflexion autour des grands débats d’idées, de la création littéraire et artistique, de la politique culturelle, il déroule une vaste fresque qui, centrée sur le cas français, ne néglige pas les comparaisons avec d’autres pays d’Europe lorsqu’elles sont éclairantes. L’objectif est notamment de rompre avec la perspective téléologique qui conduit à analyser dans l’optique de la défaite de 1940 toute la période de l’entre-deux-guerres. L’auteur cherche donc à restituer la diversité et la vitalité de ces années et à mettre en valeur un «projet culturel d’inspiration libérale» trop souvent masqué par les courants de pensée que la défaite et ses suites exacerberont. Pour atteindre ce but, il fait preuve d’une érudition sans faille tout en développant une analyse nuancée qui prend au sérieux les objections possibles et s’efforce de les réduire au fur et à mesure.

De l’ouvrage, se dégagent trois champs d’investigation principaux, les idées, les institutions, les hommes. Les idées, ce sont avant tout les interrogations sur le thème «modernité et tradition». L’auteur s’attache à montrer comment, au sortir de la Première Guerre mondiale, persiste une pensée confiante dans la tradition héritée des Lumières, qui met l’accent sur la Raison, la science, l’humanisme, et vise à surmonter le scepticisme et la tentation de l’irrationnel engendrés par la guerre. Tel est l’effort de philosophes, de scientifiques, d’historiens, et également celui d’artistes plasticiens qui modernisent le classicisme en plaçant l’«intelligence constructive» au centre de leur production. Très soucieux d’accorder leur juste place aux penseurs et écrivains catholiques, François Chaubet consacre une étude bien étayée à leur rapprochement avec le monde moderne qui, par-delà l’élan mystique nécessairement éloigné de la Raison, n’empêche pas un penseur comme Jacques Maritain de reconnaître aussi la «grandeur liée à la dimension historique de l’humanité».

Lorsqu’il aborde la question des institutions, François Chaubet retrouve des milieux qui lui sont familiers puisque, ayant longtemps travaillé sur les Décades de Pontigny, il a conduit ensuite une recherche sur l’Alliance française. Mais, sans se cantonner aux instances qui relèvent de l’initiative privée, il s’attarde sur les politiques publiques et traite avec beaucoup d’efficacité de la diplomatie culturelle mise en œuvre après la Guerre, comme un moyen de pérenniser le rayonnement culturel de la France dans le monde : pilotée par le Quai d’Orsay, elle associe la création d’instituts culturels français à l’étranger avec l’organisation d’expositions ou de tournées de conférences et l’accueil d’étudiants venus d’autres pays. Naturellement, l’auteur observe aussi d’autres institutions, plus anciennes comme l’Université, mal à l’aise devant la nécessité de s’adapter, ou toute nouvelles comme le bourgeon culturel de la SDN, la Commission Internationale de la Coopération culturelle. Et il pose la question-clé des rapports entre les élites et la culture de masse qui ne peut en rester aux diatribes de Georges Duhamel contre le cinéma et devient centrale dans les préoccupations des intellectuels républicains au moment du Front populaire.

Plus qu’aux générations, une notion dont il traite de manière approfondie, François Chaubet s’intéresse aux individus et il excelle dans la reconstitution à la fois vive et complète de certains itinéraires intellectuels, tels ceux de Léon Brunschvicg, Jacques Maritain ou Jean-Richard Bloch et tant d’autres personnalités qu’il aborde avec autorité. On touche là un apport essentiel de ce livre : faire ressortir les tâtonnements des intellectuels face à la modernité sous ses diverses formes (progrès de la culture de masse, rapidité des découvertes scientifiques, affirmation des régimes autoritaires, bruit des armes), évoquer les formes variées que revêt l’engagement, mais aussi le non-engagement, souligner la réalité et la fragilité des ralliements à la République.

On peut émettre quelques réserves. Il est dommage que les notes, nombreuses et très éclairantes, souffrent par endroits d’une mauvaise présentation typographique qui ne permet pas de repérer commodément les titres de livres ou de revues. Sur un plan moins formel, certains choix de l’auteur prêtent à discussion. C’est ainsi que le souci légitime de réhabiliter le souvenir d’intellectuels oubliés, de montrer l’existence d’une voie moyenne entre les penseurs radicaux aux deux extrêmes de l’échiquier politique, donne un éclairage qui convient mieux aux années 1920 qu’à la décennie suivante au cours de laquelle les clivages se durciront fortement. On peut également regretter que la crise d’après-guerre, à laquelle il est souvent fait référence, ne soit pas clairement définie. Car, de l’affaire Dreyfus à la crise du modernisme, les interrogations sur la Raison, la démocratie, la place de l’individu dans la société étaient présentes, avant les incertitudes nées de la Grande guerre puis de la «crise de 1929» : on aimerait donc en savoir davantage sur les lignes de fracture et les continuités, telles que les conçoit l’auteur dans son optique d’histoire intellectuelle. Mais cela n’enlève rien au fait que cet ouvrage, sous un format de poche très maniable, constitue un guide à la fois dense et sûr.


Anne-Marie Duranton-Crabol
( Mis en ligne le 06/07/2007 )
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