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La Société française face au racisme
Claude Liauzu   La Société française face au racisme - De la Révolution à nos jours
Complexe 1999 /  18.32 € - 120 ffr. / 190 pages
ISBN : 2-87027-742-3
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C'est sous ce titre, dont la simplicité fait toute la force, que s'est ouverte au Musée de l'Homme à Paris en 1995 une exposition visant à briser tous les préjugés raciaux. En effet, toute "Patrie des Droits de l'Homme" que soit la France, le racisme y persiste. Qu'un parti politique raciste comme le Front National réalise des scores électoraux de l'ampleur que nous leur connaissons, dans une indifférence encore trop forte, a de quoi laisser songeur!

Ces faits ont amené Claude Liauzu, professeur à l'université Paris-VII, à s'interroger sur les composantes particulières du racisme à la française. La Société française face au racisme est le fruit de ses recherches et de sa réflexion.
En quelques chapitres couvrant les deux siècles nous séparant de la Révolution, l'auteur dresse un portrait peu glorieux du pays des Lumières. Coupée en deux en 1789, cette France-Janus, à la fois nostalgique de l'Ancien Régime et tête de proue des idéaux progressistes, a tissé notre histoire nationale. Celle-ci, étudiée dans la perspective du rapport à l'altérité, est des plus passionnantes.

L'auteur, conscient de cette ambivalence française, mène ainsi de front l'étude des racismes - le pluriel importe - et de ceux qui s'y opposèrent, révolutionnaires et réactionnaires, dreyfusards et antidreyfusards, collaborateurs et résistants, lepénistes et leurs nombreux adversaires.
Mais la réalité est plus subtile et ne rentre donc pas parfaitement dans ces rapports droite-gauche. Bien au contraire, l'un des fils rouges de l'historien est de montrer comment ce racisme se rencontre dans l'ensemble de la société française. Les principes de 89 ne sont ainsi pas hors de tout soupçon. Dans la lignée de Pierre Rosanvallon, Claude Liauzu explique que l'égalitarisme et l'universalisme français, principes dont la laïcité est l'aboutissement logique, ont des effets pervers. Ces idéaux humanistes, attachés au modèle assimilationniste
républicain, mais naturellement européo-centrés, sont en effet porteurs du refus de la différence sous toutes ses formes. Les Français, religieusement laïcistes si l'on peut dire, sont hostiles au port du voile, par exemple. L'auteur évoque de la sorte un déficit de démocratie multiculturelle en France, dans un monde pluriculturel, aux identités recomposées.
Le problème colonial fut aussi l'occasion souvent répétée d'échauffourées raciales, dont les avatars actuels sont les batailles juridiques autour de la définition de la nationalité et de la questions des sans-papiers. L'universalisme français, doublé de l'impérialisme de la fin du siècle dernier, porta notre pays à la tête d'un puissant empire colonial dont il fut bien difficile de se défaire.

L'époque de l'impérialisme colonial fut aussi celle de la montée du nationalisme, un nationalisme exclusif, passé de celui "ouvert" de gauche issu de la Révolution, à celui "fermé" de droite, raciste et antidreyfusard. Ce nationalisme s'est perpétué, depuis, jusqu'à nous et le FN qui en assume en partie l'héritage, via les ligues de l'entre-deux-guerres et l'épisode vichyssois, auquel l'auteur consacre un chapitre. Il esquisse d'ailleurs ici un regret : celui que le phénomène nationaliste ne soit pas autant traité par les historiens qu'il le mérite. Une critique injuste, tant le sujet bénéficie d'une historiographie importante : Raoul Girardet, Michel Winock, Pierre Milza et d'autres historiens français on traité dans de nombreux ouvrages de la question. En dehors de nos frontières, Eric Hobsbaum, Zeev Sternhell en on fait de même. L'auteur insiste d'ailleurs fortement sur la thèse largement contestée de ce dernier, concernant les origines françaises du fascisme européen des années trente.

Pour illustrer ce "racisme ordinaire" des Français depuis deux cents ans, Claude Liauzu a ainsi recours à une bibliographie impressionnante pour chacun de six chapitres de l'ouvrage. Les rapports entre science et racisme font l'objet de développements nombreux et fort intéressants. Le poids du darwinisme dans les représentations, les discours scientifiques qui ont pu légitimer les pensées racistes; ou les démonter comme le fit l'exposition parisienne - évoquée en introduction à cette note de lecture - tout cela est expliqué avec talent. L'auteur cite également la presse, la littérature (Vernes, Barrès, Hergé, Céline...etc) et les autres media nés de la modernité, comme reflets de l'évolution des mentalités. Une attention particulière est également portée à l'évolution de la législation concernant le rapport de la société française à l'Autre, de l'émancipation des juifs en 1791 à la loi Chevènement, en passant par l'abolition de l'esclavage en 1848... ou les lois antisémites de 1940.

La prégnance du racisme dans la société française de la fin de ce siècle est le fruit de cette histoire riche, faite de batailles, de conquêtes et de retours en arrière. La décolonisation, la prise de conscience de la présence de l'Islam dans une France en crise, spectatrice de la montée impressionnante de l'islamisme dans le monde arabe depuis la révolution iranienne, sont autant d'obstacles à l'acceptation hexagonale de la différence... La France doit donc apprendre encore, et par-delà ses multiples teintes régionales, qu'elle "se nomme diversité".


Thomas Roman
( Mis en ligne le 13/08/2001 )
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