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USA, mythes et réalités
André Kaspi   Les Etats-Unis d'aujourd'hui - Mal connus, mal compris, mal aimés
Perrin - Tempus 2004 /  8.50 € - 55.68 ffr. / 320 pages
ISBN : 2-262-02185-6
FORMAT : 11x18 cm

L’auteur du compte rendu : agrégée d’histoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié L’Histoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à l’historiographie (Flammarion, 2002).
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Universitaire (Paris I-Sorbonne), André Kaspi est l'un des grands spécialistes français d'histoire des États-Unis. Son ouvrage, Les Américains (Seuil, 1986) est devenu un classique.

Les Etats-unis d'aujourd'hui est la réédition en poche d'un texte paru en 1999, dont on regrette d’ailleurs qu’aucune mise à jour approfondie n’ait été faite à cette occasion alors que le 11 septembre 2001 a indiscutablement bouleversé les Etats-Unis. Certes un chapitre a été rajouté : (chapitre 7 : l'Amérique de Georges Bush), mais on aurait aimé voir repris ou prolongés certains aspects du texte.

Ces remarques faites, le livre mérite d'être lu. Il s'adresse à ce que l'on a coutume de nommer le grand public cultivé et peut également être fort utile aux étudiants en histoire, en géographie ou en civilisation anglo-saxonne. Excellent connaisseur des États-Unis, pays qu'il aime de façon critique, André Kaspi veut présenter les grands traits de la civilisation nord américaine aux Français, et souligne les paradoxes de l'information sur les États-Unis dans notre pays : surinformation mais aussi du coup désinformation, intérêt constant pour un pays que nous ressentons à la fois comme proche et comme lointain. Il y a une lecture française des États-Unis qui ne ressemble à aucune des autres lectures européennes.

Tout au long de ces 315 pages André Kaspi s'efforce, de façon claire, sans effet de style, de nous faire comprendre ce pays "grand, homogène et hétérogène en même temps, insaisissable lorsque l'on tente une synthèse […], composé de cinquante états, de trois mille comtés, d'innombrables villes, de milliers de communautés, de plus de deux cent soixante-dix millions d'individus. En un mot, la diversité ne semble pas la caractéristique fondamentale si l'on dépeint les États-Unis à six mille kilomètres de distance. Elle devient primordiale dès que l'on met le pied sur leur territoire, qu'on visite la Louisiane, New York, les États des Montagnes rocheuses, le Middle West." (pp.312-313).
À aucun moment André Kaspi n'assène des convictions, il fait constamment appel à l'intelligence de son lecteur en lui proposant une analyse fondée sur une perspective historique et culturelle, et en insistant sur les évolutions d'un pays jeune et dynamique.

L’ouvrage est divisé en sept chapitres qui présentent les grandes lignes de la société et de la politique (intérieure et extérieure) américaines. Le premier chapitre pose la question du paradoxe français sur les Etats-Unis, dit plus haut. À cette surinformation/désinformation, plusieurs raisons : on pourrait dire que trop d'information nuit à l'information, déplorer aussi le caractère ponctuel et rapide d'une information qui ne s'attarde pas et qui répond aux événements sans souci d'approfondissement. Il faut également tenir compte de cette vieille spécialité française : l'antiaméricanisme (voir sur ce sujet l'excellente étude de P. Roger, L'ennemi américain, Généalogie de l'antiaméricanisme français, Seuil, 2002 – hélas non cité dans la bibliographie). André Kaspi, à cette occasion, critique autant les pro américains forcenés que ceux qui font profession de critique systématique ; il demande une critique raisonnée fondée sur une analyse précise et argumentée des situations et des comportements.

Le second chapitre («Une nation d'immigrants») rappelle les grands traits de la démographie nord américaine et nous conduit à réfléchir sur l'évolution actuelle : fils de la mondialisation, les nouveaux immigrants américains sont de moins en moins fils et filles d'Europe. À terme, ceci aura sans aucun doute des conséquences sur les relations entre la "vieille Europe " et les "jeunes" États-Unis. André Kaspi donne sur ce point des précisions utiles en retraçant les grands traits de l'évolution législative nord américaine en matière d'immigration. Reste posée la persistante question noire : pourquoi 1/3 de la population noire demeure dans une effrayante pauvreté. Le chapitre incite aussi à réfléchir sur l'évolution de la société américaine du melting-pot à l'ethnicité et à relativiser les conclusions rapides que l'on pourrait tirer en France de l'évolution de notre société et du débat : communautarisme/universalisme. La lecture d'André Kaspi montre à quel point, quoique faisant partie du même bloc occidental, les deux sociétés sont différentes. On peut peut-être considérer que ses propos sur l'intégration actuelle des immigrants aux Etats Unis, en particulier grâce à l'apprentissage de l'anglais, sont optimistes.

La question politique est abordée dans le chapitre 3 («La démocratie à l'américaine»). Là aussi le raisonnement de l'historien est bienvenu pour rappeler les grands principes de la constitution américaine, la plus vieille constitution écrite du monde, et l'originalité de cette expérience politique fondée sur une guerre d'indépendance précoce, la Présidence, ciment de la nation, et l'évolution de ses pouvoirs au cours du XXe siècle. Les modalités complexes (et souvent mal connues) de l'élection du président sont bien décrites, ainsi que l'évolution des relations entre les pouvoirs depuis les années trente. Prévus pour une complémentarité par les pères fondateurs, les pouvoirs législatif et exécutif s'affirment en fait, et de plus en plus au fil des décennies, dans la rivalité. La Cour Suprême joue de ce point de vue un rôle attendu d'arbitre. André Kaspi tord le cou à un vieux mythe : celui d'un Etat fédéral faible, et rappelle que tout américain est doublement citoyen. Les dysfonctionnements sont évoqués à l'occasion d'affaires célèbres : la secte de Waco ou encore l'existence de milices extrémistes et la question de la détention d'armes aux Etats Unis. L'abstentionnisme électoral est analysé, ainsi que les lois récentes sur le financement des campagnes électorales.

La société américaine fournit un chapitre dense (chapitre 4) et conduit à renoncer aux préjugés courants : qu'il s'agisse du rêve américain - miroir aux alouettes ou terre promise des oncles d'Amérique -, de la complexité de la job machine et des types d'emplois créés, qui ne sont pas nécessairement des "petits jobs", de la recherche et de son financement dans lequel l'Etat fédéral intervient pour une part non négligeable. Est ainsi présentée en termes clairs, une société de classes moyennes, son mode de vie, qui vit aussi sous le regard de l'autre.

Autre idée courante : la religion. André Kaspi montre les profondes évolutions dans ce domaine : désormais un Américain sur quatre est de religion catholique (irlandais, mexicains, polonais, philippins…), et pour les protestants, un sur deux est baptiste ; s'il y a environ six millions de juifs, les musulmans pourraient représenter quatre à cinq millions. La tolérance religieuse est certes affirmée, ce qui ne veut pas dire que la liberté religieuse ait toujours été respectée. Enfin la question sur le droit au savoir est au cœur du débat américain, étroitement lié à la question de l'éducation mais aussi de la presse, fondement de la démocratie américaine. Dans le domaine de la culture comme dans les autres, l'hétérogénéité demeure la règle, dans une société où le mécénat et la privatisation de la culture - et son exportation ! - sont la norme.

Le chapitre suivant, qui analyse la politique extérieure américaine, est le plus décevant, il aurait mérité d'être largement revu à la lumière du 11 septembre, même s'il donne de façon claire les grandes lignes de l'attitude des américains à l'égard du monde. Enfin le dernier chapitre de l’édition de 1999 nous fait pénétrer au cœur de la culture américaine, au-delà de celle que nous connaissons bien. Là aussi les préjugés sont bousculés. André Kaspi donne son analyse du politiquement correct ; on peut en proposer d'autres… Le dernier chapitre est une mise au point rapide de la situation actuelle, mais ce n'est pas le meilleur…

Bref, voici un texte intéressant, qui incite à se poser des questions, à revenir sur quelques idées reçues, et qui propose une mise au point claire et efficace sur notre voisin/allié le plus proche et le plus étranger…


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 17/05/2004 )
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