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Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
| Didier Sicard Georges Vigarello Collectif Aux origines de la médecine Fayard 2011 / 48,90 € - 320.3 ffr. / 474 pages ISBN : 978-2-213-63655-9 FORMAT : 18cm x 24,5cm Imprimer
Tout dabord, dissipons une méprise toujours possible. Le titre ne doit pas tromper : il sexplique simplement par le titre générique de la collection : «Aux origines de
». Mais, bien loin de ne traiter que des origines de la médecine, même si plusieurs chapitres nourris sont consacrés à la préhistoire et lAntiquité, louvrage fournit un panorama complet de lévolution de la pensée et des pratiques médicales jusquà aujourdhui, sans sinterdire, nous le verrons, des propos prospectifs. Le tout dans un volume bien imprimé et bien relié et dont la maquette rend la lecture aisée et plaisante.
Pour cette entreprise éditoriale ambitieuse, léditeur a su convaincre deux auteurs particulièrement qualifiés et connus mais que, malgré leur notoriété, il est nécessaire de présenter brièvement pour montrer la pertinence de leur présence en tête du volume, et souligner demblée leur participation personnelle car, pour une fois, les coordonnateurs ne se cantonnent pas à ce rôle.
Didier Sicard, ancien président du Comité consultatif national d'éthique de 1999 à 2008, est professeur de médecine à l'université Paris Descartes et a été chef de service de médecine interne à l'hôpital Cochin, à Paris. Il a notamment publié en 1999 Hippocrate et le scanner : Réflexion sur la médecine contemporaine (avec Gérard Haddad), en 2002 La Médecine sans le corps : une nouvelle réflexion éthique, en 2004 Le Devoir de non-abandon : Pour une éthique hospitalière et du soin (avec Emmanuel Hirsch) et en 2006 L'Alibi éthique.
Georges Vigarello, universitaire, a essentiellement travaillé sur lhistoire des représentations et pratiques du corps en vue de montrer combien ces représentations et pratiques révèlent, dans leurs trajets historiques, des changements majeurs de culture sinon de société. Ceci notamment par une attention aux déplacements des seuils de sensibilité au fil du temps : les normes de lattitude physique (Le Corps redressé, 1978), les normes du dégoût physique (Le Propre et le sale, 1985), ou celles du mieux-être et du mal-être physiques (Le Sain et le malsain, 1993), ou encore de la violence (Histoire du viol, 1998). Ses travaux les plus récents portent sur le sport et la beauté.
Lorsquil se voit confier un ouvrage aussi imposant par lampleur de son dessein et de son information et la variété des sujets abordés, le critique doit faire des choix car il ne peut sattacher à rendre compte de tous les aspects de louvrage. Le parti retenu ici sera de se limiter à constater lheureux choix des coordinateurs, comme cela a été dit, la qualité des contributeurs et des contributions et à montrer, malgré des réserves qui, hélas, ne sauraient être tues, que louvrage mérite laudience la plus large possible.
Parcourir la table des matières est déjà constater la richesse du propos. On trouvera bien sûr tout dabord un ensemble de chapitres consacrés à lhistoire de la médecine, bien informés et très à jour. Le fil conducteur qui nous mène des premiers âges jusquau XXIe siècle est lémergence de la rationalité, lobjectivation du corps puis la prise du pouvoir médical sur les corps, notamment par lhygiénisme. Mais là où louvrage est le plus neuf, cest dans la quatrième et dernière partie qui occupe significativement à elle seule près de la moitié de louvrage et que lon ne peut mieux résumer quen donnant son titre : «De la révolution scientifico-technique à la révolution de lépanouissement de soi» et en y ajoutant le poids croissant de léthique, sujet faisant lobjet dimportants développements. Dun ensemble de haut niveau, on se bornera à citer les stimulantes réflexions dAnne-Marie Moulin sur lhistoire vue par la biologie, le chapitre donné par les deux coordonnateurs sur la douleur ou encore les chapitres ultimes que sest réservés le seul Didier Sicart sur la médecine de demain et sa méditation «de la médecine sans corps et sans sujet à léthique». Ce choix subjectif ne doit pas laisser accroire que les autres chapitres ne mériteraient pas leur lot de louanges. On tempérera toutefois cette dernière affirmation en regrettant que le chapitre consacré à la «médecine du lien» ou médecine «intégrative» ne fasse pas davantage preuve de recul ou desprit critique envers des écoles thérapeutiques fondées par des illuminés et auxquelles les preuves manquent. De même, la théorie de la «mémoire de leau» est ainsi décrite : «une théorie au départ regardée comme frauduleuse mais qui connaît aujourdhui un regain dintérêt», alors même que les expériences de Benveniste nont jamais pu être reproduites et quaucune revue sérieuse naccepte plus darticle sur ce thème.
Pour poursuivre le chapitre des critiques, lauteur de ces lignes, sil se plaît à saluer la présence dun index et dun appareil de bibliographie très satisfaisants pour un ouvrage qui ne se veut pas universitaire, est néanmoins contraint à son grand regret à relever de graves faiblesses qui paraissent incomber à léditeur et non aux auteurs, gravité relative eu égard à la qualité des contributions. En premier lieu, on regrettera que lillustration ne soit jamais accompagnée de la mention de sa source : à quoi sert par exemple la reproduction dune planche anatomique si lon en ignore lauteur et la date ? Mais surtout, on sétonnera (et le terme est faible) que dans le glossaire, qui est en soi une louable initiative, on trouve la définition de la médecine allopathique et non de lhoméopathique, et que, bien pire, se soit glissée une erreur comme de qualifier la barrière despèce comme «symbolique», ou pire encore de définir lespérance de vie comme «la durée moyenne de la vie humaine dans une société donnée» !
Toutefois, que le lecteur de ces lignes ne se méprenne pas : limage quil doit retenir est quil sagit au total dun ouvrage hautement recommandable par la richesse de son contenu et dont le prix relativement élevé est justifié. Quel devrait être son public ? Non pas seulement un cercle de spécialistes qui pourront cependant en tirer profit, mais le grand public qui souhaite aller au-delà de ce que lactualité nous soumet trop souvent sans contextualisation ni mise en perspective, et qui souhaite comprendre ce quest la médecine actuelle et - pourquoi pas - lever le voile sur ce quelle pourrait être demain, avec ses promesses et ses dangers.
Jean-Etienne Caire ( Mis en ligne le 10/01/2012 ) Imprimer | | |
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