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Le sens du progrès
Olivier Grenouilleau   Qu'est-ce que l'esclavage ? - Une histoire globale
Gallimard - Bibliothèque des histoires 2014 /  23,50 € - 153.93 ffr. / 407 pages
ISBN : 978-2-07-078617-6
FORMAT : 14,2 cm × 23,5 cm
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Historien, spécialisé entre autres dans l’esclavage, et après la polémique que suscita son précédent ouvrage, Les Traites négrières, Olivier Grenouilleau s'interroge cette fois-ci sur la possibilité d'une définition de l'esclavage. Est-il si difficile de le définir ? Comment peut-on y parvenir ? Comment les systèmes esclavagistes arrivent-ils à durer ? Ce sont les questions centrales de son ouvrage.

Le sujet est vaste et complexe. D'emblée, l'auteur lève une ambiguïté et rappelle qu'esclavage et modernité auraient été antinomiques. Cet esclavage colonial naît à l'inverse de la modernité, se développant en plein siècle des Lumières. Il rappelle non seulement que l’esclavage a été commis de tous temps et dans tous les pays mais qu’il a aussi été développé et justifié dans les siècles plus récents : un phénomène naturel, s'imposant aux hommes, comme un mal nécessaire à l'origine du progrès. Certains abolitionnistes ont utilisé l'argument que l'esclavage était contre-nature, fruit d'une dégénérescence puisqu'il constitue un obstacle à tout progrès, politique et économique, social ou moral. C'est le négatif de la liberté. Au XVIIIe siècle, l'esclavage est critiqué. La liberté devient un droit naturel, universel et inaliénable. L'esclavage est rapidement assimilé à l'ordre industriel, aux pauvres, aux prolétaires qui incarnent une autre variante de l'esclave.

Olivier Grenouilleau tente d’éclaircir la notion sans la confondre avec celle de domesticité ou de salariat par exemple. Un esclave est donc d’abord un aliéné, il est transformé en un ''autre'', possédé par un maître, réduit à une fonction d'utilité, considéré comme une chose, un animal, une machine. Ce sont ses quatre critères qui font un esclave selon l’auteur.

Parcourant l’espace et le temps, Olivier Grenouilleau analyse les conditions et les états de l’esclavagisme : le travail forcé, le clientélisme, les esclaves engagés, le péonage, le servage, la servitude pour dettes ou communautaire. Il propose un tableau central regroupant toutes ces catégories (pp.212-215), le tout étant agrémenté de modes d’entrées différents (durée de la dépendance, à vie ou héréditaire, degré d’aliénation assez large, unilatérale entre exploiteur/dépendant, esclavage assez ouvert, mode d’entrée arbitraire, dépendance à vie et héréditaire, possession de fait et souvent de droit de l’exploité). Il analyse d’autres formes d’esclavage comme l’esclavage pénal, l’esclavage militaire, les eunuques, les harems, l’ergastule romain, etc., ou les différentes formes qu’il prend, comme l’esclave mansé (esclave qui, tout en continuant à dépendre d’un maître, dispose librement d’un temps convenu afin de produire lui-même une partie de sa subsistance) ou l’esclave casé (dispensé de cultiver le champ du maître mais affecté à la culture d’une terre dont il remet annuellement une part fixe et invariable du produit). Le travail d’investigation est immense, riche, complexe.

L’auteur s’interroge aussi sur les origines de l’esclavage (lecture évolutionniste, approche fonctionnaliste, approche transitionnelle…). En Grèce et à Rome, l'esclavage s'insère au sein d'une pensée de l'harmonie du monde comme un système hiérarchique où chaque être a une place déterminée, participant ainsi à l'équilibre universel. Nombre de textes et les premiers Pères de l'Eglise eux-mêmes justifient l'esclavage.

L’esclavage américain, selon lui, fut la combinaison de plusieurs facteurs (Etats mercantilistes important des denrées coloniales sans les acheter à des puissances concurrentes ; des colons misant sur l’amortissement rapide d’esclaves à un moment où les autres sources de main d’œuvre étaient plus difficiles à maîtriser, soit en phase de raréfaction ; des négociants et armateurs d’Europe transporteurs de la main d’œuvre servile). 12 millions d’Africains sont déportés vers les Amériques jusqu’en 1860.

Dans cette somme impressionnante, on regrette que l’auteur n’ait pas fait une petite excursion hors des sentiers de l’histoire. Il aurait été avisé d’interroger succinctement cette étrange volonté de puissance chez l’homme, ce désir d’assujettir son prochain, ce sous différentes formes. En oubliant ceci, Olivier Grenouilleau manque un fait somme toute assez majeur. Pourquoi l’esclavage a-t-il été jugé régressif au XIXe siècle avec l’apparition des abolitionnistes (dans les colonies : en 1833 en Angleterre et 1848 en France) ? Ce phénomène est concomitant de l'apparition d’une nouvelle organisation économique et juridique permettant d’exploiter les hommes d’une autre façon, la révolution industrielle remplaçant pour certains travaux les hommes par des moyens mécaniques. Des libéraux peuvent ainsi se targuer d’être des humanistes tout en promouvant un système d’exploitation moins brutal et moins frontal... en apparence. Une même lecture peut voir la décolonisation comme nécessaire pour établir une démocratie de marché une fois que les multinationales n’avaient plus besoin de conquérir ou de coloniser des pays de l’intérieur. Un système abandonne-t-il un apartheid pour la simple liberté des individus ?... On doit se poser la question de ce qu’il implante par la suite pour conserver ses intérêts, comme on peut le constater aujourd’hui.

Mais cet ouvrage de référence pose les éléments de cet immense débat sans le réduire à quelques clichés commodes.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 01/07/2014 )
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