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Les très riches (et difficiles) heures des ducs de Lorraine
Henry Bogdan   La Lorraine des ducs - Sept siècles d'histoire
Perrin - Collection Pour l’Histoire 2005 /  21 € - 137.55 ffr. / 291 pages
ISBN : 2-262-02113-9
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm

L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles.
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Henry Bogdan n’a sans doute pas tort lorsque, dans son avant-propos, il résume l’histoire de la Lorraine dans la conscience populaire à l’épisode des provinces perdues en 1871 et chèrement reconquises en 1918. A ceci, il aurait ajouté l’épopée johannique, et la Lorraine, qui n’est que partiellement la patrie de Jeanne d’Arc, aurait semblé faire partie de toute éternité d’une France non moins éternelle. Or, «la Lorraine n’est devenue entièrement française que tardivement» rappelle-t-il, manière d’évoquer l’œuvre de longue haleine que fut l’absorption de l’espace lorrain par le royaume de France du XIIIe au XVIIIe siècle.

C’est l’histoire d’une partie de cet espace avant cette absorption, qu’Henry Bogdan, agrégé d’histoire et enseignant à l’Ecole militaire, nous invite à envisager non pas dans la perspective d’un territoire devant inéluctablement être intégré à la France, mais sous l’angle d’un petit Etat appartenant à ces pays de l’Entre-Deux, reliquats de la Lotharingie carolingienne, et qui aurait essayé de se tailler une place entre ses deux imposants voisins. Telle est en tout cas la volonté qui s’installe progressivement chez les ducs de Lorraine. L’auteur soulève ainsi une problématique intéressante car elle pose, avec la volonté d’échapper à tout déterminisme, la question de la constitution des entités politiques de l’Europe d’aujourd’hui non pas par le cas classique d’une réussite mais par celui d’un échec.

Sans doute cette problématique est-elle largement implicite : la forme du livre cherche d’abord à mettre en valeur une histoire régionale politique, chose qui n’est pas possible pour toutes les régions de France. Elle souligne surtout, dans une approche que n’aurait pas dédaigné Gibbon tout en étant adaptée au cas lorrain, les phases de construction, d’apogée et de déclin de la principauté lorraine.

La construction du duché, c’est paradoxalement la destruction de la Lotharingie issue du traité de Verdun de 843, qui divise en trois l’empire de Charlemagne, et enjeu des affrontements entre rois des Francs et rois de Germanie. Un premier duché de Lorraine émerge à la fin du IXe siècle des besoins de l’administration germanique. De fragmentation en fragmentation émerge ensuite un duché de Lorraine, plus petit, qui partage principalement avec le duché de Bar et les Trois-Evêchés (Metz, Toul et Verdun) l’espace de l’actuelle région française, alors intégré à l’organisation de l’Empire.

Ce petit Etat connaît sa période la plus fastueuse à partir du XVe siècle. En effet, les ducs, auréolés de prétentions sur les royaume de Jérusalem et de Naples, la Provence et la Gueldre, unissent les duchés de Bar et de Lorraine (1431), mettent un terme aux rêves et à la vie du duc de Bourgogne Charles le Téméraire à la bataille de Nancy (1477), se posent en défenseurs de la foi catholique en écrasant les paysans révoltés (1525) et s’affranchissent de l’autorité impériale (1542).

Après l’apogée du règne de Charles III (1559-1608) et le décès du duc Henri II en 1624, la gloire ducale jette ses derniers feux dans les talents militaires de souverains dépossédés et donc absents – Charles V sauve Vienne des Turcs en 1683 et participe à la reconquête de la Hongrie – et brille dans les Lumières de princes placés sous la haute surveillance française au XVIIIe siècle. En 1766, la mort du roi Stanislas achève de réunir la Lorraine au royaume, terme d’une œuvre entamée avec le traité de Bruges qui place en 1301 une partie du duché de Bar – le Barrois désigné alors comme mouvant – sous la suzeraineté française.

Pour appuyer le propos, un insert iconographique célèbre les riches heures des ducs. En fin de volume, les nécessaires tableaux généalogiques et surtout quelques cartes permettent aux lecteurs non initiés à l’histoire régionale de prendre conscience de la mosaïque politique qu’est la Lorraine de l’Ancien Régime. Il manque à ce dossier cartographique un index géographique, or celui du livre n’est qu’onomastique. Le lecteur peu au fait de la géographie locale prendra soin de se munir d’une carte routière utile lorsqu’il sera confronté à certains toponymes, tels que Vézelise, Dieuze ou Gondrecourt. Les notes, exclusivement bibliographiques et rejetées en fin de volume, ne l’éclaireront pas sur ce point.

De nombreuses notes renvoient à l’Histoire abrégée des ducs de Lorraine écrite par le père Jean-Baptiste Wilhelm au début du XVIIIe siècle. Celle-ci constitue, avec L’Histoire de Lorraine de Dom Calmet et l’Histoire de la Lorraine (1939) de la Société des Etudes locales de l’enseignement public, les principaux ouvrages sur lesquels Henry Bogdan s’est appuyé. De fait, il y a très peu de références à des ouvrages plus récents et certains, pourtant essentiels, comme l’Histoire de la Lorraine parue dans l’Encyclopédie illustrée de la Lorraine, sont absents.

La Lorraine des ducs se veut donc résolument un ouvrage de synthèse pour le grand public et n’intègre pas la recherche locale ou universitaire récente, à l’exception du livre de Jean-Charles Fulaine, Le Duc Charles IV de Lorraine et son armée (1997). Il reste cependant étonnant que l’auteur de La Guerre de Trente Ans (Perrin, 1997) néglige des ouvrages récents, qu’ils soient de diffusion régionale, comme Une guerre de Trente ans en Lorraine de Philippe Martin (Serpenoise, 2002), ou nationale, comme Richelieu et la Lorraine de Marie-Catherine Vignal-Souleyreau (l’Harmattan, 2004).

Les lacunes des livres utilisés se font cruellement sentir dans la première partie qui s’attache à la période Xe-XVe siècle. Les historiens médiévistes pourraient être déçus par le premier chapitre qui tend à se résumer à une sommaire énumération généalogique et factuelle. De même, des détails aussi importants que la différence entre royaume et domaine royal ou l’élévation du comte de Bar au rang ducal (1356) semblent oubliés, alors que, dans le dernier exemple, aucun document ne permet d’attribuer cette promotion à une quelconque autorité, impériale ou royale, comme une thèse en cours sur la principauté barroise (XIVe-XVe siècles) s’attachera à le rappeler.

Formulées par un Lorrain, nécessairement plus sourcilleux, ces critiques ne doivent cependant pas faire perdre de vue la finalité du livre – ouvrir l’histoire régionale à un public national – et encore moins ses qualités. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’il se lit avec plaisir, notamment les pages qui concernent les XVIe et XVIIe siècles où Henry Bogdan est plus à son aise pour mettre en scène les riches et difficiles heures des ducs de Lorraine.


Hugues Marsat
( Mis en ligne le 09/11/2005 )
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