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Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
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Livres, techniques et sociétés | | | Frédéric Barbier Histoire du livre Armand Colin - "U" 2006 / 28 € - 183.4 ffr. / 366 pages ISBN : 2-200-34711-1 FORMAT : 16,0cm x 24,0cm
2e édition
L'auteur du compte rendu : Rémi Mathis est élève à l'Ecole Nationale des Chartes. Il prépare une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne sous la direction d'Olivier Poncet (ENC) et Lucien Bély (Paris IV). Imprimer
LHistoire du livre de Frédéric Barbier est dédiée à Henri-Jean Martin. Ce dernier est décédé le 13 janvier dernier. Ancien directeur de la bibliothèque municipale de Lyon, professeur à lÉcole des chartes et à lÉcole pratique des hautes études, Henri-Jean Martin est le père de lécole française dhistoire du livre. Auteur d'études majeures, il a ouvert des voies fécondes, qui sont aujourdhui encore explorées par ses élèves. Car paradoxalement, alors que la culture occidentale repose très largement sur le livre, outil de diffusion de la pensée ayant eu une influence directe sur les voies de cette dernière, létude de lhistoire du livre est assez récente. Les recherches scientifiques à grande échelle nont finalement quune cinquantaine dannées, après que Martin et Febvre ont publié LApparition du livre (A. Michel, 1958).
Lhistoire du livre est depuis devenue une branche extrêmement féconde, relevant à la fois de lhistoire culturelle, de lhistoire des techniques, de lhistoire économique et de lhistoire sociale. Le nombre détudiants en histoire du livre est de plus en plus important. Ajoutons à cela les historiens généralistes et les professionnels ayant besoin de bases solides (conservateurs
) ; un manuel était le bienvenu afin de synthétiser lensemble des connaissances actuelles et les transmettre au plus grand nombre. Frédéric Barbier, directeur détude en histoire du livre à lÉcole pratique des hautes études, sy est collé en 2000 pour léditeur Armand Colin avec un ouvrage très bien accueilli. Une deuxième édition en est aujourdhui proposée aux mêmes éditions.
La question de lidentité du livre nest pas aisée, il convient de cerner les contours dun objet extrêmement complexe, qui a connu des mutations importantes au cours de son histoire et qui a eu une influence directe sur toute notre culture. Le livre nest pas un simple objet : il est porteur en lui-même des valeurs dune civilisation, de sa substance même. Comme le signale Michel Melot, il est une «forme symbolique» au sens de Panovsky. Lhistoire du livre se situe ainsi au carrefour de très nombreuses thématiques. Elle nest ni histoire de lécriture, ni histoire de la littérature, ni histoire de lédition mais chacune de ces histoires ont pourtant leur importance pour écrire lhistoire du livre. L'auteur tente également de traiter lensemble des dimensions que peut recouvrir lhistoire du livre : histoire sociale, histoire économique, histoire culturelle, histoire des usages de lécrit
Pour reprendre les mots de Lucien Febvre et Henri-Jean Martin, le livre est à la fois «objet» et «ferment».
La tâche que sest assignée F. Barbier est ardue parce quextrêmement large. De lapparition de lécriture à celle de lordinateur, ce sont cinq millénaires qui sont concernés dont deux sont plus particulièrement traités. Ce livre possède en plus loriginalité de souvrir sur les différents pays. Alors que lhistoire du livre prend particulièrement place dans le monde occidental, Frédéric Barbier ouvre les perspectives en sintéressant à dautres zones, entre autres à lAsie. Il étudie ainsi la diffusion des techniques ou la résistance à leur propagation, alors quau sein même de lEurope, les modèles éditoriaux ne sont pas les mêmes selon les pays. Ce caractère transversal de lhistoire du livre amène à sans cesse recontextualiser : on ne peut comprendre la forme de lobjet, ses modes de diffusion, son importance intellectuelle et commerciale si lon sextrait de la société dans laquelle il est produit. Lanachronisme guette sans cesse lhistorien du livre. Frédéric Barbier insiste donc largement sur les conditions dans lesquelles le livre est produit, diffusé, lu ; il fait preuve dune large et profonde érudition, toujours au service dun remarquable esprit de synthèse.
F. Barbier revient aux bases afin de suivre la naissance et lévolution du livre. La première des quatre parties de louvrage traite donc du livre manuscrit. En effet, le livre est dabord un support et une forme. Le support de lextraordinaire invention quest lécriture et une forme le codex qui met plusieurs siècles pour simposer sur le rouleau. Dès lorigine, le livre donne naissance à des pratiques sociales multiples car il se vend (apparaissent les libraires), séchange (doù le besoin de le recopier) et se conserve (la bibliothèque apparaît). Il est marchandise et ferment, support dun texte et objet en soi. Ce nest quà partir du Xe siècle que le livre manuscrit commence à se répandre plus largement avec la fin du monopole de lÉglise sur la culture gréco-latine et lapparition dune bourgeoisie urbaine, de juristes, et duniversités. En retour, cette plus large diffusion a des conséquences sur le livre lui-même : ce ne sont plus les mêmes livres qui sont recopiés et leur présentation même évolue largement.
Pourtant, quand on parle aujourdhui dun livre, on pense à un imprimé. Gutenberg fait partie des grands noms que tout écolier à appris et son invention est de celles qui auraient changé le monde. Cela nest pas faux mais la révolution gutenbergienne doit tout de même être nuancée. Elle prend place dans le paysage social en profonde mutation qui a été dépeint au chapitre précédent. Comme la plupart des grandes inventions, limprimerie est largement une invention collective, dans lair du temps. Les premiers grands éditeurs apparaissent (Manuce, Janson, Gryphe
) qui jouent un rôle de premier plan dans la diffusion des lhumanisme. Toutes ces modifications aboutissent à la librairie telle quelle est connue sous lAncien Régime (années 1520-1760). Cette période est marquée par les Guerres de religion puis par la Contre-Réforme qui concourent à une volonté de contrôle de lécrit de la part des pouvoirs politiques. Dautres instances émergent cependant, venant remettre en cause la prééminence du politique et du religieux dans la production et la diffusion du livre. Léditeur, lauteur et surtout le public.
Enfin, une quatrième partie traite de la seconde révolution du livre : de la fin du XVIIIe au début du XIXe siècle, la production de livres connaît des mutations majeures qui ont des répercussions sur leur forme et leur diffusion. La population sait lire dans son immense majorité, les nouvelles techniques de production permettent dimprimer et de diffuser au moindre coût. Parallèlement, la fonction moderne de léditeur se développe, avec de véritables politiques de vente, une industrialisation des processus et une volonté de baisser les prix afin de permettre une plus large diffusion du produit. De nouveaux procédés techniques sont mis en uvre tandis que des formes nouvelles accompagnent ces modifications (livre de poche) : ceci nempêche cependant pas que le livre, triomphant au XIXe siècle, soit peu à peu concurrencé par de nouveaux médias. Alors que de nombreux ouvrages ont tendance à privilégier les périodes les plus proches de nous et déséquilibrent ainsi leurs propos, Frédéric Barbier sait se garder daccorder trop de place au XXe siècle afin de conserver un équilibre.
Le présent ouvrage a été mis à jour avec rigueur : Frédéric Barbier ne se contente pas dun appendice artificiel mais reprend certains chapitres afin de faire part au lecteur des derniers événements ayant touché le monde de lédition, dont le paysage a beaucoup changé en quelques années. Quelques menues erreurs de la première édition ont également été corrigées.
Comme tout bon manuel, louvrage présente une bibliographie actualisée et volontairement limitée aux études les plus importantes, auxquelles les lecteurs non-spécialistes auront intérêt à se reporter en premier. Quelques photos permettent de comprendre les pages consacrées aux recherches sur la mise en page du livre et la «mise en livre» des textes. Louvrage est de belle facture. Ce manuel fait honneur à la figure dHenri-Jean Martin, maître de F. Barbier. Il devrait contribuer à faire naître des vocations dhistoriens du livre, dans un domaine où il y a encore beaucoup à faire.
Rémi Mathis ( Mis en ligne le 28/02/2007 ) Imprimer
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