|
Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
| |
La gloire de l’universitaire | | | Jean-Charles Geslot Victor Duruy - Historien et ministre - (1811-1894) Presses universitaires du Septentrion - Histoire et civilisations 2009 / 28 € - 183.4 ffr. / 422 pages ISBN : 978-2-7574-0103-3 FORMAT : 16cm x 24cm
L'auteur du compte rendu : Agrégé, Pierre Triomphe vient de soutenir une thèse sur «Les mises en scène du passé au Palais-Bourbon (1815-1848). Aux origines dune mémoire nationale». Il a publié LEurope de François Guizot (Privat, 2002). Imprimer
Issue dune thèse de doctorat, cette «biographie totale» met en lumière un acteur important de la vie politique et intellectuelle du XIXe siècle. Né en 1811 à la fin du premier Empire, mort en 1894 sous la IIIe République, Victor Duruy a été fortement marqué par les vicissitudes politiques que connaît la France au cours de cette période. Ses principes politiques nont cependant guère varié. Lhomme na cessé de prôner un libéralisme conservateur sur le plan social, teinté danticléricalisme, soucieux des libertés individuelles mais défiant à légard du système parlementaire. Ses origines sociales, étudiées de manière approfondie, expliquent en partie ses convictions. Issu dune famille (petite) bourgeoise, Victor Duruy incarne la méritocratie post-révolutionnaire. Normalien, agrégé, il devient professeur, tout en jouant un rôle important dans le monde de lédition, à travers lécriture ou la direction douvrages et notamment de manuels scolaires. Sappuyant notamment sur les travaux de Christian Amalvi, Jean-Charles Geslot souligne que luvre de Victor Duruy ninnove guère sur le plan épistémologique. Cependant, ses ouvrages sur lAntiquité et surtout son importante Histoire des Romains contribuent à expliquer le rayonnement dune figure qui marque plusieurs générations dhistoriens, à commencer par son disciple Ernest Lavisse ou même plus tardivement Lucien Febvre, qui en fait lun de ses «véritables maîtres».
Largement diffusés en France et à létranger, souvent réédités, ses ouvrages sur les Romains attirent également lattention de Napoléon III, qui consulte Duruy alors quil prépare son Histoire de Jules César. En juin 1863, lEmpereur le nomme ministre de linstruction publique. Il reste à ce poste durant quelque six années. Létude de son uvre constitue le cur de cette biographie. Animé dune foi profonde dans les vertus de léducation, en laquelle il voit un pilier du progrès mais aussi de lordre social, il souhaite étendre lenseignement à de nouveaux publics et en renouveler en profondeur les contenus et la pédagogie. Il multiplie les réformes qui affectent tous les degrés de lenseignement. Souvent perçue comme annonçant luvre scolaire républicaine, en dépit des répugnances de Victor Duruy à reconnaître cette paternité, les réalisations du ministre ne sont cependant pas à la hauteur de ses espérances. Ainsi, son projet de généralisation de lenseignement primaire, qui avait pour but initial lobligation et la gratuité, débouche en 1867 sur un texte de compromis qui ne fait quétendre un peu plus le public scolaire. De même, ses programmes denseignement secondaire féminin, de cours pour adultes ou de réforme de lenseignement supérieur savèrent un succès mitigé. Plus féconde savère limpulsion quil donne à une pédagogie plus soucieuse denseignements concrets et de la personnalité des élèves, avec la création dun enseignement secondaire spécial ou la généralisation des cours de gymnastique.
Symbole dune évolution libérale de lEmpire, Victor Duruy est rapidement en butte à lhostilité des milieux cléricaux, et, plus tardivement, des républicains échaudés notamment par ses mesures autoritaires à lencontre des étudiants protestataires. Son éloignement de la scène politique après 1869 met fin à ces réticences. Les pages que Jean-Charles Geslot consacre aux ultimes années de sa vie sont peut-être les plus intéressantes. En dépit de sa fidélité envers lEmpereur et sa famille, il jouit dune considération générale. Élu à lAcadémie Française, acceptant de siéger dans diverses commissions consacrées à lUniversité, lhistorien et le ministre jouissent dune estime générale, qui culmine lors de ses obsèques. La fin de la Belle Époque marque cependant le début dun progressif oubli de cette figure singulière que cette biographie remet en valeur.
Dune lecture agréable, l'ouvrage est doté dun index et dune liste des sources précieux, même si l'on peut regretter labsence de toute iconographie.
Pierre Triomphe ( Mis en ligne le 30/06/2009 ) Imprimer | | |
|
|
|
|