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Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
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Les sept morts de Marie-Antoinette | | | Annie Duprat Marie-Antoinette - Une reine brisée Perrin 2006 / 17.90 € - 117.25 ffr. / 286 pages ISBN : 2-262-02409-X FORMAT : 14,0cm x 22,5cm Imprimer
Encore un ouvrage biographique sur Marie-Antoinette ! Cest ce que lon ne peut sempêcher de penser en tombant sur cette nouvelle production en ces temps de célébrations tapageuses autour du personnage. Cest que la couverture (rose bonbon avec silhouette de la reine se dessinant en blanc sous le titre) et le sous-titre dramatique («Une reine brisée») semblent indiquer que louvrage sinscrit dans cette vague de productions à la mode en ce moment. Et pourtant, il sagit bien dun ouvrage sérieux dune spécialiste diconographie (de la Révolution entre autres), Annie Duprat.
Lobjet de louvrage est de sinterroger sur lacharnement dont a fait lobjet Marie-Antoinette : «La brutalité de la Révolution française ne suffit pas à expliquer la violence contre la reine tant le persiflage mondain des premières années versaillaises de la jeune Marie-Antoinette de Lorraine-Habsbourg a évolué rapidement en critiques de plus en plus acerbes et grossières peu après son accession au trône.» (p.8). Elle étudie ce problème par le biais de liconographie de la reine, sujet déjà abordé dans ses travaux antérieurs (Les Rois de papier. La caricature de Henri III à Louis XVI, ou encore Histoire de France par la caricature). Elle choisit pour ce faire un procédé amusant : dégager les sept péchés de la reine, conduisant à sa condamnation et à son exécution : «En sept séquences, nous observerons les sept morts de la reine, écho aux «sept morts du roi» racontées par Claude Langlois quand il plongeait dans limaginaire royaliste pour tenter de comprendre la part dombre et de refoulé de cette page terrible de lhistoire de France.» (p.18).
Sa première faute est dêtre «Autrichienne». Ce nest certes pas la première reine de France à lêtre, mais on lui reproche de navoir jamais vraiment épousé les intérêts de son pays et de continuer à faire le jeu de lAutriche. Les pressions qua tenté dexercer sa mère sur elle par lintermédiaire de Mercy dArgenteau ne sont sans doute pas étrangères à cette idée. Son deuxième péché est davoir mené une vie un peu trop frivole et festive pour une reine de France. Son goût immodéré (les toutes premières années de sa vie en France) pour les bijoux, les vêtements, mais aussi le jeu, la musique, la danse, les bals... lui font rapidement une réputation désastreuse, qui ne la quitte plus, même lorsquelle a totalement abandonné ce mode de vie. Les difficultés qua eu Louis XVI à consommer son mariage sont à lorigine de calomnies sans fin sur les pères putatifs des enfants royaux. Les bonnes relations de Marie-Antoinette avec ses beaux-frères narrangent rien. Cest lobjet du troisième chapitre intitulé «Le corps de la reine».
Marie-Antoinette prend sa place dans la liste des reines honnies, les Messaline les Frédégonde, les Brunehaut ou Catherine de Médicis. Trois mots résument les motifs de haine contre la reine de France : argent, sexe, pouvoir, trois éléments inacceptables chez une femme en général, et chez une reine de France en particulier. Le cinquième grief concerne son rôle politique supposé. Elle a en effet essayé dinfluencer Louis XVI dans ses choix politiques, mais sans grand succès semble-t-il. Lopinion lui attribue pourtant un rôle dans les grandes affaires du règne de Louis XVI : la succession de Bavière, laffaire des Bouches de lEscaut, le renvoi de Calonne
Cette réputation étant solidement implantée dans les esprits, ses moindres actions sont ensuite interprêtées en sa défaveur durant la Révolution. Cest ce qu'explique le sixième chapitre, qui montre comment tous les griefs (contradictoires dailleurs) accumulés durant les années précédentes sont utilisés contre elle. Le septième chapitre, «La Veuve Capet», est assez curieux : il montre une Marie-Antoinette seule, persécutée, misérable dans sa prison mais qui se défend courageusement à son procès (contrairement à Louis XVI qui a gardé le silence). Sont soulignés lacharnement sans fondement des accusateurs ainsi que la mollesse des avocats censés défendre Marie-Antoinette. Enfin, le chapitre se clôt sur lobsession de Marie-Antoinette pour son image, son portrait.
En définitive, ce qui choque le plus et qui peut expliquer lacharnement contre Marie-Antoinette est la transgression inacceptable opérée par la reine : femme de pouvoir qui occupe la place dun homme. Cest elle qui gouverne, elle à qui on impute des amants (quand le roi na pas de maîtresse), elle qui investit lespace public au lieu de se cantonner à la sphère privée. Tout ce désordre est vu comme la «métaphore de la dégénérescence de la monarchie» (p.144). Telle est la thèse défendue par lauteur. Elle la défend si bien quon a limpression quelle se laisse aller à de la pitié envers le personnage, pitié qui na peut-être pas sa place dans un tel ouvrage.
On regrette vraiment que lédition nait pas fait une juste place à l'iconographie justement. Le lecteur doit se contenter dune image (coupée et en noir et blanc) en tête de chacun des sept chapitres, ce qui le laisse sur sa faim quand la démonstration, elle, sappuie constamment sur lanalyse des images. Par ailleurs, la division en sept séquences est amusante mais apparaît plus comme un artifice plaisant que comme une réelle aide à la compréhension de la démonstration. Il nen demeure pas moins que louvrage vaut la peine dêtre lu, ne serait-ce que parce quil est la preuve que limage peut être, bien plus quune simple illustration, une source historique à ne pas négliger.
Yvonne Aubourg ( Mis en ligne le 19/09/2006 ) Imprimer
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