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Histoire & Sciences sociales  ->  Biographie  
 

Un bâtard très catholique
Jean-Pierre Bois   Don Juan d'Autriche
Tallandier 2008 /  29 € - 189.95 ffr. / 409 pages
ISBN : 978-2-84734-293-2
FORMAT : 15,0cm x 21,5cm

L'auteur du compte-rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles.
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L’histoire a pour don Juan d’Autriche, fils illégitime engendré par un Charles Quint alors veuf et vieillissant – en 1547, l’empereur va sur ses quarante-sept ans -, des délicatesses qu’elle n’a pas eu par exemple pour Guillaume de Normandie, qualifié de bâtard jusqu’à la conquête de l’Angleterre. Il est vrai que les souverains modernes ont, semble-t-il, davantage à cœur d’honorer leur progéniture illégitime ou leurs demi-frères que leurs prédécesseurs. Il n’est qu’à considérer les enfants naturels de Louis XIV ou simplement le cas de Morny. Il est des conditions pires pour débuter dans la vie, surtout à ces époques.

Grand spécialiste de la guerre à l’époque moderne, Jean-Pierre Bois est sans doute venu à don Juan d’Autriche par la dimension guerrière du personnage, doté de talent stratégiques insoupçonnés, mais il ne dresse pas seulement le portrait d’un homme de guerre du XVIe siècle : il s’attache à comprendre les mécanismes et les pulsions qui ont guidé un homme de naissance illégitime qui plus est frère du monarque le plus puissant d’Europe, Philippe II d’Espagne.

Certes, à plus d’un titre et en dépit d’une courte vie - seulement trente et une années -, don Juan a tout pour incarner le Siècle d’or et la prépondérance espagnole naissante : Habsbourg, il a le cheveu clair et parle plusieurs des langues des possessions de sa famille, dont le français, mais reçoit une éducation espagnole d’abord auprès des fidèles serviteurs auxquels il a été confié par son père puis à l’Alcala de Henares aux côtés d’Alexandre Farnèse. Pour le service du roi, il parcourt l’Europe et la Méditerranée espagnoles : de l’Andalousie, où il concourt en 1568-1570 à mater la révolte des Morisques, ces musulmans théoriquement convertis au christianisme alors révoltés contre l’autorité royale qui menace leur identité culturelle, à la vice-royauté de Naples et de Tunis puis à la gouvernance de la Flandre en pleine révolte politique et religieuse en 1576-1578.

Arrière-petit-fils des rois catholiques, don Juan n’a pas manqué de manifester sa foi. S’il fréquente volontiers les pèlerinages virginaux de Montserrat et Lorette, c’est par faute d’inclination personnelle pour la vie religieuse, à laquelle le destine primitivement son père, qu’il ne rentre pas dans les ordres. Il met cependant son épée au service de sa foi. La défense de laquelle, il est vrai, se confond souvent alors avec les intérêts de l’Espagne. Don Juan a combattu tous les ennemis qui menacent la sécurité de la chrétienté catholique de son époque, ou tant s’en faut : Morisques crypto-musulmans, Turcs ou calvinistes flamands. C’est le commandement de la flotte catholique qui le propulse au faîte de sa gloire avec la victoire de Lépante, à l’entrée du golfe de Patras, le 7 octobre 1571, mais c’est l’opposition des calvinistes flamands derrière Guillaume d’Orange qui précipite sa chute. Dépassé par les évènements, don Juan y laisse sa santé et décède le 1er octobre 1578.

Cela reste pourtant indubitablement la bâtardise et ses implications qui guident l’analyse de Jean-Pierre Bois. Ce dernier dresse en effet le portrait d’un homme qui toute sa vie a cherché la gloire, a ambitionné de se tailler une principauté et pour cela semble avoir échafaudé les projets les plus fantaisistes, qu’ils soient militaires ou matrimoniaux, notamment à l’égard de l’Angleterre dont, comme tant d’autres, il a projeté d’épouser la reine Elisabeth ou qu’il rêve d’envahir à partir de la Flandre pacifiée pour y restaurer le catholicisme et libérer Marie Stuart.

Don Juan ambitieux ? Assurément mais à un point qui confine au besoin de reconnaissance comme tend à l’indiquer sa correspondance avec sa demie-sœur Marguerite de Parme, une autre enfant illégitime de Charles Quint. Combien de nobles bâtards ont cherché comme lui à effacer la position ambiguë que leurs naissances leur confèrent pour se trouver une place qui leur soit propre comme don Juan a essayé ? Si Jean-Pierre Bois peut conclure avec justesse sur les similitudes qui réunissent les jeunes princes de l’époque, les Emmanuel-Philibert de Savoie, Alexandre Farnèse et autres Henri de Guise, il dégage aussi l’originalité de don Juan d’Autriche.

Cette originalité repose sur ce qui le lie à son demi-frère naturel, Philippe II. A de multiples reprises, le biographe souligne le mélange d’affection, du moins telle que la manifeste Philippe II avec sa froideur coutumière, et de méfiance que semble éprouver le roi. De l’affection, il en ressent immanquablement pour ce frère dont il découvre l’existence par le testament de Charles Quint en 1558, au point de lui pardonner les rares désobéissances commises et de le garder à la cour. Faut-il y voir de la méfiance, une volonté de garder sous la main un individu dont l’existence même est porteuse de troubles de succession potentiels ? Si en plus, l’individu en question se couvre de gloire et de popularité… Aussi, Philippe II prend-il soin d’assortir tous les commandements confiés par un second soigneusement choisi et craint, sous l’influence de ses conseillers, une trahison que seule la mort du frère efface.

Le destin de don Juan a quelque chose de romanesque et de tragique dans son accomplissement. Voltaire en fait le héros de toutes les nations dans son Essai sur les mœurs, et si don Juan d’Autriche est normalement connu pour sa victoire à Lépante, c’est d’abord le portrait formidable d’un Espagnol du Siècle d’or remis dans son contexte qui ne manque pas d’être expliqué par la belle plume de Jean-Pierre Bois. Une biographie d’un étranger du XVIe siècle qui ne soit ni homme d’Eglise, ni souverain, c’est suffisamment rare dans l’édition française pour qu’on le remarque ; alors quand, en plus, l’ouvrage est de qualité…


Hugues Marsat
( Mis en ligne le 02/07/2008 )
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