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Un monde à part
Robert Colonna d'Istria   Yvan Stefanovitch   Le Sénat - Enquête sur les superprivilégiés de la République
Le Rocher 2008 /  18.50 € - 121.18 ffr. / 294 pages
ISBN : 978-2-268-06649-3
FORMAT : 14cm x 22cm

L'auteur du compte rendu : Agrégé d’histoire et titulaire d’un DESS d’études stratégiques (Paris XIII), Antoine Picardat est professeur en lycée et maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Ancien chargé de cours à l’Institut catholique de Paris, à l’université de Marne la Vallée et ATER en histoire à l’IEP de Lille, il a également été analyste de politique internationale au ministère de la Défense.
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Il existe une institution de la République qui ne passionne pas les foules. C’est le Sénat. En cette rentrée 2008, il a pourtant été l’objet d’une attention inhabituelle, mais dont il se serait sans doute passé. D’une part, le renouvellement d’une partie des sénateurs, et la perspective d’un possible et historique basculement à gauche de la Haute Assemblée en 2011, a suscité l’intérêt momentané de la presse et de l’opinion. D’autre part, et c’est beaucoup plus croustillant, le Sénat s’est trouvé au cœur d’une petite polémique. Elle portait sur les avantages en nature dont bénéficient ses membres. Notamment de l’appartement de 200 m2, en plein VIe arrondissement, dont Christian Poncelet, désormais ancien président du Sénat, devait bénéficier à vie.

À défaut de droit constitutionnel ou de politique, on s’intéresse au Sénat comme on peut, c’est à dire pour ce qui est l’une de ses spécificités : un gouffre à argent public, enveloppé d’un pudique halo de mystère. C’est ce créneau qu’occupe le livre de Robert Colonna d’Istria et Yvan Stéfanovitch, Le Sénat. Enquête sur les super-privilégiés de la République. Dès le titre, on sait où l'on va. Il s’agit d’une charge, d’un brûlot, d’une attaque, contre le Sénat. Plutôt, contre certains aspects du Sénat, les plus scandaleux.

Une blague cruelle assure que «le Sénat existe pour que les hommes politiques sachent qu’il y a une vie après la mort». Si c’est le cas, c’est une belle vie. Cette visite guidée semble le démontrer. Le Sénat. Enquête sur les super-privilégiés de la République est divisé en trois parties. Dans la première, les auteurs dénoncent les scandales du fonctionnement interne du Sénat. Tout y passe : sénateurs absentéistes, bénéficiant d’indemnités astronomiques et souvent fantaisistes, avantages en nature de tous ordres, régime de retraite défiant toute concurrence, fonctionnaires très grassement payés et ne fichant pas grand chose, népotisme, clientélisme, parasitisme. L’affaire de l’appartement a illustré ce thème. Mais les auteurs fournissent des exemples par dizaines. Au hasard : le moins bien rémunéré des 1100 fonctionnaires du Sénat gagne 2300 euros nets, hors primes par mois, pour 32 heures par semaines et avec 11 semaines au moins de congés payés annuels. Tous touchent des primes de nuit, même ceux qui sont au fond de leur lit. En cumulant toutes les indemnités possibles, un sénateur reçoit 11000 euros mensuels. Et ainsi de suite, le tout sans aucun contrôle extérieur, ni de la Cour des Comptes, ni du contribuable. La deuxième partie dénonce la collusion de nombreux sénateurs avec des groupes intérêts divers et variés : producteurs de lait, fabricants de cigarettes ou distributeurs d’eau. Enfin, la troisième partie, de loin la plus brève, énonce 15 propositions pour restaurer l’image du Sénat et en faire la deuxième assemblée dont la France a besoin.

Car l’une des particularités de ce livre est qu’il ne se contente pas de dénoncer. Il part du postulat que le Sénat est, ou devrait être, utile à la démocratie et au bon fonctionnement de nos institutions. Il cite en exemple quelques «bons» sénateurs ; présents, travailleurs, économes des deniers publics, soucieux du bien commun. Cela contraste avec les nombreux «mauvais», que les auteurs clouent au pilori au fil des pages. À l’arrivée, donc, un délicat exercice d’équilibrisme, entre un propos général de dénonciation, qui tend parfois vers le «tous pourris», et une critique constructive.

L’exercice est compliqué par certains défauts de construction de l’ouvrage. Malgré les trois grandes parties que l’on peut y distinguer, le plan dégage une grande impression de confusion. Les sujets sont abordés un peu en désordre, sans logique apparente, les redites sont nombreuses, bref, on a le sentiment d’un travail un peu bâclé, au moins dans la forme. Peut-être fallait-il que le livre paraisse absolument à la rentrée, pour enrichir les débats autour du Sénat ? Cette impression que le calendrier a dicté sa loi est renforcée par la virulence des attaques contre Christian Poncelet. À l’époque de la rédaction, il était encore président du Sénat et il laissait planer le mystère sur son intention de se présenter (à 80 ans passés !) pour un nouveau mandat. Après le passage à tabac dans les règles, largement justifié au demeurant, que les auteurs lui ont administré, son image a été un peu ternie. Il finalement choisi de ne pas se représenter. De ce point de vue, Le Sénat. Enquête sur les super-privilégiés de la République a joué un double rôle : information du public et participation au débat politique.

Malgré ses imperfections, malgré le sentiment que le moment de sa publication ne doit rien au hasard, la lecture de cet essai est intéressante et utile. Elle nous rappelle que les grandes institutions, pour être crédibles, doivent être irréprochables et que, dans le cas présent, nous sommes loin du compte.


Antoine Picardat
( Mis en ligne le 29/10/2008 )
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