|
Histoire & Sciences sociales -> Science Politique |
| |
Un mille-feuille culturel bien indigeste | | | Guy Saez Institutions et vie culturelles La Documentation française - Les notices 2005 / 19 € - 124.45 ffr. / 172 pages ISBN : 2-11-005573-1 FORMAT : 21x30 cm
2e édition revue et augmentée.
L'auteur du compte rendu : Raphaël Muller, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est allocataire-moniteur en histoire contemporaine à l'université de Paris I. Imprimer
Vous vous êtes passionné pour la controverse entourant le départ sous des cieux lagunaires accueillants de la collection dart contemporain de François Pinault. Vous vous êtes interrogé sur les enjeux de la polémique qui loppose, par presse interposée, à la mairie de Boulogne-Billancourt. Un homme daffaire richissime, désireux de bâtir sur un ancien site industriel, véritable lieu de mémoire, une fondation destinée à présenter au public sa collection, renonce à ce projet arguant des lenteurs administratives et en rendant responsable les autorités municipales. Tout cela est bien étrange. Cela lest dautant plus que ledit homme daffaire est conseillé par un ancien ministre de la culture, qui faisait, il y a peu, partie dun gouvernement de droite et que cest précisément cette tendance politique qui préside actuellement aux destinées de ladite commune. Et vous navez pas été sans noter que, dans la polémique actuelle, l«Etat-culturel» (Marc Fumaroli) brille avant tout par son silence.
Vous vous êtes dit quil était peut-être temps dessayer de comprendre qui fait quoi aujourdhui pour la culture en France. Quels sont les acteurs de la sphère culturelle ? Peut-on identifier des pôles de décision ? Peut-on délimiter les champs daction respectifs de lEtat, des collectivités locales, des acteurs privés ? Comment sy retrouver dans ce «mille-feuille de dispositions hétérogènes» (Sabine Rozier, p.37) quest devenu la politique culturelle, si tant est que cette expression ait encore une signification ?
Et cest à cet instant précis que votre regard a croisé ce fin cahier bleu publié par la Documentation française dans sa collection «Les Notices», intitulé Institutions et vie culturelles, et vous vous êtes dit que vous aviez peut-être à portée de main linstrument susceptible de répondre à toutes vos questions. Vous avez ouvert cet ouvrage collectif dirigé par Guy Saez et vous avez constaté quil sagissait dune réédition revue et augmentée du recueil de notices paru en 1996. Puis vous avez parcouru la table des matières, vous y avez découvert les noms des auteurs et lintitulé de leurs contributions respectives : Pascal Ory sur «LEtat et la culture de la Révolution à 1959», Philippe Poirrier sur «Le ministère de la Culture entre «refondation» et désenchantement (1993-2004)» et «Les musées», Anne-Marie Bertrand sur «Les bibliothèques», Pascale Goetschel sur «Le théâtre»... Tout cela vous a paru alléchant. La composition de louvrage elle-même vous a semblé claire et cohérente, ce qui nallait pas de soi, au vu de létendue du sujet abordé.
Quatre parties : la première, intitulée «Laction de lEtat», est conçue en forme de rappel historique, de la révolution française à nos jours avec une ultime notice consacrée au sujet qui vous préoccupait : «La promotion du financement : mécénat et parrainage», due à Sabine Rozier ; la seconde, «Laction des collectivités territoriales» tente de dresser le bilan de deux décennies de décentralisation culturelle et de faire le point sur les initiatives locales ; la troisième partie, sous le titre «Les domaines de laction publique culturelle», passe en revue les grands secteurs de la vie artistique et culturelle (musées, archives, patrimoine, théâtre, bibliothèque, cinéma, arts plastiques
) ; la dernière partie enfin vous a semblé plus hétéroclite. Sous lappellation «La vie culturelle et ses enjeux», se retrouvaient en effet regroupées des contributions aussi diverses que «LEurope du spectacle» (Emmanuel Wallon), «Les biens culturels, une exception économique ?» (François Benhamou), «Emploi culturel et formation» (Jean-Pierre Saez), ou encore «Sociologie de la culture, publics et pratiques culturelles» (Olivier Donnat).
En vous attelant à la lecture patiente des notices successives, vous vous êtes rapidement rendu compte que, bien loin de répondre à vos questions, elles ne faisaient en fait que transformer en désarroi votre trouble initial : cette excellente mise au point, dune précision et dune actualité irréprochables, dévoile une sphère culturelle encore plus complexe que vous ne lauriez pensé : imbrication, juxtaposition, superposition des échelles, des acteurs et des dispositifs, indétermination des champs daction, absence fréquente de dispositif dévaluation, voici quelques-uns des traits caractéristiques de ce quil faut bien appeler, en reprenant lexpression de Sabine Rozier, le «mille-feuille culturel» . Et, dans ces conditions, vous vous êtes surpris à parier que, dici une dizaine dannées, lorsque le temps sera venu de faire paraître la troisième édition dInstitution et vie culturelles, le mille-feuille sera devenu encore plus indigeste!...
Au fil de la lecture, vous avez compris que ce recueil, souvent aride et abstrait en labsence dexemples concrets dactions entreprises, navait pas pour vocation déclairer le grand public sur la structuration actuelle de la sphère culturelle et les débats qui la traverse : il sagissait plutôt dun recueil de note, de fiches pratiques indépendantes les unes des autres, destiné à servir de mise au point, daide mémoire aux étudiants préparant les concours administratifs (les idées clés apparaissent en gras) et peut-être également à offrir aux acteurs de la sphère culturelle les clés du monde où ils oeuvrent. Nul doute quils en aient grand besoin.
Raphaël Muller ( Mis en ligne le 23/05/2005 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:L'Invention de la politique culturelle de Philippe Urfalino Les politiques culturelles en France de Philippe Poirrier Pour une histoire des politiques du patrimoine de Philippe Poirrier , Loïc Vadelorge , collectif | | |
|
|
|
|