| Francis Lec Claude Lelièvre Histoires vraies des violences à l'école Fayard 2007 / 19 € - 124.45 ffr. / 321 pages ISBN : 978-2-213-63222-3 FORMAT : 13,5cm x 21,5cm
L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est lauteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal. Imprimer
Encore un livre sur la violence à lécole, va-t-on dire ? Oui et cette fois-ci, il tente de faire le point. Francis Lec est bâtonnier au barreau d'Amiens et est l'avocat-conseil national de la fédération des autonomes de solidarité laïque de l'enseignement public. Claude Lelièvre, lui, est professeur émérite d'histoire de l'éducation à la Sorbonne (Paris V) et a fait partie de la commission Thélot, dont le rapport a précédé la loi d'orientation pour l'école de 2005. A priori, si le problème nest pas inconnu des deux auteurs, malgré un titre un peu racoleur, leur angle dattaque pose problème, notamment au début. La quatrième de couverture indique : «Trop souvent, la violence à lécole est considérée comme un phénomène récent, concentré dans certains établissements dits sensibles, un phénomène qui serait «à la marge» et le fait de «marginaux». Linvestigation historique et les enquêtes contemporaines de victimation révèlent au contraire quelle est présente depuis toujours et partout, sous des formes et avec une intensité variables, mais quelle est sous-estimée, voire occultée.»
Létonnant dans lhistoire est que les auteurs font des comparaisons injustifiées pour établir que la violence à lécole a toujours existé et quelle nest donc pas un phénomène récent (cela personne ne le nie). Tout dabord, ils en réfèrent à quelques cas tragiques au XVIIIe siècle (par exemple, en 1757, un étudiant en classe de rhétorique a été tué dun coup de couteau), puis mentionnent les révoltes des lycéens au XIXe siècle. Il est fait allusion à celle de 1833, la plus célèbre et la plus violente, avec intervention de la police qui a arrêté des élèves.
On est un peu surpris par un tel parallèle avec aujourdhui car si des révoltes ont bel et bien éclaté (de 1870 à 1888, dans plus dune centaine de lycées, cest-à-dire 8%), cest précisément parce quauparavant les maîtres, professeurs, surveillants, etc., étaient dune sévérité terrible (on pouvait battre des élèves par exemple et la prison (ou séquestre) faisait partie des peines réservées aux élèves de collèges) alors que les violences actuelles (plus nombreuses et plus dramatiques) nont justement pas les mêmes causes. Par exemple, les professeurs ne peuvent plus battre les élèves (cest inscrit dans la loi) et la sévérité y est nettement moindre (quand elle nest pas absente). Bref si la société est devenue plus «permissive», la violence ne sest cependant pas arrêtée, na pas diminué pour autant et est même devenue bien souvent plus terrible au point que dans certains collèges et lycées, des professeurs vont enseigner avec la peur au ventre. Cela était-il auparavant possible ou même seulement envisageable ?
Si lon comprend bien par ailleurs que les auteurs veulent retranscrire toutes les violences, y compris du côté des professeurs et des élèves, tout ne peut pas se comparer ou être mis sur un même plan. Rappelons-nous une affaire à Marseille, que les auteurs ont omis de signaler. En 2007, âgés de 13 à 15 ans, des adolescents ont été soupçonnés davoir violé et filmé une élève de 4e, pendant deux mois, dans leur collège. Les premiers faits auraient eu lieu dans les toilettes. La collégienne aurait accepté davoir des relations sexuelles avec lun de ses camarades. Ce dernier laurait photographiée, à son insu à l'aide de son téléphone portable pour la faire chanter. Par crainte de voir les images diffusées auprès du reste du collège, la jeune fille aurait ensuite tu les viols réguliers de cinq autres mineurs, dont trois sont issus d'un autre établissement. Quelle réponse peut-on avancer ? Car en matière de violence, et c'est ce qui est véritablement inquiétant, pourquoi des élèves qui ne sont plus (ou nettement moins) brimés à lécole sont-ils aussi violents à lintérieur de celle-ci ? Aucune interrogation de la part de Francis Lec et Claude Lelièvre sur le sujet. Or, tout de même, c'est bien de ce côté-ci que l'éducation est menacée.
Bref, les auteurs recensent donc bien minutieusement toutes les violences qui ont lieu dans lécole, que ce soit les brimades de professeurs envers les élèves, des élèves entre eux, des élèves envers les professeurs ou le personnel de ladministration. Mais aussi les parents délèves contre les enseignants, les éducateurs ou les administrateurs de lécole. Cela va du racket, au bizutage, en passant par le happy slapping (battre quelquun et le filmer avec un téléphone portable, film diffusé ensuite sur Internet), les insultes et les atteintes à la vie privée sur les blogs, les menaces de mort, etc. Si le livre a bien le mérite de faire le point sur les violences qui ont lieu à lintérieur de lécole (cependant on n'en apprend pas plus) il a aussi la limite de ne faire que cela car les auteurs ne donnent aucune explication sur tel ou tel comportement. Déception
Yannick Rolandeau ( Mis en ligne le 06/11/2007 ) Imprimer | | |