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Le socialisme de Mauss
Sylvain Dzimira   Marcel Mauss, savant et politique
La Découverte - Textes à l'appui 2007 /  20 € - 131 ffr. / 238 pages
ISBN : 978-2-7071-5293-0
FORMAT : 13,5cm x 22,0cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.

Sylvain Dzimira collabore à Parutions.com.

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La thèse de Max Weber, dans sa présentation la plus commune, affirme que l’éthique du savant impose une «neutralité axiologique» incompatible avec les préoccupations et les activités politiques. C’est une posture que d’autres n’ont pas partagée. Plus encore que son oncle Emile Dukheim, qui estimait que ses «recherches ne méritent pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu’un intérêt spéculatif», Marcel Mauss n’a pas séparé ses activités savantes de ses engagements politiques.

L’ambition de l’ouvrage de Sylvain Dzimira est à la fois simple et audacieuse. Souligner le lien entre l’œuvre savante et les engagements politiques de l’auteur du fameux Essai sur le don. Plus précisément encore, Sylvain Dzimira affirme et démontre que les convictions et les prises de position politiques de Mauss reposent et sont nourries de ses recherches et travaux anthropologiques. De sorte que le projet de l’auteur est de montrer un Mauss non pas d’abord savant puis politique, mais «indissociablement savant et politique». Ses recherches anthropologiques pour découvrir les «rocs» de la «morale éternelle» ne peuvent donc être, selon l’auteur, entendues comme de simples, quoique puissants, développements «théoriques» qui ne viseraient qu’une érudition ; ils visent, solidairement, à participer à la définition d’une morale politique.

On le sait, cette morale sera pour Mauss la morale socialiste. Ami proche de Jaurès, collaborateur au journal L’Humanité, il s’engage tôt en politique (il adhère au Parti ouvrier français créé par Jules Guesde) tout en poursuivant une brillante carrière qui le conduira au Collège de France. Ses thèmes de réflexions politiques de prédilection seront la défense des coopératives, la redistribution des richesses, la démocratie et le pacifisme. Chacun de ses thèmes étant nourri de son érudition ethnologique.

Ainsi, l’analyse des différents types de propriété lui servira à concevoir des arguments théoriques pour défendre les coopératives ou les nationalisations. Dans cette perspective, rappelant que pour Mauss, le salarié ne travaille pas seulement pour son patron mais aussi, indirectement, pour la collectivité, Sylvain Dzimira souligne les implications pratiques d’une telle conception en matière de financement de la protection sociale : «[…] les patrons et l’Etat doivent, autant que le salarié, contribuer au financement de l’assurance sociale, moins que pour s’acquitter de la dette - car on ne s’acquitte jamais d’une dette de vie – que pour signifier la reconnaissance de ce don de vie en la protégeant.» Sa proximité avec Jaurès l’amène aussi à ne jamais perdre de vue la dimension d’éducation morale de toute activité ; c’est particulièrement vrai pour ses considérations sur les coopératives.

La démarche de Sylvain Dzimira n’est pas sans difficulté puisqu’il est admis que la pensée de Mauss a connu une rupture avec la Première Guerre mondiale et la victoire du bolchevisme en Russie : Mauss serait passé d’une perspective collectiviste à une conception socialiste républicaine et démocratique. Toutefois, sensible à ces changements, Sylvain Dzimira souligne qu’il ne faut pas trop opposer ces deux périodes de sa vie. S’il semble, dans un premier temps, anticapitaliste pour finalement s’inscrire dans le capitalisme, Mauss n’a jamais cru à des modèles purs : «J’ai abandonné depuis fort longtemps l’idée que [le mouvement coopératif] puisse constituer un régime complet […] Une société est un complexe d’économies opposées et l’économe coopérative n’en est qu’une.»

L’ouvrage présente une double utilité : celle de rappeler les enjeux proprement politiques d’une pensée scientifique forte et féconde ; celle d’inviter à repenser, pour partie mais en toute rigueur, ce sur quoi peut reposer aujourd’hui une politique anti-utilitariste. Dans un contexte où la neutralité axiologique fait des ravages, l’ambition de l’ouvrage est particulièrement justifiée. Trop d’ouvrages en effet se réfugient derrière une «neutralité» (qui reste toujours à prouver) absolument mortifère. Sans adopter les accents de Péguy contre les sorbonnards de son époque et leur impossible positivisme - son ouvrage est le résultat d’une thèse universitaire -, Sylvain Dzimira laisse à chacun la possibilité de réfléchir sur les dialogues féconds qui peuvent et doivent exister entre le monde de la recherche et les préoccupations politiques du plus grand nombre.


Guy Dreux
( Mis en ligne le 20/12/2007 )
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