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Histoire & Sciences sociales  ->  Historiographie  
 

Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?
Philippe Poirrier   Les Enjeux de l'histoire culturelle
Seuil - Points histoire 2004 /  10 € - 65.5 ffr. / 435 pages
ISBN : 2-02-049245-8
FORMAT : 11x18 cm

Philippe Poirrier collabore à Parutions.com.

L'auteur du compte rendu : Raphaël Muller, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est allocataire-moniteur en histoire contemporaine à l'université de Paris I.

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Les éditions du Seuil ont eu cet automne la bonne idée de faire paraître directement en format poche l’essai de Philippe Poirrier intitulé Les Enjeux de l’histoire culturelle. Ce choix éditorial permettra à tous – et en particulier aux étudiants - de faire l’acquisition de ce précieux guide historiographique. Et d’ailleurs le propos est si dense qu’il n’est pas mauvais d’avoir cet ouvrage chez soi, ce qui permet de prendre tout le temps nécessaire pour le lire, le comprendre, le «digérer».

Probablement née au cours des années 1970, baptisée tantôt histoire des mentalités, tantôt histoire des représentations avant de devenir proprement culturelle, l’histoire culturelle a aujourd’hui acquis une légitimité institutionnelle – universitaire notamment - mais aussi éditoriale. Près de trente ans après l’émergence de la notion, Philippe Poirrier, maître de conférences à l’Université de Bourgogne et excellent connaisseur des politiques culturelles, a tenté – et réussi - le pari de dresser un bilan : qu’est-ce qui fait la spécificité, de l’histoire culturelle, quels sont les apports originaux des courants historiques qui s'en réclament explicitement, mais aussi quels sont les problèmes posés par son autonomisation dans le champ de la recherche ?

L’auteur a choisi d’adopter une démarche chrono-thématique. Dans une première partie, il tente de dégager les lieux et les moments d’émergence de la notion, puis de son affirmation. L’examen est précieux, minutieux, et, pour tout dire, la lecture se révèle assez ardue pour celui qui n’a pas vécu les débats historiographiques des années 1970. Le fil conducteur est le suivant : des modernistes furent les premiers à faire usage de la notion et de tenter, non sans difficulté, de l’imposer, avant que des contemporanéistes ne s’en emparent à leur tour. L’histoire culturelle aurait également été «dès les années soixante-dix pour certains historiens une stratégie visant à sortir des paradigmes d’une histoire économique et sociale fortement colorée par des approches quantitativistes. Le déclin du marxisme, comme théorie scientifique et horizon politique, et des pensées du déterminisme socio-économique en général a accéléré ce processus».

La seconde partie est proprement thématique et examine les principaux champs où a prospéré l’histoire culturelle. Et ils sont nombreux : histoire des politiques et institutions culturelles, des intellectuels, du cinéma, des médias, des sciences, pour ne prendre que quelques exemples, sans parler de l’histoire culturelle du politique évoquée dans un chapitre ultérieur. Ce panorama est l’occasion pour l’auteur de faire montre de toute sa maîtrise du corpus historiographique. Le résultat est franchement impressionnant : quel que soit le sujet, les références sont précises et utiles. Cet ouvrage est un instrument excellent et très à jour pour identifier les ouvrages fondateurs et marquants, les chercheurs qui ont travaillé sur des domaines spécifiques, les dynamiques de la recherche contemporaine.

Enfin une troisième partie se veut plus problématique : il ne s’agit plus là de raconter les débats qui ont entouré l’émergence de l'histoire culturelle, ni de cerner les champs où elle s’exprime, mais plutôt de l’interroger, de tenter de saisir ses traits propres. Cette recherche des caractère essentiels – au sens philosophique du terme - passe par une confrontation avec d’autres disciplines (histoire des arts, sciences sociales) mais aussi par une comparaison avec ce qui se passe dans d’autres pays. Confrontation également avec d’autres champs au sein même de la discipline historique : histoire sociale, économique, politique. Les théoriciens de l’histoire culturelle utilisent en effet les mêmes sources que leurs collègues, tout en ambitionnant de les lire différemment, de porter un autre regard sur les mêmes matériaux.

Que penser de tout cela ? La lecture de l’ouvrage de Philippe Poirrier ne dissipe pas les interrogations, les malentendus, le malaise qui entoure l’histoire culturelle. Au contraire, l’auteur lui-même souligne brillamment les problèmes que pose l’affirmation récente de l’histoire culturelle. Si elle a conquis de fortes positions universitaires et éditoriales, elle n’a pas encore acquis une véritable légitimité scientifique. La conclusion de Philippe Poirrier, toute en nuances, est très éclairante de ce point de vue. Selon lui, l’histoire culturelle demeure plurielle, en raison de «la prégnance des périodes de spécialité, des aires culturelles, et des sensibilités d’écoles», mais sans doute aussi en raison de l’hétérogénéité des objets auxquels elle touche. Il souligne que l’histoire culturelle «ne s’affiche jamais, sinon rarement, comme un nouveau paradigme à l’ambition totalisante ou hégémonique».

Pourtant cette ambition existe chez certains. La prétention affichée de transcender les clivages traditionnels de la discipline historique, de n’avoir pas d’objet spécifique, mais au contraire d’adopter un nouveau regard, n’implique-t-elle pas une visée globalisante ? De même, la publication de textes manifestes tels que Pour une histoire culturelle, paru au Seuil en 1997 sous la direction de Jean-Pierre Rioux et Jean-François Sirinelli, n’est-elle pas le signe d’une volonté de faire école, de se présenter précisément comme un nouveau paradigme ? Mais un paradigme suffisamment mou et flou pour pouvoir recycler des recherches antérieures, se nourrir des apports des disciplines connexes, absorber, englober à l’infini.

A côté d’un usage non problématique de la notion consistant à regrouper sous une même appellation l’histoire des politiques et des institutions culturelles, des intellectuels, des relations culturelles internationales, du livre, des médias, c’est-à-dire ce que Philippe Poirrier appelle une histoire «des institutions, des cadres et des objets de la culture», se trouve la volonté beaucoup plus problématique affichée par l’histoire culturelle de se présenter comme un regard englobant. Sans même juger de la légitimité de ce regard, avouons que cette vocation globalisante n’est pas pour nous aider à identifier les caractéristiques essentielles de cette catégorie protéiforme, brillamment décortiquée par Philippe Poirrier.


Raphaël Muller
( Mis en ligne le 14/02/2005 )
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