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Histoire & Sciences sociales  ->  Historiographie  
 

Quels musées pour les guerres ?
Jean-Yves Boursier    Collectif   Musées de guerre et mémoriaux
Editions de la Maison des sciences de l’Homme 2005 /  24 € - 157.2 ffr. / 257 pages
ISBN : 2-7351-1079-6

L’auteur du compte rendu : Philippe Poirrier est Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne. Il est notamment l’auteur de : [avec Jean-Pierre Rioux], Affaires culturelles et territoires (La Documentation française, 2000), Les Enjeux de l’histoire culturelle (Seuil, 2004) et [avec Geneviève Gentil], La Politique culturelle en débat (La Documentation française, 2006).
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Cet ouvrage collectif, édité sous la direction de l’anthropologue Jean-Yves Boursier, constitue les actes d’une journée d’études organisée en octobre 2000 à la MSH de Paris. Soutenue par le ministère des Affaires étrangères et le secrétariat d’Etat aux Anciens combattants, cette rencontre avait associé chercheurs en sciences sociales et acteurs des politiques symboliques, sans pour autant être marquée du sceau de l’«histoire officielle». La mise à jour des bibliographies mobilisées par les auteurs permet de compenser pour une part les conséquences d’une publication relativement tardive sur un champ de recherches qui enregistre depuis plusieurs années une indéniable montée en puissance. Les thèses d’Anna Balzarro (Le Vercors et la zone libre de l’Alto Tortonese. Récits, mémoire, histoire, EHESS, 2001), d’Isabelle Benoît (Politique de la mémoire : les musées d’histoire français et allemands, 1945-1995, IUE, 2001) et l’ouvrage dirigé par Sophie Wahnich (Fictions d’Europe, la guerre au musée en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne, Editions des Archives contemporaines, 2003) témoignent de cette conjoncture historiographique.

En prologue, Dominique Poulot, spécialiste de l’histoire culturelle des musées (Cf. Dominique Poulot, Musée et muséologie, La Découverte, 2005), dresse, dans la longue durée, une histoire des musées d’histoire. Plusieurs contributions se placent à l’échelle nationale : l’intervention de l’Etat, les musées consacrés à la Shoah en France, les musées de la Résistance et de la Déportation en Italie, la comparaison de l’Historial de Péronne, du Mémorial de Caen et de l’Imperial War Museum de Londres, Auschwitz comme lieu de mémoire… Une seconde partie est consacrée à l’analyse de huit «situations locales», essentiellement des musées de la Résistance. Rédigées le plus souvent par les responsables de ces institutions, les contributions de cette partie reviennent sur la genèse de ces musées et sur les enjeux auxquels ils sont désormais confrontés.

L’exemple du musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon est assez représentatif. Le musée est issu de la volonté de résistants et de déportés au lendemain du vingtième anniversaire de la libération de la ville. Le maire socialiste de Besançon, ancien résistant et ancien membre du CDL, soutient cette initiative associative. Henri Michel, relayé par un jeune enseignant-chercheur François Marcot, permet une active collaboration entre les historiens et les acteurs du monde associatif. Le musée, inauguré en 1971, est caractérisé par une volonté didactique. Mémoire et histoire sont ici fortement liées. En 2000, le musée est municipalisé, et sa rénovation, portée par les référents de la muséologie contemporaine, s’inscrit dans le cadre du développement touristique du pôle culturel que constitue la Citadelle de Besançon.

La plupart des musées de guerre et mémoriaux sont aujourd’hui à la croisée des chemins. La disparition progressive des initiateurs de ces institutions, souvent des anciens combattants, et la progressive professionnalisation des institutions les engagent dans une nouvelle période de leur développement. Ces institutions culturelles n’échappent pas non plus à la marchandisation croissante du paysage muséal qui les soumet à des logiques économiques et aux impératifs du tourisme culturel. La question du sens du message à transmettre n’en est que plus vive. Ces musées contribuent également à l’écriture et à la diffusion de l’histoire. A ce titre, la nature des relations avec les centres de recherches et les universités, souvent évoquée dans les différentes contributions, mérite d’être discutée et croise la question du rôle social de l’historien. Force est de constater qu’en France, la plupart des spécialistes de l’histoire des conflits contemporains acceptèrent cette fonction et certains s’engagèrent sans compter leur temps pour que la scénographie respecte les avancées de la recherche scientifique. La commémoration a certes souvent dicté le calendrier sans pour autant conduire à des formes d’instrumentalisation.

Le statut des contributions confère à l’ouvrage une posture particulière et invite à une double lecture : une analyse historienne des politiques symboliques et un témoignage sur un moment particulier de l’histoire des musées de guerre. Il faut également saluer une démarche qui combine les échelles nationales et locales. La perspective comparative, largement esquissée avec d’autres pays européens, confirme ses vertus heuristiques, et s’impose à l’heure d’une volonté plus affirmée de construction de politiques symboliques à l’échelle de l’Union européenne. En filigrane, c’est la question, ô combien essentielle, des usages politiques de l’histoire qui est posée. Au total, un ouvrage bienvenu qui devrait trouver sa place dans les bibliothèques de ceux qui s’intéressent à l’histoire de la mémoire et à l’histoire des politiques culturelles des pouvoirs publics.


Philippe Poirrier
( Mis en ligne le 12/05/2006 )
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