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Histoire & Sciences sociales -> Historiographie |
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Entretien autour de l’histoire de l’art | | | Roland Recht Claire Barbillon A quoi sert l'histoire de l'art ? Textuel - Conversations pour demain 2006 / 17 € - 111.35 ffr. / 110 pages ISBN : 2-84597-194-X FORMAT : 11,5cm x 21,0cm
Lauteur du compte rendu : Philippe Poirrier est Professeur dhistoire contemporaine à lUniversité de Bourgogne. Ses recherches portent sur lhistoire culturelle de la France. Il a notamment publié Les Enjeux de lhistoire culturelle (Seuil, 2004) et vient de diriger Art et pouvoir. De 1848 à nos jours (Cndp, 2006). Imprimer
Titulaire de la chaire «Histoire de l'art européen médiéval et moderne» du Collège de France depuis 2001, après avoir été directeur des Musées de Strasbourg (1986-1993) et professeur dhistoire de lart aux universités de Bourgogne (1980-1986) et de Strasbourg (1993-2001), Roland Recht propose, dans la collection «conversations pour demain» des éditions Textuel, une réflexion qui peut se lire comme un état de la discipline 'histoire de lart'. Trois questions, étroitement liées, sont discutées : les relations entre cette discipline et la montée en puissance des enjeux patrimoniaux, le développement singulier de lhistoire de lart en France et la nécessité de mettre en place au sein du système scolaire une véritable éducation du regard.
La première partie est une mise en garde contre linstrumentalisation de lhistoire de lart dans le contexte de «marchandisation» du patrimoine. Roland Recht dénonce le caractère utilitariste des politiques culturelles menées par les collectivités locales ; il souligne les effets pervers dun management qui place au premier plan la recherche de retombées économiques aux dépens dune recherche qui doit rester au cur des missions des conservateurs de musées. Il défend le maintien de la figure du conservateur directeur de létablissement et redoute le poids croissant des technocrates de la culture. Dans le même esprit, il pointe, à juste titre, le danger dune politique de la recherche qui condamnerait les universités à dépendre des seuls financements locaux. Lauteur, qui a longtemps exercé en région, saffiche comme un jacobin, convaincu que lEtat demeure un garant de la liberté du chercheur.
La seconde partie constitue une démarche historiographique qui montre combien la séparation entre le monde des musées et le monde universitaire a pesé sur le développement de lhistoire de lart en France. La comparaison avec la situation allemande, que Roland Recht connaît bien, permet de mieux comprendre cette exception française caractérisée par laffirmation dune discipline empirique à lextérieur de lUniversité. On ne suivra pas totalement lauteur lorsquil distingue la démarche de lhistorien qui ferait de lartefact un document, et la démarche de lhistorien de lart qui le considère comme un monument. La montée en puissance, depuis deux décennies, de lhistoire culturelle rend pour le moins aléatoire cette typologie. Roland Recht défend une histoire de lart conçue comme une discipline herméneutique en tant que science de linterprétation (historique, philologique et symbolique). A ce titre, il plaide avec conviction pour une meilleure visibilité des présupposés méthodologiques et encourage, pour sa posture réflexive, la construction dune histoire de lhistoire de lart.
La dernière partie est un plaidoyer pour une meilleure insertion de lhistoire de lart dans la société. Lauteur souligne à juste titre les insuffisances de notre système scolaire qui accorde si peu de place à lhistoire de lart. Il propose notamment une double qualification pour ceux qui enseignent, dans lenseignement secondaire, lhistoire ou les lettres afin de leur permettre denseigner lhistoire de lart. Cette proposition semble plus réaliste qui celle qui consiste à revendiquer la création de concours spécifiques. Roland Recht est par ailleurs partisan dune réforme de la formation des futurs conservateurs de musées et critique la création de lEcole du patrimoine. Il préconise, à limage de ce qui se fait dans la plupart des pays européens, de faire de luniversité la voie normale pour former les futurs conservateurs et les enseignants chercheurs. De même, il regrette le caractère parisien et centralisateur de lInstitut national dhistoire de lart (Inha) tout en approuvant la nécessité de sa création. En revanche, sa volonté de mettre en place une sélection afin de recruter les étudiants des départements dhistoire de lart des universités est peu compatible avec la tradition universitaire française, et semble peu réaliste en létat actuel.
Ce petit volume se lit dun trait. La liberté de ton de lauteur et la qualité de lentretien mené par Claire Barbillon, directrice des études à lEcole du Louvre, font de cet essai une lecture roborative indispensable à tous ceux qui sintéressent à lhistoire des sciences sociales. Louvrage permet daccéder plus facilement aux convictions et propositions que Roland Recht avait dejà avancées dans dautres ouvrages : Penser le patrimoine. Mise en scène et mise en ordre de lart (Hazan, 1999) et LObjet de lhistoire de lart. Leçons inaugurales du Collège de France (Fayard, 2003).
Philippe Poirrier ( Mis en ligne le 30/11/2006 ) Imprimer | | |
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