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Histoire & Sciences sociales -> Géopolitique |
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Le « cinéma de sécurité nationale » | | | Jean-Michel Valantin Hollywood, le Pentagone et Washington - Les trois acteurs d'une stratégie globale Autrement - Frontières 2003 / 14.95 € - 97.92 ffr. / 207 pages ISBN : 2-7467-0379-3 FORMAT : 15x23 cm Imprimer
Quil est rafraîchissant de lire, dans une production hélas souvent entachée dun anti-américanisme primaire, des essais offrant une vision originale, informée et pertinente sur l «oncle Sam». Hollywood, le Pentagone et Washington est de ceux-là.
Laudiovisuel américain, devenu notre environnement culturel à tous, heurte parfois par ses compromissions évidentes avec la ligne politique adoptée par Washington. On se souvient des films anti-communistes au temps de la chasse aux sorcières, ou plus récemment, de la soumission volontaire ? de CNN dans la couverture de la guerre du Golfe ou de lintervention en Irak. Qui ne sest pas interrogé devant les drapeaux agités sur le grand écran, devant laccent mis de manière trop appuyée sur un patriotisme suspect, à limage dun unilatéralisme politique de mauvais aloi ?... Alors, propagande ou pas ?
Jean-Michel Valantin offre avec le présent ouvrage un panorama à la fois saisissant, rassurant et inquiétant sur la société américaine, en choisissant pour angle de vue les accointances entre lindustrie cinématographique et les pouvoirs politiques et militaires américains. Car, loin dune soumission du septième art à la Maison-Blanche et au Pentagone, cest bien dune rencontre, dune entente quil sagit, rendant compte dun consensus national évident. Rien de moins étonnant, faut-il le souligner, dans une démocratie aussi aboutie et dans une société aussi libérale que les Etats-Unis. Ce qui sapparente à de la propagande nest jamais que le point de rencontre des pouvoirs, des médias et de lopinion publique. Comme lécrit lauteur, il «est nécessaire de conserver à lesprit que ces films ne sont pas des films de propagande : ils nont pas été commandés par la Maison-Blanche ou par le Pentagone à des fins déducation des masses. Ils accompagnent lavènement dun courant idéologique dont les racines plongent aux origines historiques, politiques et mythologiques des Etats-Unis.» (p. 47)
En effet, doù vient ce consensus ? Jean-Michel Valantin lexplique par ce qui soude une société historiquement et intrinsèquement frangible : ses mythes fondateurs. Patchwork de nationalités, menacés par léclatement communautaire, les Etats-Unis tiennent debout par une série de références historiques et religieuses : la «Frontière», le mythe de la «Cité sur la colline» et celui de la «Destinée manifeste» rendent compte dun rapport au monde marqué par un messianisme évident. Cet arrière-plan mythologique, inconcevable dans une société désenchantée comme la nôtre, est fondamental pour comprendre et la politique américaine et une production artistique que nous sommes, dès lors, incapables de concevoir sous nos latitudes bien que nous en soyons de grands consommateurs.
Le cinéma, depuis la Seconde Guerre mondiale, exprime cette culture particulière. Lauteur, par maints exemples de films quil analyse précautionneusement, rend compte de cette histoire, celle du «cinéma de sécurité nationale». Un mot résume ce rapport : la menace. Celle-ci cimente plus que tout autre paramètre une société risquant limplosion : en définissant lennemi extérieur, lAmérique évite de se morceler, quil sagisse de lURSS à partir de 1947, de Saddam Hussein à partir de 1990 ou des réseaux clandestins depuis quelques années. Les extra-terrestres comme les catastrophes naturelles (tremblements de terre, météorites, irruptions volcaniques, tsunami, etc
) sont des métaphores supplémentaires de ce rapport obsessionnel à la menace extérieure.
Il faut noter que cette menace peut être également endogène : le rapport des Etats-Unis à lénergie nucléaire («Dr Folamour» en 1963, «La planète des singes» en 1968) comme à lexercice dun pouvoir pouvant savérer tyrannique innervent également la production cinématographique. En outre, le lien entre les studios et les allées du pouvoir nest pas un long fleuve tranquille. La guerre du Vietnam est un tournant évident dans lhistoire de ce rapport, qui mit fin à ce que lauteur appelle le «complexe militaro-cinématographique», illustré par des films comme «Le jour le plus long» (1962). En 1975, «Apocalypse Now » de Coppola est le premier film sans soutien de larmée. «Rambo», dans les années 1980, illustre une phase de réconciliation sans que le pôle libéral cesse de sexprimer à Hollywood. Des réalisateurs comme Kubrick, Altman ou Stone montrent quun discours allant contre la politique sécuritaire en cours est toujours possible dans le pays chérissant plus que tout autre la liberté dexpression.
Hollywood, le Pentagone et Washington est un essai à lire absolument pour qui veut porter un regard critique mais informé sur les Etats-Unis. On peut certes discuter la thèse de lauteur pour son ambition globalisante. Choisir langle de la psychologie collective, donnée échappant à une analyse rationnelle et expérimentale et souffrant toujours de maints contre-exemples à léchelle individuelle, prête aussi le flanc à la critique. Néanmoins, Jean-Michel Valantin offre une clé dinterprétation précieuse pour comprendre cette étrange Amérique. Son très grand mérite est en outre dinciter à regarder de manière critique des uvres appartenant au registre de lentertainment, dun divertissement poussant plus à la passivité intellectuelle quà la mise en garde : des uvres aussi spectaculaires et «grand public» que «La Guerre des étoiles», «La planète des singes» ou «Minority Report» nous renseignent aussi sur les débats et les orientations stratégiques, outre-Atlantique.
Thomas Roman ( Mis en ligne le 13/10/2003 ) Imprimer | | |
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